Connectionivoirienne | Par Douadé Alexis Gbansé
Le mercredi 22 janvier 2020 fera date dans l’histoire de l’UNA-FESCI, l’Union des Anciens de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte-d’Ivoire, née il y a à peine un peu plus d’un an.
En effet, c’est la date choisie par le Dr. Martial Ahipeaud et le président du Cojep Blé Goudé Charles, tous deux anciens secrétaires généraux de la FESCI, pour se retrouver à La Haye, un an après l’acquittement du célèbre prisonnier par la Cour pénale internationale. Les deux leaders emblématiques de la FESCI ne s’étaient plus revus depuis un échange de deux heures, loin des caméras, dans les méandres de la prison de la CPI à Scheveningen, en mai 2017.
Depuis cette visite, plusieurs tentatives de rencontre allaient s’avérer impossibles pour diverses raisons : entre autres, l’intensité de la procédure d’acquittement de Blé Goudé et Laurent Gbagbo, l’interpellation d’Ahipeaud au Canada, le procès contre Koffi Serge [ancien SG] dans ce même pays ou pour des questions d’agenda.
Pour Martial Ahipeaud, arrivé de Paris accompagné de deux cadres de son parti l’UDL, Adou Pascal, son chef de cabinet et le médecin Cheik Borah, le représentant de l’UDL en France, il s’agissait de s’enquérir des nouvelles de son jeune frère, mais aussi de lui donner les nouvelles de l’Union des Anciens, dont l’idée de la création était partie de leur première rencontre de mai 2017.
Le groupe de trois sera rejoint par le directeur de publication du site Connectionivoirienne, Gbansé Douadé Alexis, ancien fesciste résident en Hollande, la seule personne présente à la première rencontre entre Ahipeaud et Blé Goudé à la prison de la CPI en mai 2017.
Partis tôt le matin de Paris pour un long voyage de 5 à 6 heures par la route vers La Haye, par un temps d’hiver nuageux et légèrement pluvieux, Ahipeaud et sa délégation sont accueillis sur le coup de 14h30, heure locale par un Blé Goudé Charles fortement ému, entouré de ses assistants Ibo Innocent et Jeanne Tilman.
Détail intéressant, durant tout le voyage, Blé Goudé maintiendra le contact avec son aîné afin de suivre sa position et de se faire une estimation de l’heure d’arrivée de la délégation. L’impatience et l’émotion étaient visibles sur le visage d’Ahipeaud et dans la voix de Blé Goudé.
Après les salutations à gorges déployées, les chaudes accolades trahissant difficilement la joie des retrouvailles, Zadi Gbapê (un des surnoms de Blé Goudé, le crabe aux mille trous), va se retirer dans ses bureaux avec ses quatre hôtes.
Les échanges à cinq dureront une heure et porteront sur les civilités, les échanges sur les questions d’actualité, notamment les poursuites contre les anciens fescistes Soro Guillaume, Soul to Soul ou encore de la situation de Yapo Assi Innocent dit Kalai, l’homme du Kilombo, secrétaire de l’UNA-FESCI pour l’Europe, depuis peu en détention en France.
Cette première phase de discussions fortement animée entre cinq, passée, les deux anciens secrétaires généraux de la FESCI vont émettre le souhait de se retrouver à huis-clos pour un tête-à-tête qui durera finalement trois heures, entrecoupé de courtes pauses.
À la sortie du huis-clos Blé Goudé et Martial Ahipeaud vont chacun passer devant les caméras pour s’adresser à leurs milliers de camarades [anciens fescistes] éparpillés dans le monde entier, mais aussi aux opinions ivoirienne, africaine et internationale.
Nous vous retranscrivons intégralement ces deux interventions.
Martial Ahipeaud : «Depuis le 1er février 2019, le camarade a été libéré, on n’a pas eu l’occasion de venir le saluer, cela [la rencontre du jour] a été vraiment l’occasion pour nous de venir lui dire « yako » pour toute la douleur, pour tout ce qu’il a traversé comme difficultés. Ceci dit, nous sommes aussi ici pour lui donner toutes les informations par rapport à la mise en place de notre cadre de concertation, comme on le dit toujours entre nous, l’UNA FESCI c’est vraiment la Suisse de tous les fescistes. Ce n’est pas un mouvement à caractère politique, c’est plutôt une organisation qui va rassembler tout le monde et créer les conditions de la réconciliation et de la paix entre nous d’abord, et entre nous et le reste du peuple de Côte-d’Ivoire. Je veux profiter en même temps pour le féliciter pour la dynamique, la posture dans laquelle il est. Parce que depuis quelques mois il lance des appels à la réconciliation et à la paix. Tout ce qui est notre leitmotiv en ce moment. J’ai profité de l’occasion pour lui dire de persister là-dedans. C’est vrai qu’en ce moment à cause de tout ce qui se passe dans le pays il est peut-être difficile d’entendre les voix qui appellent à la paix et à la réconciliation mais nous, nous sommes convaincus qu’ensemble, si on travaille, on pourra éventuellement réussir cela. Voilà un peu ce sur quoi a porté nos discussions.»
Transition
Se serrant énergiquement les mains
Blé Goudé : «Merci général, merci !»
Ahipeaud : «Tu es un général awouli, vraiment on est fiers»
Blé Goudé : «Non y a le général et le général » (rire)
Blé Goudé : «C’est une joie immense pour moi de recevoir ici à La Haye, mon aîné, mon devancier, le général Martial Ahipeaud Joseph. Il a été celui-là même qui a initié tout ce que nous avons fait et que nous sommes en train de faire. Aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’émotions que l’ai reçu toute cette journée, accompagné de quelques amis. Je veux dire merci pour ce long déplacement qu’il a effectué parce que là où le cœur est c’est là que les jambes se déplacent. Je suis content d’autant plus qu’il m’a donné les nouvelles de beaucoup de camarades et il m’a aussi situé le cadre qui a permis de mettre en place l’Union des anciens de la Fesci. Tout le monde sait que j’étais derrière les barreaux quand l’UNION a été portée sur les fonts baptismaux. C’était donc important pour moi de comprendre. Je n’avais jamais voulu me prononcer sur l’Union tant que je n’avais pas rencontré l’initiateur lui-même. Aujourd’hui il m’a expliqué, et je pense que nous tous, on doit comprendre que ce n’est pas partout qu’on fait la politique. C’est un lieu d’entraide, c’est un cadre de réflexion, pour que nous fassions la paix entre nous comme il l’a dit mais aussi avec le reste des Ivoiriens. Vous comprenez donc que mon inspiration et mon engagement pour la paix je ne les tire de nulle part ailleurs que par ce qui m’a été enseigné par celui qui est là, assis à ma droite, qui est mon vrai maitre, en fait. Donc je voulais vraiment lui dire merci. Merci d’avoir fait ce déplacement, et puis le rassurer que je continuerai toujours de faire mes appels à la paix, car c’est de cela que la Côte-d’Ivoire a besoin aujourd’hui. Nous ne pouvons évoluer que dans un cadre de paix, dans un cadre où les règles que nous nous sommes fixées sont respectées. Mais là où il y a la belligérance permanente, le développement ne peut être mis à profit pour les Ivoiriens. Un esprit qui a peur, un esprit qui est opprimé, ne peut pas produire. Nos pays ont besoin de calme, notre pays en particulier, tirant les leçons de notre histoire récente dont on n’a pas encore fini de panser les plaies. La Côte-d’Ivoire a plus que besoin de paix. Général, je voudrais te rassurer que je suis dans cette logique-là. Je salue tous les camarades à ton retour. Dis-leur qu’un général reste un général !»
Fin de retranscription.
C’est finalement sur le coup de 20 heures, la nuit tombée, que Blé Goudé et ses collaborateurs prendront congé de leurs hôtes du jour, en promettant de se retrouver dans un futur proche. Au moment de la séparation, la satisfaction se lisait sur tous les visages. Tous les participants, issus de la génération 90, avaient conscience d’avoir pris part à un moment historique, car de la paix entre fescistes dépendra en grande partie la paix en Côte-d’Ivoire.
GDA
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