La cession des filiales de BNP Paribas en Afrique prend une tournure politique
Le processus de cession des filiales de BNP Paribas au Burkina Faso, au Mali et en Guinée Conakry * a pris une tournure politique. La banque d’affaires de BNP Paribas qui joue le clair-obscur depuis le tout départ, n’a pas souhaité donner d’exclusivité, laissant les deux finalistes sur le dossier, à savoir l’homme d’affaires ivoirien Dossongui Koné, et l’américano-burkinabé, Simon Tiemtoré, s’affronter dans les antichambres des palais présidentiels africains.
Et, à ce jeu là, selon nos informations, c’est bien le patron de Vista Bank Group et du fonds Lilium Capital, qui mènerait aux points, mais Dossongui Koné – vieux routier des affaires – n’a pas du tout l’intention de se laisser damer le pion. Il ne manque pas d’atouts ni de soutiens et fait valoir qu’en dehors de la Guinée, le vent politique lui est plutôt favorable.
Plusieurs proches du dossier semblent confirmer que l’offre de Dossongui apporte à la BNP de meilleures garanties de sérénité dans cette transaction. Soutenu par le président Alpha Condé dès le départ, l’ancien pensionnaire de la banque panafricaine Afreximbank a été reçu en début de semaine par le président malien Ibrahima Boubacar Keita (IBK) sous bonne escorte de l’ambassadeur américain à Bamako. Et quand on se rappelle de la facilité avec laquelle il avait acquis la Banque Commerciale du Burkina (BCB ) – transaction finalement avortée-, l’on ne peut que présager une issue favorable pour ce banquier de 45 ans, en passe d’acquérir trois filiales dans un processus qui n’aura pas brillé par la traditionnelle transparence entourant les opérations de fusion & acquisition. “Les candidats à la reprise auront réclamé jusqu’au bout l’accès à certaines données, sans succèsDans ces conditions-là, il était difficile de faire une évaluation précise des actifs en cession”, fulmine un avocat d’affaires. C’est d’ailleurs face à cette absence d’informations que la plupart des poursuivants à l’instar du tandem Sunu-Africinvest, Coris Bank International, ou encore NAPC –CDC, ont abandonné la partie.
Dans ces conditions-là, la décision finale retiendra-t-elle la meilleure offre technique et financière … ou celle qui aura le plus de soutiens politiques ? Le choix annoncé et assumé du président Alpha Condé en faveur de Vista reposerait beaucoup plus sur une géopolitique régionale que sur la présentation des dossiers entre les deux repreneurs. Dans les milieux d’affaires oust-africains, les commentaires vont bon train. Poussée à se désengager de ces trois filiales pour diverses raisons et des soucis de compliance, coûteux depuis l’amende record de 8,8 milliards de dollars infligée par les autorités américaines, la BNP Paribas hésitera sans doute à céder ses trois filiales à une entité aux ramifications américaines certaines. Jeune par l’âge, Lilium Capital, domicilié à New York, fait beaucoup parler de lui par ses soutiens politiques et diplomatiques réels et imaginaires. Le fonds est impliqué actuellement dans une affaire judiciaire portant sur la propriété litigieuse de FIB Bank Group Gambia Limited.
L’on se rappelle qu’entre 2015 et 2016, Lilium avait acquis cette entité bancaire auprès de la société Slok du politicien et businessman nigérian Orji Uzor Kalu, ancien gouverneur de l’Etat d’Abia, actuellement en prison pour 12 ans pour des détournements de 7 milliards de nairas perpétrés quand il était en poste entre 1999 et 2007 . La transaction sur FIB Bank Group Gambia Limited a été révélé par les Paradise Papers*.
D’après Lilium, les actionnaires et le conseil d’administration de Slok, y compris Orji Kalu, Mascot Kalu et Wolo Sodipo, ont tous approuvé et à l’unanimité la cession de FIB Group et de ses filiales à Lilium. Cette version est contestée par un conseiller juridique de FIB Group Limited qui a récemment déclaré que “Slok Nigeria Limited reste le propriétaire légal et authentique de FIB Group Limited et de ses filiales bancaires”. D’ailleurs, une tentative illégale de Lilium Grays Limited de reprendre les filiales de FIB Group Limited a été rejetée par la Cour Suprême de Gambie par un jugement rendu le 30 juillet 2019.
L’arrêt a ainsi réaffirmé que Slok Nigeria Limited est le propriétaire légal et véritable de FIB Group Limited et de ses filiales Fibank en Guinée, en Gambie et en Sierra Léone. Cette affaire soulève plusieurs questions à ce jour sans réponses. Le limogeage avec effet immédiat en mars 2019 du greffier gambien Lamin Touray, en charge du dossier, en dit long sur la sensibilité du dossier comme sur le pouvoir de lobbying de Lilium Holdings Limited, société enregistrée en Europe et de Lilium Grays Limited, enregistrée aux USA, défendues en Gambie par le cabinet d’avocat Amie Bensouda & Co.
Financialafrik
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