DOUBLE RÉSISTANCE. Contrairement à Emmanuel Macron, Alassane Ouattara (photo) ne proclame pas son caractère jupitérien mais sa conviction et sa volonté sont les mêmes. En Côte d’Ivoire, il est « le maître du temps et des horloges ».
À la fin de son second mandat (octobre 2015 – octobre 2020), il tient à en marquer lui-même les heures. Il fait ce qu’il veut avec la pendule pour bien montrer qu’il décide seul du calendrier politique.
Le problème, l’agenda présidentiel, par ses manœuvres, cale l’espoir de l’Opposition a un libre exercice du jeu au point que le pouvoir se trouve confronté à une double résistance.
La première, déclarée « démocratique », est menée par Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA, pour obtenir nécessairement « le maintien en l’état actuel de la Constitution ».
Alassane Ouattara a, en effet, souverainement décidé de saisir, au cours du premier trimestre 2020, le Parlement pour des modifications de la Constitution.
Le président de l’ex-parti unique est en première ligne pour barrer la route à ce « tripatouillage ». « Je crains que ce soit-là un problème très grave pour la stabilité du pays », a-t-il mis en garde, le 10 septembre 2019, sur les antennes de France 24.
Car dans l’année électorale et à environ six mois du scrutin présidentiel, des changements d’articles dans la Loi fondamentale sont susceptibles, dénonce Bédié, « de perturber le jeu démocratique ».
Même s’il s’en défend formellement, l’on soupçonne Alassane Ouattara de vouloir rétablir le verrou de l’âge des candidats à 75 ans à l’effet d’éliminer, en même temps que lui, Laurent Gbagbo et Konan Bédié de la course à la magistrature suprême au profit, comme il le défend, des « nouvelles générations ».
De plus, au cours de la campagne référendaire, Ouattara a déclaré, le 27 octobre 2016 à Bouaké, que cette nouvelle Constitution était censée « préparer 2020 et éviter que surviennent des crises avec des élections claires et limpides ». Or, la nouvelle Commission électorale indépendante (CEI) est une pierre d’achoppement.
Sans compter que le chef de l’État s’était aussi interdit toute manipulation de la nouvelle Loi fondamentale. En reconnaissant « qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite », il a soutenu « que les générations futures pourront modifier cette Constitution si elles le veulent ».
Mais sans attendre « les générations futures », Ouattara prend son calendrier politique, moins de quatre ans après la promulgation de la Constitution, pour raboter une Loi destinée, selon ses propos, « à protéger le citoyen de toute décision arbitraire ».
Et c’est justement pour contester l’arbitraire du pouvoir que Soro Kigbafori Guillaume, député et ancien président de l’Assemblée nationale, organise, de son côté, une autre résistance dite « pacifique ».
Sous le coup d’un mandat d’arrêt international, le président de Générations et peuples solidaires (GPS, mouvement politique) est condamné, depuis le 23 décembre 2019, à l’exil politique. Deux de ses frères, nombre de ses partisans dont cinq députés sont embastillés.
Le chef de l’État oppose un niet à la solution politique que Teodoro Obiang Nguema Mbazogo, président équato-guinéen, et Mgr Jean-Pierre Kutwa, archevêque d’Abidjan, ont proposée respectivement les 28 et 30 décembre 2019.
Pour Ouattara et dans son inflexible fermeté, force doit rester à la loi. Soro doit répondre de ses présumés actes de détournement de deniers publics et de subversion. Dura lex, sed lex, dit-on.
Et voilà le plus grand bénéficiaire ivoirien des arrangements politiques en marge du droit qui devient le héraut de la loi. Si ce n’est pas l’hôpital qui se moque de la charité, c’est l’arroseur qui refuse d’être arrosé.
F. M. Bally
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