Décédé, le 2 janvier 2019, en France,des condisciples de l’artiste Abou Smith à Abidjan témoignent. Phil Azoumé et Serges Kassy.
Phil Azoumé: « Je suis dévasté. La raison est la suivante : Comme le dit Serges Kassy, nous sommes une génération d’artistes en Côte d’Ivoire qui avons cassé la graine ensemble. Nous nous connaissons pratiquement tous pour avoir vécu une enfance comme des enfants d’une cour commune. Abou et moi, nous nous sommes rencontrés à l’Université d’Abidjan et avons partagé cette passion dévorante qu’est la musique, en 1980, au sein de l’OUA (Orchestre de l’Université d’Abidjan) avec Paul Dodo (rip), Obou Dapéa Madriss (rip), Kéï Roger, Momo Louis Touré, Tiburce Koffi, Magloire Koudou, Mesmer Gnagno Zebeyou, Ouga, Big Sat, Bob Ice (rip), Moni Bilé, Gustave Guiraud (rip)… Notre particularité Abou et moi est que nous avons partagé une chambre à la cité Mermoz pendant un an, une chambre où il recevait ses potes Jonathan, Dom Barret et…Alpha Blondy, encore inconnu. Plus que des amis, nous sommes devenus des frères.
Plus tard, après la fac, nous nous retrouvions régulièrement chez lui à Treichville et c’est d’ailleurs là que j’ai découvert un petit jeune dont j’ai été émerveillé par la voix. J’ai présenté ce petit jeune à mon ami qui n’a pas tardé à produire son 1er album. Mon ami producteur est Koné Dodo et le petit jeune, Ismaël Isaac le gangamba. Abou et moi, nous nous sommes revus la dernière fois, en 2014, dans un café-concert à Paris Chatelet où il était en prestation avec son groupe. Il y avait ce soir-là Momo Louis et Tiburce Koffi, et naturellement nous avons beaucoup évoqué nos années OUA-fac.
Abou !! Assikongo !… Vas en paix! Et transmets nos salutations à Dodo et aux autres… »
Serge Kassy; « Abou Smith, c’était mon ami, mon frère. Nous sommes de la même promotion, cette promotion qu’on appelait, après l’explosion d’Alpha Bondy avec Brigadier sabari en 1981, la génération à venir. Cette génération qui incarnait la relève avec beaucoup d’espoir, avec Serges Kassy, Solo Jah Gunt, Ismaël Isaac, Waby Spider, Abou Watt, Abou Smith et bien d’autres.
C’est le chanteur reggae ivoirien le plus passionné de son art. cher frère et ami, que ton âme repose en paix sur la terre de tes ancêtres. »
FratMat
NOTRE DERNIÈRE RENCONTRE
===========================
Il y a juste 30 ans…
Je devais rejoindre Charles de Gaulle en urgence pour mon vol de retour sur Abidjan. Les vols Air Afrique c’était connu, étaient toujours full avec…la famille du personnel et les surbookings. En tarif réduit svp pour les patents de la compagnie.
La peur au ventre je luttais pour faire passer mes valises aux différents tourniquets des gares parisiennes qui ne respectaient encore toutes les nouvelles normes !
Aller à Paris sans revenir chargé d’ouvrages de toutes sortes, ne valait pas la peine. Paris reste Paris ! Avec ou sans l’Internet !
Dans cette course contre la montre, dans l’une des stations face à ma détresse, voici qu’un black généreux vient me donner un coup de main ! Je lui tends la main pour le remercier avant de sauter dans le train suivant mais qui je vois ?Abou SMITH !
Je laisse le train filer pour rejoindre le vieux pote du campus.
Je lui demande « Abou tu fais quoi ici ? »
Il me répond » Tu sais Brother mon style a des fanatiques ici. Chaque soir de l’année ils payent pour m’entendre jouer le même morceau. Ils adorent les mêmes refrains comme s’ils les découvraient pour la première fois ! ».
Le temps m’était compté. Je lui dis simplement « Abou reprends encore le tube une dernière fois pour moi..STP ! »
On se comprenait…
SMITH debout devant le public de voyageurs médusé reprit lentement
« I’ve Got Dreams to Remember » …de Otis !
Abou jouait avec un art consommé le répertoire de Otis Redding. A l’occasion de mon premier goumin goumin qu’une artiste des ballets du lycée de Divo m’avait fait encaisser au Théâtre de la Cité Rouge, Smith m’avait consolé avec cet air improvisé alors …
Depuis lors, je lui devais ma gratitude. Et cette rencontre à Paris fut hélas la dernière en vérité, la vie nous ayant éloigné physiquement les uns des autres.
Mais le souvenir demeure à jamais. Merci Smith ! Merci encore Brother.
Dépêche toi. Otis t’attend sur l’autre rive !