Le progrès économique de la CI sous ADO est indéniable. Plus personne ne songe sérieusement à nier cet effort. Les résultats sont tangibles. Il a ramené la CI à l’ère Houphouët-Boigny et l’a même surpassé en de très nombreux points sur le plan économique. La phase de construction des prérequis de l’émergence est réussie et est en voie d’achèvement (conditions matérielles, économiques et législatives et actions des 5 prochaines années). Il reste le défi de la soutenabilité de cette dynamique dans la durée et l’amplification de l’action (modernisation, constance, résilience et robustesse) et leurs effets sur les populations (transformation des conditions de vie). Le progrès social (couverture des besoins primaires et secondaires) et l’industrialisation constituent des objectifs en bonne voie d’exécution (programme social du gouvernement et PND 2016/2021), ainsi que la transformation structurelle de notre économie dont l’intégration sectorielle et l’articulation géographique se modifie de manière sensible. Ce sont des chantiers qui s’inscrivent dans la durée. Il n’y a pas de miracle en économie. Les premiers signaux de l’émergence sont perceptibles. C’est très encourageant, le travail et la stabilité paient et le sacrifice social prend du sens, dans la perspective d’un meilleur futur. Il nous faut poursuivre l’effort et l’approfondir davantage dans la prochaine décennie. Je regrette néanmoins, la faiblesse de la continuité de l’État, la faiblesse du secteur privé national, la faiblesse de la lutte contre la corruption et celle de la recherche et développement.
En revanche, Il est tout aussi indéniable, que la Gouvernance ADO n’a pas réussi à résoudre la crise sociale, à recoudre le tissu social de manière irréversible, à réconcilier tous les acteurs politiques majeurs de la crise. Il existe encore des antagonismes sociaux très forts, des inimitiés et des divergences politiques qui comportent encore des menaces pour la paix publique, des meurtrissures non cicatrisées, pour lesquelles l’œuvre du temps est nécessaire. On assiste à la réconciliation des uns contre les autres, et vice-versa en cas de dissension, en déplaçant tout simplement les lignes de la fracture. Les réponses institutionnelles qu’elle a apportées à celle-ci ont montré leurs limites, parce que la dimension culturelle, historique, sociologique, philosophique, mais surtout normative pour sortir de la subjectivité et de la conflictualité latente, en vue de redéfinir un pacte social et politique n’a pas été pris en compte, même au niveau de la nouvelle Constitution. Dommage.
La vision économiste pas trop réductrice du Président de la République (cheval de prédilection dans sa stratégie de conquête de l’opinion), l’a coupé d’une bonne partie de la société, exception faite de ses fidèles partisans et de sa base ethnique. Parce qu’il n’a pas réussi à faire sens auprès d’elle (discours trop technocratique), surtout à la rassembler véritablement dans la République, dans un creuset de valeurs communes, dans un système équitable de partage (accès aux fonctions publiques, distribution des fruits de la croissance, inclusion sociale et financière, etc.).
L’histoire lui resserve peut-être un destin très particulier.
Une injustice comme il en existe dans l’histoire, en raison d’une vision avant-gardiste (mondialiste et post-moderne), d’une action incomprise des masses (déficit pédagogique de l’action, logique néo-capitaliste, illisibilité des objectifs), doublée d’une image tenace qui lui colle à la peau, à tort ou à raison ( mémoire des ajustements structurels du FMI, rôle dans la crise socio-politique, rapports politiques instables), dont il n’a pas su se défaire, faute d’une communication adéquate et d’une vérité historique qui tarde à le blanchir de tout soupçon (Paternité de la rébellion, Françafrique, Pion de la finance internationale, etc…).
C’est parfois le sort de certains grands hommes que de subir un mauvais procès de leur vivant, que seule l’histoire et le temps réhabilitent entièrement pour les faire entrer ensuite au panthéon (Cf. Les poètes maudits).
D’ores et déjà, l’adhésion à son action de développement et à sa vision d’une côte d’ivoire forte, stable, paisible, ambitieuse et prospère fait son chemin dans l’opinion publique et recueille de plus en plus un fort support populaire. Ces thématiques mobilisent. Son action et son discours commencent à convaincre, d’autant plus que les Ivoiriens ne veulent plus d’un nouveau phénomène de violence massive. Ils sont fatigués des crises à répétition et conscients des conséquences négatives qu’elles ont eues sur la marche du pays. Cependant, certaines faiblesses criardes de sa gouvernance, prise sous les rapports au droit, à la démocratie, au clanisme au sommet de l’Etat, ou à la lutte anti-corruption et à l’efficience de l’administration centrale, viennent tempérer sérieusement cette nouvelle dynamique.
Nous sommes désormais à la veille de l’année électorale avec tous ses défis, un carrefour décisif pour tourner définitivement la page aux années de crise.
Et ainsi passer à l’ouverture des chantiers de la prochaine décennie tant au niveau national (accélération de l’industrialisation manufacturière et agro-alimentaire, mécanisation de l’agriculture, capitalisation des chaînes de valeur dans ce secteur, mutations technologiques, création d’un secteur privé national plus fort et d’une économie plus souveraine, construction d’une école de qualité et d’une recherche et développement performante, réallocation de la main d’œuvre, reconstitution du couvert forestier et libération des resserves naturelles, transfert de la capitale et érection de pôles de développement à l’intérieur du pays, etc…).
Qu’au niveau international (intégration régionale, Construction de l’ECO jusqu’à son adoption finale par la CEDEAO pour en faire un instrument monétaire performant, indépendant et apprécié à sa juste valeur dans le monde, réalisation des objectifs de l’agenda 2060 de l’UA, ODD 2030 du programme Challenge et Compact, Transition du Dividende Démographique, inversion des courbes de l’immigration clandestine, levée des entraves à la circulation des biens et des personnes intra régionale, lutte contre la progression du terrorisme et du djihadisme dans la sous-région, etc.).
Or, en cette année électorale, le pouvoir RHDP pour se survivre à lui-même, doit compter désormais uniquement sur ses propres forces militantes, sur des résultats rapides et visibles impactant le vécu des populations auxquels elles puissent être sensibles, sur le partage d’une vision commune sur les bienfaits et les vertus de la sécurité, de la stabilité et de la paix, sur un leadership suffisamment charismatique pour lui permettre de mobiliser au-delà de ses frontières partisanes. La proximité et l’inclusion étant un axe récent de son action (correction de trajectoire), elles ne pourront pas avoir une influence déterminante sur les décisions à venir du corps électoral. Reste à régler la problématique des conditions et instruments de la compétition. En acceptant d’ouvrir un nouveau dialogue sur ceux-ci, comme annoncé par le Président de la République lors de la présentation de ses vœux à la Nation, le Pouvoir peut faire baisser la tension pré-électorale et rassurer à la fois les populations, les futurs compétiteurs, les investisseurs et les partenaires au développement. Il lui faut dans cette optique, une volonté d’ouverture et de dialogue assez forte, pour réussir ce dernier défi de la mandature ADO, malgré les obstacles juridiques, les résistances stratégiques, les oppositions d’intérêts et d’enjeux de pouvoir, le déficit de confiance entre acteurs politiques. Nous avons besoin d’une démocratie apaisée, d’une détente du climat socio-politique, de plus d’assurance dans le futur et d’un desserrement des fronts de bataille.
Par Pierre Soumarey
Commentaires Facebook