Un allié de Lagou Henriette se lâche: «En 2020 Ouattara Gbagbo Bédié doivent se retirer…»

Entretien – Allié de Lagou Henriette, Coulibaly Mamadou se lâche:

«Le Gp-Paix est en hibernation… Nous avons pris nos responsabilités»

«En 2020, Ouattara Gbagbo Bédié doivent se retirer pour un apaisement »
«Ça risque d’exploser en 2020, si… »

Coulibaly Mamadou est le président fondateur du Parti de l’Intégration Africaine (Pia), parti membre de la coalition Gp-Paix de Henriette Lagou. Dans cet entretien, il exprime sa déception vis-à-vis de Mme Lagou qui s’est servie d’eux pour avoir une place à la Commission électorale indépendante. Il éclaire également son avis sur les questions du moment en Côte d’Ivoire. Notamment les préparatifs de la présidentielle 2020.

Entretien

Comment se positionne le parti de l’intégration africaine sur l’échiquier politique en Côte d’Ivoire ?
Le Parti de l’intégration africaine (Pia) est un parti politique qui, comme son nom l’indique, prône l’intégration des peuples de la sous-région. Et la Côte d’Ivoire qui regorge des peuples de la sous-région est un exemple d’intégration. Nous sommes pour le dialogue politique en Côte d’Ivoire. Comme tel, nous prônons le dialogue pour le règlement pacifique des différends entre les communautés et entre le pouvoir et l’opposition, notamment la crise qui sévit depuis la guerre postélectorale en Côte d’Ivoire.
Croyez-vous vraiment aux vertus du dialogue pour sortir la Côte d’Ivoire de l’impasse actuelle là où le président en exercice qualifie de bavardage tout discours appelant justement à ce dialogue-là ?

Pour nous, de la même manière le gouvernement a appelé au dialogue pour la mise en place de la Cei, il est urgent qu’il fasse de même à 11 mois de la présidentielle pour pouvoir apaiser les tensions. Si cela n’est pas fait, ça risque d’exploser.

Quelle forme doit prendre ce dialogue ?
Nous appelons à un dialogue inclusif
En quoi ça consiste ce dialogue inclusif ?

Je parle principalement de l’organisation de l’élection présidentielle. Pendant la mise en place de la CEI actuelle, il y a eu des frustrés. Il faut rappeler tous ces acteurs et discuter avec eux pour parvenir à un accord minimum avant l’organisation de l’élection. Le chef de l’Etat a jeté le pavé dans la marre en souhaitant que la caution passe de 20 millions à 100 millions de FCFA. Il fait référence à l’inflation mais est-ce que les salaires ont triplé ou quintuplé pendant ce temps ? Nous disons non. Donc c’est dans le cadre d’un dialogue entre les parties prenantes qu’on pourra traiter ces questions. Le seul cadre de la Cei ne suffira pas.

Avez-vous une stratégie pour amener le gouvernement à dialoguer car il semble sourd à tout appel dans ce sens ?

Notre stratégie c’est de multiplier les appels à défaut de mobiliser la rue. Faire comprendre la nécessité du dialogue avec nos mots et nos messages. Nous n’avons pas d’autres moyens pour obliger le gouvernement. On le sait, les ivoiriens ne sont pas totalement réconciliés et cette réconciliation dépend des dirigeants des partis politiques. Le jour où ces partis seront réconciliés, cela aura un impact sur les populations. Et par le dialogue on pourra aborder toutes les questions qui fâchent !
Quelle est votre position dans le débat qui a toujours cours sur la Cei mise en place par le pouvoir ?

Comme je le disais tantôt, il y a eu des frustrés au cours du processus qui a mis en place la Cei actuelle. Certains ont claqué la porte des discussions. Aujourd’hui, on ne peut pas faire de retour en arrière. Ce qu’on peut faire c’est d’associer ces frustrés-là à l’organisation pratique de l’élection. Si ces partis ne sont pas à la commission centrale, on peut par exemple les associer à la mise en place des Commissions locales qui vont être mises en place. Les grands partis comme le Fpi et le Pdci doivent être associés à la mise en place de ces commissions locales.

Le Pia est membre de la coalition Gp-Paix qui participe à la Cei avec sa présidente Lagou. Comment se porte la coalition après cet épisode de son entrée à la Cei ?

Le Gp-Paix est un groupement de 13 partis politiques qui sont autonomes. On a participé aux discussions pour la mise en place de la Cei et je puis dire qu’aujourd’hui, le Gp-Paix est en hibernation. Chaque parti travaille maintenant de façon autonome pour s’implanter et participer à la présidentielle 2020.

Voulez-vous dire que l’entrée de Lagou Henriette à la Cei bloque les activités de la coalition ?

C’était au départ une coalition non idéologique. On n’a pas bâti ensemble un plan de conquête du pouvoir. Donc aujourd’hui, chaque parti a décidé de prendre ses responsabilités après ce qui est arrivé.

Etes-vous frustré après ce coup de la présidente Lagou ?

En politique chacun a ses objectifs. Nous en tant que jeune parti, nous travaillons à asseoir notre parti et à travailler pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. Si elle pense que c’est en étant à la Cei qu’elle peut servir les intérêts de la coalition et de son parti, tant mieux !

Comment voyez-vous la présidentielle de 2020 ?

Nous pensons que cette élection sera un tournant décisif. Et notre souhait, comme l’a exprimé le chef de l’Etat, est que la vieille garde politique constituée de Bédié, Gbagbo, Ouattara, cède la place à la jeune génération. Ces trois personnalités ont longtemps captivé l’attention des Ivoiriens, elles ont pendant longtemps pris en otage les Ivoiriens. Par la force des choses et à cause de leur influence, les ivoiriens se retrouvent aujourd’hui catégorisés en trois blocs. Les pro-Gbagbo, les pro-Ouattara et les pro-Bédié. Vous verrez que lorsqu’ils vont libérer la scène politique, le débat politique en Côte d’Ivoire sera plus franc et plus objectif.

Est-ce que ce n’est pas au peuple de choisir librement ses dirigeants pour peu qu’ils sont autorisés par la constitution à concourir ?

Ces trois personnalités sont à la base de tous les maux qui minent la Côte d’Ivoire. Elles devraient comprendre que le temps est venu de laisser simplement la place à d’autres acteurs parce que leur génération a échoué à stabiliser le pays. Ils ont été incapables de maintenir l’unité nationale après la disparition d’Houphouët-Boigny. Ils ont été à la base du coup d’état de 1999, ils ont été à la base de la rébellion de 2002 et de la crise postélectorale de 2011. Si nous voulons que la politique s’apaise dans notre pays, ces trois hommes doivent prendre leur retraite politique. Et avec leur retrait leur influence sur le peuple va baisser.

Sur quoi devrait porter le débat politique de 2020 selon vous ?

Le débat devrait porter à notre sens sur le bien-être des Ivoiriens. Notamment la sécurité, l’éducation, la réconciliation et bien sûr l’intégration africaine. L’avenir de la Côte d’Ivoire se trouve dans l’intégration sous régionale. C’est en cela que nous prônons ce que nous appelons le panafricanisme de l’intégration qui concentre en elle l’amour de nos semblables africains.

Le président de la France séjournera en Côte d’Ivoire du 20 au 22 décembre 2019. Si vous vous retrouviez en face de lui, que lui diriez-vous ?

Je dirais au président de la France qui est un jeune de se défaire du manteau politique des vieillards. Je lui dirai de se défaire de la françafrique et de laisser les africains se construire eux-mêmes. En tant que jeune président, il doit avoir une nouvelle idéologie.

Que pensez-vous d’un éventuel 3e mandat d’Alassane Ouattara ?

D’abord la Constitution de 2016 a été boycottée par une frange de l’opposition. Et le chef de l’Etat se base sur cette constitution pour dire qu’il a droit à un troisième mandat. Ensuite, je pense qu’après avoir passé dix ans au pouvoir, le chef de l’Etat doit laisser la place à d’autres personnes. Il a eu dix ans pour exercer, il a obtenu des résultats et je pense que son mandat est terminé. Qu’il se mette lui-même à la retraite. On entend souvent dire qu’il ne veut pas remettre le pays dans les mains de ceux qui l’ont détruit. Mais après la crise de 2011, il y avait deux défis majeurs qui se posaient à la Côte d’Ivoire, la reconstruction et la réconciliation. Sur le plan de la reconstruction on est unanimes que des progrès ont été enregistrés. Mais la question de la réconciliation n’a pas été véritablement traitée. Le président Gbagbo par exemple qui est incontournable dans la réconciliation n’est pas là, il est encore maintenu loin du pays. Donc que ses adversaires laissent la place pour qu’on passe à une nouvelle génération pour pouvoir apaiser les tensions.

Par SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr

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