(Ecofin Hebdo) – Comme dans la plupart des pays africains, le Ghana doit beaucoup à l’agriculture qui compte pour presque la moitié de la main-d’œuvre et 20% du PIB. Si le secteur agricole a connu l’une des croissances les plus fortes du continent africain, ces dernières années, il demeure largement tributaire du cacao alors même que de nombreuses filières peuvent servir de vecteurs à la diversification. Dans un livre publié récemment baptisé ‘’Ghana’s Economic and Agricultural Transformation : Past Performance and Future Prospects’’, l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) explique comment les autorités peuvent permettre au secteur agricole d’impulser une véritable transformation de l’économie dans le futur.
A l’image de la Côte d’Ivoire, le cacao est le pilier de l’économie ghanéenne. Selon une étude de la Banque mondiale, il contribue à hauteur de 9% au PIB du pays. Du point de vue social, la culture est l’apanage d’environ 800 000 producteurs et se pratique sur environ un million d’hectares. Depuis le début des années 1900, jusque dans les années 1960, les exportations de cacao ont représenté 60% des sources de devises. En dépit des efforts de diversification entrepris par les différents gouvernements, le cacao reste une source importante de devises. Il compte aujourd’hui pour 20 à 25% des exportations, derrière l’or. Du fait d’une telle importance à travers les décennies, le cacao a absorbé l’essentiel de la manne financière destinée au
Le cacao réalise 20 à 25% des exportations, derrière l’or.
La conséquence directe de cette mainmise de la filière sur les dépenses budgétaires dédiées à l’agriculture a été la marginalisation des denrées de base qui ne sont pas moins importantes pour le secteur agricole. Par exemple, même si le cacao monopolise environ 23% de la superficie agricole du pays, il ne représentait que 12% de valeur agricole totale en 2012. Dans le même temps, l’igname et le manioc généraient deux fois plus de valeur avec respectivement 25,5% et 23,6%.
Même si le cacao monopolise environ 23% de la superficie agricole du pays, il ne représentait que 12% de valeur agricole totale en 2012. Dans le même temps, l’igname et le manioc généraient deux fois plus de valeur avec respectivement 25,5% et 23,6%.
Si la diversification agricole a été une préoccupation pour les gouvernements successifs, elle reste plus que jamais d’actualité, non seulement pour permettre à l’agriculture de continuer à générer des recettes à l’export, mais aussi de répondre à la demande alimentaire croissante. D’après l’IFPRI, une diversification agricole pourrait passer par deux grands axes majeurs.
Une intervention plus volontariste dans la chaîne de valeur agricole
Pour l’IFPRI, le gouvernement gagnerait à adopter une approche beaucoup plus volontariste et proactive dans son intervention dans le secteur agricole, au-delà de la seule filière cacao. En effet, souligne l’organisation, bon nombre de produits agricoles qui ont du potentiel peinent à décoller, en raison d’un accompagnement insuffisant ou mal ciblé.
Bien souvent, l’exécutif s’est contenté de jouer un rôle limité à la création de l’environnement favorable à l’action du secteur privé, ce qui n’a pas véritablement entraîné le développement de filières capables de rivaliser sur les marchés à l’export ou de se substituer aux importations.
Bien souvent, l’exécutif s’est contenté de jouer un rôle limité à la création de l’environnement favorable à l’action du secteur privé, ce qui n’a pas véritablement entraîné le développement de filières capables de rivaliser sur les marchés à l’export ou de se substituer aux importations.
Le cas de l’ananas reste révélateur du besoin d’intervention de l’Etat, aussi bien en amont qu’en aval de la chaîne de valeur. Selon l’organisation, le gouvernement a été absent pendant qu’il fallait accompagner aussi bien les exportateurs que les producteurs, dans les années 2000, afin de leur permettre de s’adapter aux évolutions techniques et commerciales sur le marché mondial. En effet, si la filière a connu le pic de ses exportations avec 71 000 tonnes en 2004, elle a été sérieusement bousculée par l’introduction de la variété d’ananas Sweet ou MD2 du Costa Rica dans les années 2000. Jouissant d’une meilleure capacité de conservation et d’un goût plus sucré, elle a progressivement remplacé le Cayenne Lisse, principale variété exportée par le Ghana et son voisin la Côte-d’Ivoire en Europe. Alors que le Ghana comptait 60 exportateurs en 2004, seulement 14 ont survécu à la déferlante du Costa Rica. De leur côté les exportations se sont réduites à 35 000 tonnes en 2014.
En 10 ans les exportations d’ananas ont chuté de 71 000 tonnes à 35 000 tonnes.
Si le matériel végétal de la variété était disponible, les producteurs n’ont pas été suffisamment accompagnés dans l’adoption, et le volet de la recherche et développement n’a pas suivi la tendance en cours dans la filière. Cela contraste avec l’expérience costaricienne, où les autorités ont soutenu la filière en offrant des crédits d’impôts, des incitations à l’export et investi dans la recherche et le développement. « Le cas de l’ananas montre qu’une industrie horticole compétitive à l’export ne peut pas être uniquement le fait des entrepreneurs individuels », indiquent les auteurs.
« Le cas de l’ananas montre qu’une industrie horticole compétitive à l’export ne peut pas être uniquement le fait des entrepreneurs individuels », indiquent les auteurs.
D’après l’IFPRI, le succès du cacao ghanéen renseigne sur l’efficacité que peut avoir une intervention plus volontariste dans la filière.
Si certains segments comme l’achat direct de cacao auprès des producteurs sont gérés par le secteur privé, la chaîne de valeur du cacao reste largement contrôlée par le Conseil ghanéen du cacao (Cocobod). En effet, le secteur bénéficie notamment d’une diversité d’interventions au niveau de l’exploitation et en aval. Il s’agit notamment de l’amélioration des pratiques agronomiques, la pulvérisation à grande échelle, la recherche-développement et la subvention aux engrais. Cette attention minutieuse des autorités au processus de production a permis à la fève ghanéenne d’attirer une meilleure prime à la qualité sur le marché mondial, bien loin devant la Côte d’Ivoire.
La nécessité d’une meilleure coordination entre l’Etat et le secteur privé
Si le modèle de réussite du cacao, marqué par la domination de l’Etat, reste tentant, il est loin d’être la panacée pour l’ensemble du secteur agricole.
L’IFPRI souligne ainsi qu’une réplication ne marcherait pas pour d’autres filières comme le riz et la tomate. Ces deux produits ont connu une forte consommation sur ces dernières années. En 20 ans, l’importation de riz a été multipliée par 10, passant de 16 358 tonnes à 166 828 tonnes en 2010 puis à 680 000 tonnes en 2018.
Le pays ne parvient plus à satisfaire la demande intérieure en tomates.
Pour sa part, la production de tomates a atteint son pic dans les années 70 avec 200 000 tonnes. Depuis lors, la filière peine à suivre le rythme. Le rendement à l’hectare a chuté à 6,7 tonnes contre 13 tonnes dans les années 1990. Le pays est désormais un importateur net de concentrés de tomates et plus du tiers de la tomate fraîche consommée provient du Burkina Faso.
La production de tomates a atteint son pic dans les années 70 avec 200 000 tonnes. Depuis lors, la filière peine à suivre le rythme. Le rendement à l’hectare a chuté à 6,7 tonnes contre 13 tonnes dans les années 1990. Le pays est désormais un importateur net.
Pour la tomate par exemple, l’IFPRI indique que le développement résidera dans la capacité du gouvernement à impulser le développement du secteur privé dans les domaines comme le contrôle de la qualité, les systèmes de transformation, afin de répondre à la demande des détaillants finaux et des supermarchés en pleine expansion.
En ce qui concerne le riz, l’organisation fait remarquer que les taxes à l’importation, introduites par le gouvernement pour promouvoir la compétitivité du secteur, n’ont pas véritablement permis son essor. En même temps que le secteur public doit intervenir notamment dans l’irrigation et la recherche pour améliorer la productivité, le secteur privé pourrait aussi s’investir dans la mécanisation et les techniques de transformation afin de répondre à la demande croissante des urbains, souligne l’IFPRI
Espoir Olodo
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