Chaque homme politique s’incarne dans un lieu symbolique, une terre de l’origine et de l’enracinement. Revenir en ce lieu et y prononcer un discours, lorsqu’on est Président de la République, c’est donner à ce lieu une forte valeur symbolique.
La figure d’Houphouët-Boigny est attachée à N’Gokro, rebaptisé Yamoussoukro en hommage à la Reine Yamousso ; celle de Bédié, à Daoukro, où a été prononcé, le 17 septembre 2014, le fameux Appel de Daoukro, qui scelle définitivement l’alliance du RHDP. Qu’il le veuille ou pas, au moment où il ne rêve que de retour au pays, Mama reste pour Laurent Gbagbo, la terre d’origine, le lien de départ avec la Côte d’Ivoire.
Président de la République sans entraves depuis le 6 mai 2011, Alassane Ouattara, est né le 1er janvier 1942 à Dimbokro, une ville du centre de la Côte d’Ivoire, située à 240 km au nord de la capitale économique Abidjan, et à 80 km au sud-est de la capitale politique Yamoussoukro.
Pour donner davantage à Dimbokro une forte valeur symbolique en dehors des passages du Président Félix Houphouët-Boigny dans la ville, et de l’action de ses dignes fils comme Koné Samba Ambroise, Alassane Ouattara sera-t-il tenté d’y prononcer un Discours fondateur d’une ère politique nouvelle, lors de sa visite d’État le 25 septembre 2019 ?
L’Histoire vient nous rappeler que, en décembre 1994, l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire vote une modification du code électoral qui prévoit que nul ne peut être élu président de la République s’il « n’est Ivoirien de naissance, né de père et mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance », s’il n’a pas résidé de façon continue en Côte d’Ivoire pendant les cinq années qui précèdent le scrutin ou encore s’il a la nationalité d’un autre État. Avec ce code électoral, le Président Bédié installe le concept d’« ivoirité », en vue d’empêcher la candidature d’Alassane Ouattara.
Les ruses de l’Histoire et de la politique font que Bédié et Ouattara feront alliance à travers le RHDP pour accéder au pouvoir. Ces mêmes ruses entraîneront la rupture entre les deux hommes.
Henri Konan Bédié quitte en principe Paris pour la Côte d’Ivoire ce mardi 24 septembre 2019. Nul doute qu’il se rendra à Daoukro, lieu symbolique pour lui, d’où sera peut-être prononcé un Appel de Daoukro II, lançant sa stratégie de campagne pour la Présidentielle de 2020.
Est-ce un hasard du calendrier électoral ? Ce 25 septembre 2019 Alassane Ouattara débute une visite d’État à Dimbokro, sa ville natale, dont la situation géographique, au centre de la Côte d’Ivoire, symbolise une Côte d’Ivoire des territoires.
Parler de certaines choses depuis Abidjan serait classique et normal , la capitale économique incarnant une puissance verticale nationale, alors que Dimbokro symbolise un élan horizontal qui rassemble les territoires.
Ainsi à compter de Mercredi 25 septembre2019, et ce, pour 72 heures, les regards des populations ivoiriennes seront tournés vers la région du N’Zi Comoé dans le cadre de la visite d’État que le chef de l’État, Alassane Ouattara y entreprend.
Au-delà d’une simple reprise des visites d’État, qui avaient cessé depuis plusieurs années, cette étape dans le Nzi Comoé suscite d’autant plus de l’intérêt qu’il s’agit de la région natale du Président de la République.
Au plus fort de la contestation de la nationalité ivoirienne d’Alassane Ouattara, il n’était jamais venu à l’esprit de quiconque de remettre en cause ce fait incontestable : naissance à Dimbroko, terre ivoirienne, terre de Côte d’Ivoire !
Dimbokro incarne pour Alassane Ouattara un héritage culturel que le concept d’ « ivoirité » avait osé lui ôter ou lui dénier , en même temps qu’il avait tenté de lui arracher toute son identité profonde.
C’est donc en fils prodige, en fils du terroir , et même en fils prodigue que le chef de l’État ivoirien foulera la région du Nzi Comoé, et particulièrement la ville de Dimbokro, qui lui rappelleront de nombreux souvenirs qu’il voudra partager avec les populations même si les Ivoiriennes et les Ivoiriens, ainsi que des observateurs de la vie socio-politique en Côte d’Ivoire, peuvent avoir l’impression de déjà tout connaître du parcours de l’économiste travaillant au FMI et de l’homme d’État , devenu Président de la République, tellement sa vie a été fouillée, visitée, et scrutée aussi bien par ses adversaires politiques, que par ses partisans.
À Dimbokro, Alassane Ouattara voudra évoquer les souvenirs des années de l’enfance et de l’adolescence. Les visages, les noms, les lieux, les maisons et les paysages défileront dans sa mémoire, donnant à cette visite d’État une forte charge émotionnelle.
En se rendant à Dimbokro, longtemps après « servi » les autres donnant l’impression
« d’oublier », « d’abandonner » les siens, et de ne pas penser autant à eux qu’aux autres ivoiriens, Alassane Ouattara part à la rencontre de ses racines, des racines qui sont, pour chaque homme, l’élément constitutif de son identité profonde.
Alassane Ouattara n’oublie pourtant pas, en tant que Chef d’État , qu’il détient en partie le destin de la Côte d’Ivoire entre ses mains. Il voudra alors peut-être faire de cette visite d’État un moment de décisions fortes.
Ainsi des échos font état de la possibilité de la signature, à Dimbokro, du décret portant composition de la nouvelle CEI, et même de l’annonce de la révision de la constitution : des actes forts qui vont impacter la présidentielle de 2020.
Il est possible aussi que soit prononcé un Discours majeur, une sorte d’Appel de Dimbokro à l’unité nationale, destiné à rester dans l’Histoire. Faisant de cette visite d’État, une visite majeure différente des autres déjà effectuées dans le pays !
Attendons pour voir…..
Charles Kouassi
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