La fin pitoyable de « Comrade Bob »
Robert Mugabe fut le père de l’indépendance du Zimbabwe, de par sa participation à la lutte armée et de par son combat politique contre le pouvoir raciste qui dirigeait l’ex-Rhodésie. Son engagement anticolonialiste assura sa popularité en Afrique, bien au-delà de son propre pays.
Pourtant, alors qu’il vient de décéder, force est de constater que sa fin ne fut pas à la hauteur de l’aura dont il bénéficia.
Sa fin politique, d’abord : il fut déposé fin 2017 par un coup d’État organisé par ses pairs, qui le contraignirent à une humiliante démission forcée. Son tort ? Avoir laissé sa femme et les jeunes affidés qui la suivaient lorgner les juteux bénéfices du trafic de diamants qu’il avait mis en place tandis que le peuple zimbabwéen, affamé, survivait à grand-peine.
Son décès, ensuite. Robert Mugabe vient de passer de vie à trépas à Singapour, dans une chambre d’hôpital qu’il occupait depuis plusieurs mois. Pourquoi cette triste fin, si loin de son pays et des siens ?
Parce que le système de soins du Zimbabwe, au même titre que presque toutes les infrastructures de ce pays, n’en a plus que le nom, ce qui obligea « Comrade Bob » à se faire soigner en dehors du Zimbabwe, comme l’actuel vice-président d’ailleurs, hospitalisé en Chine depuis plusieurs semaines. Alors que dans les années 1980 le système de soins du Zimbabwe était considéré parmi les meilleurs d’Afrique subsaharienne, « Mugabe ne pouvait faire confiance à notre système de santé, ce qui dit tout de son état de délabrement » [Dr Munatsi, urgentiste, cité par France Info].
En effet, au Zimbabwe, un patient aura du mal à se rendre à l’hôpital car les ambulances n’ont pas de carburant, à se faire opérer car les blocs opératoires se trouvent à l’arrêt par manque d’électricité, d’eau courante, d’infirmières, etc. : « On a une liste d’attente de quatre ans pour les hernies inguinales » « En salle d’opération, on a des draps pleins de sang et de matières fécales et on ne peut pas les laver » Mêmes difficultés pour obtenir des médicaments, car il y a pénurie dans les dispensaires et les hôpitaux. Le malade doit les apporter lui-même, ce qui s’avère tout sauf aisé, les prix desdits médicaments étant particulièrement élevés et l’argent étranger (US dollars) nécessaire pour les payer étant compliqué à obtenir si on ne fait pas partie des privilégiés du régime.
En conséquence, alors que Robert Mugabe était le chantre sourcilleux de l’indépendance nationale, les assureurs maladie privés recommandent aux Zimbabwéens qui en ont les moyens d’aller se faire soigner… en Afrique du Sud !
On comprend mieux pourquoi les gradins du grand stade de Harare étaient à moitié vides, lors de la cérémonie publique de funérailles de « Comrade Bob ». Par son absence, le peuple de Harare a signifié qu’il garde en mémoire ce qu’il doit comme souffrances à Robert Mugabe, son libérateur qui devint son bourreau.
Éric Bohème
www.facebook.com/EricBohemepage/
Commentaires Facebook