Côte-d’Ivoire: « Dans la pure tradition des musiciens authentiques, Bebi Philippe est un iceberg »

Par Docteur Josué Guebo, professeur de Philosophie à l’Université Félix Houphouet-Boigny de Cocody, Abidjan

Une certaine tradition n’eut d’autre titre pour les musiciens que celui de « Maître ». Giuseppe Verdi portait le titre de Maître de même que son mentor et icône Provesi. Plus près nous, tous ont toujours tenu pour Maîtres, Emmanuel Dibango, saxophoniste devant l’Eternel, Jonathan Butler guitariste au doigté princier, Ernest Djédjé, Basiste aux slaps aboutis… Et le sublime art vocal d’un Frédéric Ehui Meyway, à mon avis, repose sur une fréquentation assidue de la pratique instrumentale.

Bien-sûr, tous les grands chanteurs ne sont pas nécessairement instrumentistes. L’immense Alpha Blondy n’est pas connu pour être praticien d’un instrument, mais on sait tous que Bob Marley le fut, de même que Lucky Dube. Or qu’ils aient été instrumentistes ou pas, les Maîtres en musique, restent ceux dont l’art perceptible, se fonde sur un socle, un background pas toujours visible du grand public. Il y a derrière Dibango une immense culture du blues, derrière Blondy – que j’ai l’avantage d’avoir côtoyé un temps – une profondeur intellectuelle portant la pratique de l’art à un degré de combustion inégalable.

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Bebi Philippe, à mon avis, nous réconcilie avec cette tradition voulant que le musicien, le vrai, soit d’abord porteur d’un puissant socle immergé ; lequel peut être fait d’humanités et de pratique d’un instrument ou des deux. Toujours étant que le chanteur ou le musicien ne s’épuise pas dans le seul champ de son activité visible. Dans la pure tradition des musiciens authentiques, Bebi Philippe est un iceberg, c’est-à-dire la face apparente d’une longue maturation faite de fréquentation profonde de l’art et des humanités.

Celui que l’on voit parfois débiter de joyeuses notes de coupé-décalé sait par cœur, on l’oublie trop souvent, l’alphabet de la musique classique ! Soupirs, croches, triolets et syncopes ne lui sont nullement mystère, tout comme ne lui échappent les plus récentes expressions de l’ingénierie musicale. En Bébi Philippe c’est la pure tradition musicale qui rencontre la sève la plus saine de la modernité numérique.

Au jour où il faudra dresser le bilan et l’histoire de la musique ivoirienne, ce musicien sérieux et plein d’avenir est l’un de ceux qui comme Blondy, Djédjé ou Meyway , sauront, par leur sérieux, nous permettre de fixer l’humanité dans les yeux !

Ave, chevalier de l’Intemporel !

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