Lu pour vous
Genèse
Par Apollos Dan Thé, délégué du FPI chargé de la région du Guémon
Quand le PDCI était malmené par le RDR-RHDP Unifié, le président Affi est allé vers le président Bedié pour non seulement lui manifester son soutien mais aussi lui dire la disponibilité du FPI à s’allier avec le PDCI si le PDCI tient et sort effectivement du RHDP. Ce fut le début de l’idée d’alliance de l’opposition. Affi a laissé le soin à Bedié de piloter le projet, pour ratisser large afin que plusieurs autres partis viennent dans ce projet d’alliance. De réunions en réunions, l’idée a pris corps, et a été facilitée par les discussions sur la CEI qui venaient d’être ouvertes par le gouvernement. Ainsi, près de 23 organisations et partis politiques se sont rassemblés pour plancher sur les propositions de l’opposition pour la nouvelle CEI. Il y avait donc un double objectif aux réunions qui se tenaient entre ces différents partis et organisations : création d’une plateforme de l’opposition et adoption d’une vision commune de la nouvelle CEI et parler d’une même voix face au gouvernement pour la refonte de la CEI.
On va suivre l’évolution des choses sur ces deux objectifs qui ont évolué concomitamment.
Plateforme de l’opposition
Le projet commençait à gagner de la vitesse dans les esprits des ivoiriens, des partis et organisations commençaient à s’annoncer partants, l’espoir grandissait. Bedié et le PDCI s’adressaient à Affi comme le président du FPI. Ils ont signé plusieurs documents avec Affi où il était bien mentionné Affi, président du FPI. À un moment, Guikahué a entrepris des démarches envers les dissidents du FPI pour les emmener à la plateforme. Le président Affi, quand la question lui a été posée de savoir si cela le dérangeait, a dit publiquement que cela ne le dérangeait pas du tout, l’essentiel étant que tout le monde se retrouve dans la plateforme pour aller unis aux élections en 2020 selon l’approche qui aura été décidée dans la plateforme, à savoir s’il faut un candidat unique ou s’il faut que chaque parti ait son candidat au premier tour et soutenir celui qui sera au second tour.
Mais les dissidents du FPI ont dit que si Affi est dans la plateforme en tant que président du FPI, alors eux ils n’y viennent pas. Affi avait même répondu pour dire que si c’est sa présence qui gêne les dissidents, s’il est assis à gauche, eux ils peuvent aller à droite. S’il est devant, ils peuvent aller derrière. S’il est derrière, eux ils peuvent aller devant. L’essentiel c’est que tout le monde soit ensemble. La bonne disposition d’esprit d’Affi était clairement affichée, mais les dissidents sont restés inflexibles.
Le PDCI était donc face à un dilemme et a choisi. Au fur et à mesure, le PDCI s’est éloigné de Affi et s’est rapproché des dissidents du FPI, sans rien expliquer à Affi. Plus tard, on lira dans une déclaration de Guikahué que la plateforme de l’opposition qui rassemble au moins le PDCI et les dissidents du FPI a vu le jour le 1er aout, en catimini, sans que Affi n’ai été informé ni invité. L’acte de signature de la plateforme du PDCI n’étant pas encore disponible au grand public, on ne sait pas qui d’autre fait partie de cette plateforme. Affi en a pris acte et a dénoncé l’acte inamical du PDCI, tout en lui souhaitant bon vent.
CEI
Les discussions avec les 23 partis et organisations de l’opposition ont bien avancé, ils ont adopté une mouture de leurs propositions communes pour la refonte de la CEI et les discussions avec le pouvoir ont commencé. Tout le monde a participé aux premières réunions. En cours de route, il s’est posé un premier problème, celui des Termes De Reference (TDR). Au début des discussions, les 23 de l’opposition ont demandé au gouvernement de leur fournir les TDR des discussions. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce terme, les Termes de Références c’est l’ensemble des objectifs, de l’ordre du jour, du chronogramme et des procédés qui vont gouverner la discussion. En termes simples, on dira que les TDR, c’est la forme qui va canaliser les discussions. Le gouvernement avait promis donner les TDR, mais tardait à le faire, alors que les discussions avaient déjà commencé et avançaient, des points d’accords et de désaccords se faisaient voir. C’est ainsi qu’à un moment le PDCI et certains partis ont dit que si le gouvernement ne donne pas les TDR ils vont sortir des discussions et sont sortis. Notons que les TDR sont juste importants pour la forme, la bonne conduite et la transparence du processus mais n’ont aucun aspect légal particulier. Les TDR peuvent être changés au fil des discussions, ils n’ont aucun pouvoir coercitif en tant que tel, ils sont basés sur la bonne foi de chaque partie qui s’engage à les respecter. Ainsi donc, le FPI, l’AFD et la LMP ont dit que certes les TDR sont importants, mais ne sauraient valoir un blocage, ni un boycott. Ils sont restés dans la discussion avec le pouvoir pour défendre les propositions communes, tout en demandant au gouvernement d’envoyer les TDR. Les discussions se sont poursuivies, des points d’accords et de désaccords ont été consignés dans les PV qui sont faits au fur et à mesure que les discussions avancent. À un moment donné, le pouvoir a unilatéralement mis fin aux discussions et taillé une loi qui prenait certes certains points d’accord en compte, mais qui a ignoré les points de désaccords, puisque la discussion n’était pas encore terminée. La loi est allée à l’assemblée nationale et a été votée. Le PDCI et le FPI n’ont pas voté. Observons ici que même si le gouvernement avait donné les TDR en début des discussions, il pouvait toujours agir de manière cavalière comme il l’a fait. Donc ce n’est pas l’absence de TDR qui justifie ou facilite ce que le gouvernement a fait, c’était partie prenante de leur stratégie de discussion, de passer la loi de gré ou de force à tout moment qu’ils estiment cela nécessaire, puisqu’ils sont largement majoritaires à l’assemblée nationale, et c’est ce qu’ils ont fait.
Le FPI exige que cette loi soit retirée et que le gouvernement revienne à la table pour continuer les discussions. L’ensemble des ONG de la société civile avait aussi dénoncé la manière cavalière du gouvernement et exigé la poursuite des discussions. Toutes les parties (partis et société civile) ont refusé de désigner leurs représentants dans la nouvelle CEI, mettant ainsi la pression sur le gouvernement pour la reprise des discussions pour aboutir au consensus. Il faut noter que contrairement à l’ancienne CEI qui avait 17 membres, la nouvelle a 15 membres répartis comme-suit : 1 représentant du Président de la République, 1 du ministre de l’intérieur, 3 du parti au pouvoir, 3 de l’opposition, 6 de la société civile et 1 représentant du Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette composition n’a pas eu l’accord lors des discussions entre le pouvoir et l’opposition et faisait partie des points sur lesquels la discussion devait se poursuivre, mais le pouvoir a court-circuité les débats. L’opposition proposait entre autres un représentant de l’ordre des avocats et non du conseil supérieur de la magistrature parce que l’ordre des avocats jouit plus d’une indépendance comparativement au conseil supérieur de la magistrature. En gros, l’opposition disait que le gouvernement dominait encore cette CEI, même avec 15 membres au lieu de 17.
Après avoir fait la sourde oreille, le gouvernement a finalement accepté de donner les TDR aux différentes parties et appelé à la discussion à nouveau. Toutefois, le gouvernement a dit qu’il ne peut pas abroger la loi qui venait d’être fraichement votée, mais pouvait adopter des mesures qui vont contribuer à rassurer l’opposition sur l’impartialité de la CEI. Les organisations de la société civile n’avaient pas boycotté ni arrêté les discussions avec le pouvoir et se disent prêtes pour la suite des débats. Elles ont déjà convenu entre elles des 6 représentants, mais n’ont pas encore donné les noms. Toutefois, la plainte de l’APDH à la Cour Africaine des Droits des Peuples est toujours en cours. Le FPI, l’AFD et la LMP ont repris la discussion avec le gouvernement et ont agréé avec le gouvernement des avancées notables telles que : (1) le président de la CEI devra être une personnalité neutre, pas politiquement marquée, donc sera désigné parmi les 6 représentants de la société civile. (2) l’opposition aura le poste de la première vice-présidence de la CEI (ce qui revient à dire que les autres postes de 2ieme et 3ieme vice-présidence reviendront au parti au pouvoir et a la société civile). (3) la même répartition sera répercutée dans les CEI locales. (4) les discussions seront rouvertes sur le découpage électoral, la mise à jour de la liste électorale, le financement des campagnes électorales, la sécurité lors des élections, etc. Il faut noter que tous ces points de discussion faisaient partie du document de l’opposition qui n’avait pas été épuisé dans les discussions quand le gouvernement a arrêté sine die les échanges.
Notons aussi que si le gouvernement est revenu à la table de négociation et semble montrer de bonnes dispositions d’esprit (pour le moment), c’est à cause de la triple pression des partis qui ont refusé de désigner leurs représentants à la CEI, de la communauté internationale et de la plainte de l’APDH a la CADHP. La suite des discussions entre le gouvernement et l’opposition et la réponse de la CADHP sur la plainte vont dicter la suite. Entre temps, le PDCI et ses alliés sont revenus à la table de discussion avec le gouvernement mais n’ont pas encore trouvé d’accord sur plusieurs points et rien n’est clair quant à savoir si le PDCI et alliés vont poursuivre les discussions ou non.
Ainsi donc, si la tendance des discussions continue avec les accords observés depuis la reprise, l’opposition aura quand même obtenu des avancées dans le processus électoral et cela pourrait contribuer à rendre la CEI un peu plus rassurante. Toutefois, il faut attendre jusqu’au bout pour le confirmer car avec ce gouvernement, il faut s’attendre à tout.
Le départ de Ouattara, c’est cela l’essentiel.
#ODP
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