L’incontestable ambassadeur de la Côte d’Ivoire, l’icône mondiale du football, Didier Drogba a décidé de jeter un pavé dans la marre lorsqu’il déclara au micro de nos confrères de Rfi, le 9 aout 2019, son intention de diriger la Fédération ivoirienne de football, la Fif.
« C’est sûr que ce serait important, après tout l’amour que j’ai reçu de la Côte d’Ivoire. A un moment donné, il faut essayer de redonner un peu de cet amour. Si toutes les conditions sont réunies, si tout le monde adhère au projet, pourquoi pas, ça peut être intéressant », a déclaré Didier Drogba au Canada où il participait à un match de gala de son ancien club, Impact Montréal.
Dahi Zoko, l’un de ses nombreux sobriquets, s’était jusque-là gardé de se prononcer sur son rôle à jouer dans les affaires du football de son pays, le sport-roi. C’est pourquoi sa sortie a suscité beaucoup de commentaires ici et là sur les réseaux sociaux et dans la presse traditionnelle. Cette déclaration du ballon d’or africain n’est pas celle de n’importe qui et intervient à un moment donné où le football ivoirien n’a plus rien gagné depuis 2015, année du deuxième sacre africain. Les signaux sont au rouge et l’on a l’impression que notre équipe nationale régresse, ne fait plus pâlir d’envie comme au temps de la cuvée des années Drogba. En démontre le résultat de la CAN 2019.
Mais si l’on reconnait en Drogba des qualités de leader, (il a été bon capitaine de l’équipe nationale) sa seule volonté de diriger le football national suffira-t-elle à rallier tout le monde foot à sa cause ? Pas si sûr. Si Didier a été un excellent attaquant de renommée internationale, il est clair qu’on ne lui connaît pas encore de capacité managériale et sur ce plan-là, il devra batailler dur pour démontrer qu’il a les qualités requises. Et ceci n’est pas insurmontable.
Mais là où il aura fort à faire, c’est dans l’approche qu’il devra adopter. Il le sait si bien que lui-même a déjà soumis son ambition à une contrainte : ‘’si les conditions sont réunies’’. La Côte d’Ivoire n’est plus ce pays où l’évidence s’impose. Le plus méritant n’est pas forcément celui qui a droit au chapitre. Il lui faudra affronter préjugés, méchanceté, ingratitude et tous ces obstacles qui vous détournent de votre objectif et de l’essentiel. Ici tout est politique, ici tout se fait selon et avec le Rhdp.
Didier qui n’a jamais voulu s’aventurer dans la fournaise sociopolitique ivoirienne, déclinant même, en 2011, dans les faits l’offre de la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr) dont il a boudé les activités publiques, pourra-t-il s’accommoder de cette donne ? Etre Rhdp avant de gérer la chose publique. Ceci est devenu un passage obligé, un impératif pour décrocher de nécessaires soutiens au haut niveau de l’Etat.
Assurément, à ce niveau des choses, ce ballon d’essai qu’il lance ne peut guère émouvoir l’actuel locataire de la maison de verre de Treichville. Sidy Diallo est l’homme du pouvoir d’Abidjan qu’on le veuille ou pas. La Fif est comme sa chasse gardée, sa chose qu’il tient du soutien apporté par son père Abdoulaye Diallo au président Alassane Ouattara depuis la République du Golf. Selon des indiscrétions, le vieil homme, l’influent Abdoulaye Diallo a personnellement fait le lobbying pour que le président Ouattara pèse de tout son poids afin que la Fif revienne à son fils qui y occupait depuis de longues années une place honorable. Une promesse ferme lui aurait été faite en retour. Toute chose qui sera fatale à Jacques Anouma, l’ex-président sortant, prié à l’époque de retirer sa candidature après avoir dirigé la Fif sous Gbagbo.
Voici le combat qui attend Didier Drogba et il ne pourra pas s’y dérober s’il désire vraiment le poste. Son nom a beau influencer la planète foot, ici, il devra savoir que cela ne suffit pas pour être adoubé comme président de la Fif. Sauf s’il rentre dans le contexte. C’est une réalité ivoirienne, intangible de notre ère.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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