ll y a le pardon inconditionnel qui consiste, pour la victime, à laisser tomber une offense ou une
faute sans poser de conditions, sans attendre que telle ou telle exigence ait été honorée au
préalable.
Ce type de pardon, les croyants le qualifient de divin, parce que, selon eux, seul Dieu
est en mesure de l’accorder, lui qui est comparable au père qui fait tuer le veau gras pour le
retour de l’enfant qui était parti avant que ce dernier ne fasse son mea culpa (Luc 15, 23-24).
Quoique difficile, le pardon inconditionnel n’est pas impossible aux humains.
Si un être humain choisit librement de le donner à ceux qui l’ont fait souffrir, on peut et on doit
respecter ce choix mais une communauté humaine n’est pas obligée de faire le même choix, parce que, dans cette
communauté, tout le monde ne croit pas en Dieu, d’une part et parce que la religion n’a pas à
imposer sa loi à la République, d’autre part. Cela veut dire que le pardon accordé par tel ou tel
individu, pour louable qu’il soit, ne saurait empêcher la République, censée gérer les intérêts de
la communauté et censée être non confessionnelle, de sévir contre ceux qui se sont rendus
coupables de crimes de toutes sortes.
Le terroriste turc Mehmet Ali Agca passa 30 ans derrière
les barreaux en Italie et en Turquie après avoir reçu le pardon et la visite de Jean-Paul II qu’il
faillit assassiner, le 13 mai 1981. Je doute fort que le pape polonais ait exigé quoi que ce soit
avant de lui pardonner. Une communauté ne peut pas avoir la même réaction. Elle ne peut pas
pardonner sans conditions. Si elle devait le faire, non seulement elle encouragerait l’impunité
mais elle courrait à sa perte, voire à sa ruine. C’est dans cette logique qu’il convient de se placer
pour comprendre le procès de Nuremberg et la condamnation à la prison à perpétuité de Paul
Touvier, Maurice Papon, Klaus Barbie et Aloïs Brunner.
En Côte d’Ivoire, pour espérer se réconcilier avec notre communauté, ceux qui ont détruit biens
matériels et vies humaines ne peuvent pas compter uniquement sur le pardon inconditionnel
de telle ou telle victime. Ils doivent aussi s’attendre à faire face à la justice et à subir la rigueur
de la loi, tôt ou tard. Ils doivent surtout s’acquitter de quatre (4) obligations : adopter un profil
bas, admettre publiquement qu’ils ont mal agi, demander pardon et, à défaut de ressusciter les
morts, réparer les torts causés à la nation et à autrui.
Jean-Claude DJEREKE
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