En 2012, au sortir de la crise post-électorale, le gouvernement de Côte d’Ivoire a fermé les universités publiques et décidé de leur réhabilitation. Celle de Cocody a longtemps défrayé la chronique tant les montants investis étaient importants mais pour de piètres résultats.
En fait de réhabilitation, il n’a été question que de l’abattage des arbres disséminés sur le campus, de la construction d’un jet d’eau et de l’application d’une couche de peinture sur les différents bâtiments du campus de Cocody. Les travaux ont été exécutés dans le cadre un contrat de gré à gré passé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique et cela a coûté à la Côte d’Ivoire la somme de 110 milliards de nos francs.
La précarité des conditions académiques des étudiants n’a point été concernée par ces travaux de réhabilitation qui s’est, depuis, détériorée avec l’absence de salles multimédias et un nombre toujours insuffisant de salle de cours et d’amphithéâtre pour les enseignements : aucun nouveau bâtiment n’est sorti de terre dans le cadre de ces travaux de réhabilitation. Ce scandale a entraîné le limogeage du Daaf du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique par la présidence de la République.
Aujourd’hui, c’est autour de la ministre Kandia Camara de suivre les traces de l’ancien ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique Cissé Bacongo. De quoi s’agit-il ?
Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle dirigé par madame Kandia Camara a signé un contrat d’importation de 200 000 tables-bancs d’un montant de 17 milliards de francs CFA ; ce qui équivaut à peu près à 85 000 francs par table-banc là où la mairie de Cocody budgétise la table-blanc à 35 0000 francs. Un autre contrat a été signé pour l’achèvement de 114 établissements secondaires dans 28 régions de la Côte d’Ivoire pour un montant de 170 milliards, soit 1 milliard 400 millions par établissement. Les chiffres évoqués plus haut sont tirés du bulletin officiel des marchés publics de Côte d’Ivoire numéro 1521 du 16 juillet 2019. Il s’agit de marchés de gré à gré autorisés par dérogation en raison de l’urgence des travaux. L’entreprise qui a obtenu ces deux marchés a, par ailleurs, aussi obtenu en juillet 2019 des marchés de 221 milliards de Fcfa dont 187 milliards au ministère de ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle et 34 milliards au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Au regard de la situation, on peut se poser un certain nombre de questions.
– Il existe en Côte d’Ivoire des menuisiers de talent. Ne pouvait-on pas leur confier la confection de 200 000 tables-bancs d’autant plus cela aurait donné des emplois aux ivoiriens et des revenus aux artisans ?
– Deuxièmement, il existe des mairies et des conseils régionaux en Côte d’Ivoire. Pourquoi ne confierait-on pas à ces mairies et conseils régionaux les moyens nécessaires pour confectionner les tables-bancs ou achever la construction des établissements secondaires considérés par ce projet d’autant plus que certains de ces conseils et mairies ont fait la preuve de leur capacité à construire des établissements secondaires pour moins de 500 millions par établissement ou à les équiper en tables-bancs pour un montant largement en deçà du prix unitaire indiqué ?
– Dans le cas d’espèce, il s’agit bien d’achèvement des travaux de construction et non de construction en elle-même. Les coûts présentés sont donc excessifs par rapport à ce que des conseils régionaux ont déjà réalisé dans ce pays. Face à une telle situation, que font l’autorité nationale de régulation des marchés publics et les élus de la nation, les députés, pour que toute la lumière soit faite sur cette passation de marchés, surtout qu’il s’agit de la gestion de fonds publics.
– S’il y a vraiment urgence des travaux comme le stipule le journal des marchés, pourquoi ne les a-t-on pas confiés aux PME qui, dans nos différentes régions, ont suffisamment montré qu’elles peuvent exécuter avec efficacité de tels contrats de sorte à réduire les risques techniques et financiers au lieu de les donner à seule entreprise qui devra intervenir simultanément dans les 28 régions de la Côte d’Ivoire ?
– Pourquoi n’a-t-on pas tiré les leçons du scandale provoqué par la réhabilitation de l’université Félix Houphouët-Boigny avec son lot de surfacturations ?
Il serait bon, pour rassurer les ivoiriens, que le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle s’explique sur les raisons de ce choix.
FOBAH Eblin Pascal,
Analyste politique
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