• De faux diplômes et handicaps découverts
• Le ministère de tutelle accusé de s’engraisser sur le dos de personnes en situation de handicap
• Des Présidents d’association de personnes handicapées soupçonnés de corruption
Le recrutement dérogatoire, défini comme le processus d’insertion des diplômés en situation de handicap à la Fonction publique est-il la vache à lait ou la volonté affichée du gouvernement ivoirien d’insérer des personnes handicapées dans l’administration publique? La question revient à chaque rassemblement des personnes en situation de handicap. Dans ce dossier exclusif, les langues se délient et des secrets sont livrés.
Frappées de plein fouet par le chômage, les personnes diplômées en situation de handicap, fondent, pour la plupart d’entre elles, leur espoir dans le recrutement dérogatoire, pour espérer intégrer la Fonction publique. D’ailleurs, elle représente la seule porte ouverte par l’Etat de Côte d’Ivoire pour absorber cette couche de diplômés. De 1997 à 2018, ce sont 7 recrutements à la Fonction publique, en faveur des personnes handicapées, qui ont été lancés par les pouvoirs successifs. 1106 diplômés ont pu intégrer ainsi les rangs des fonctionnaires de Côte d’Ivoire.
Si les personnes en situation de handicap saluent cette initiative des pouvoirs publics, ces derniers n’approuvent pas le processus mis en place par le Ministère de l’Emploi et de la Protection Sociale via la Direction de la Promotion des Personnes Handicapées (DPPH) qui encadre ce recrutement. Un processus que les organisations des personnes handicapées (OPH) qualifient de discriminatoire et d’opaque. En froid avec leur ministère de tutelle, les diplômés handicapés, joints dans le cadre de ce dossier, exigent des réponses à certaines de leurs préoccupations: Qui sont les personnes qui siègent dans les commissions de délibération pour le recrutement dérogatoire? Quels sont les critères de recrutement ? Pourquoi certaines personnes en situation de handicap ont-elles été écartées du recrutement dérogatoire sous prétexte que leur handicap n’est pas avéré alors qu’ils sont dans des fauteuils roulants pour certains ou en situation de handicap visuel et auditif pour d’autres ?
Pour ces diplômés en situation de handicap qui se disent ‘’oubliés’’, il est temps que le gouvernement ivoirien donne des réponses à ces questions qui taraudent les esprits et qui mettent à mal les rapports avec le Ministère de l’Emploi et de la Protection Sociale.
Les diplômés handicapés et présidents d’association réclament la vérité
« Le recrutement dérogatoire dans sa formule actuelle est source d’incompréhensions et nourrit la colère des diplômés handicapés surtout que les critères de sélection et la composition du jury en charge des délibérations sont méconnus des handicapés », confie Teti, président de l’ONG SOS Handicap, visiblement réservé sur la question.
Ceppoh Djimi Alain, handicapé moteur, disqualifié du recrutement dérogatoire 2018 pour « handicap non avéré », se dit frustré et déçu de la gestion du dernier recrutement, piloté par la Direction pour la promotion des personnes handicapées (DPPH). «Mon handicap est visible comme vous le constatez mais j’ai été écarté avec 263 personnes au nombre desquels des malvoyants. Pour une personne en fauteuil roulant ou avec des pieds bots, de quelles preuves supplémentaires a-t-on besoin pour constater son état de handicap? C’est vraiment dommage. Si nous ne sommes pas handicapés, qui sont les vrais handicapés », s’interroge M. Ceppoh. Avant de tacler la DPPH qu’il accuse de s’engraisser sur le dos des handicapés diplômés de Côte d’Ivoire.
«La DPPH nous disqualifie mais avant cela, elle prend le soin de nous demander d’acheter des pochettes à 2.000f Cfa et ensuite de débourser la somme de 5.000f Cfa pour la visite médicale, soit un total de 7.000f Cfa pour des personnes sans revenu et en situation de pauvreté. Pire, lors du recrutement de 2018, la vente des pochettes a continué après la date butoir. On se demande où va tout cet argent. Il y a trop de flou, Il faut qu’on nous dise la vérité », critique vertement Ceppoh. Pour Vincent Kadélé, président de l’association Inclusion des Personnes Amputées et Déficientes Motrices de Côte d’Ivoire (IPADEMCI), le recrutement de 2018 a été le moins inclusif de tous car les associations des personnes en situation de handicap ont été quasiment ignorées par les autorités étatiques dans la prise des décisions.
Ces témoignages qui confondent la DPPH
Titulaire d’un Brevet de technicien supérieur (BTS) en informatique et ingénieur en réseaux télécoms, Kouakou N’Zi Minata (handicap moteur), révèle qu’elle n’a ni été contactée encore moins reçue par le collège de médecins qui a dressé la liste controversée de ‘’personnes en situation de handicap non avéré’’. « J’ai été surprise quand on m’a dit que je suis sur la liste des handicapés non avérés alors que je dispose d’un certificat médical délivré par d’autres médecins qui atteste ma situation de handicap», explique Minata.
Pour Loukou Josué, président de l’Association des Paralysés de Côte d’Ivoire (APCI), plusieurs personnes sur la liste des personnes déclarées en situation de « handicap non avéré » disposent d’un certificat médical qui bat en brèche le travail du collège des médecins conduit par le docteur Coulibaly. A en croire Loukou Josué, ce simple fait discrédite la Direction de la Promotion des Personnes Handicapées et jette le doute sur la sincérité du recrutement dérogatoire de 2018.
Selon une source bien introduite, qui enfonce le clou, la DPPH, soutenue par le collège des médecins, a favorisé certains candidats dont les dossiers avaient été rejetés. « J’ai l’enregistrement sono qui relate toutes les insuffisances du recrutement de 2018. Des personnes qui se trouvaient sur la liste noire (handicap non avéré) ont été repêchées (Des noms que nous taisons Ndlr) », nous révèle notre source.
Opposée à la somme de 7000F CFA que déboursent les candidats en situation de handicap pour postuler au recrutement dérogatoire, notre source, elle-même en situation de handicap et cadre à la Fonction publique, indique que le gouvernement ivoirien met des fonds à la disposition du ministère de l’Emploi et de la Protection sociale pour l’organisation du recrutement dérogatoire et d’autres montants pour la subvention des Organisations des personnes handicapées (OPH). « Nous avons été surpris d’apprendre à une réunion de haut niveau que le recrutement dérogatoire était subventionné par l’Etat ivoirien. Si tel est le cas, pourquoi faire payer 7.000F cfa à des personnes qu’on dit vouloir aider car en situation de précarité ? Et où va tout cet argent », s’interroge notre source. « Pour tous les concours de la Fonction publique, les inscriptions se font en ligne et l’argent est versé via un compte mobile money. Mais pour le recrutement dérogatoire, les reçus délivrés aux candidats sont de simples papiers conçus par la DPPH et qu’on retrouve dans le commerce. Il n’ya donc aucune traçabilité numérique. Tout ceci fait peser des soupçons sur la DPPH et surtout sur le Ministère de l’Emploi et de la Protection Sociale », s’insurge, sous couvert d’anonymat, un fonctionnaire en situation de handicap.
Les confidences de l’ex-président du GIEPH-CI
A en croire Diby Kouassi Nicolas, ex-président du Groupement pour l’Insertion des Etudiants Handicapés Physiques de Côte d’Ivoire (Giephci), le recrutement de 2018 a montré des insuffisances qu’il faut corriger pour éviter les frustrations. « Le recrutement de 1997 a été fait en l’absence des personnes handicapées. Après le premier recrutement, la Fédération des Associations pour la Promotion Sociale des Personnes Handicapées (FAHCI) avait demandé et obtenu de l’Etat de Côte d’Ivoire d’associer les personnes en situation de handicap dans les différentes commissions de prise de décision. En 2003, les personnes handicapées ont été associées jusqu’à ce jour. Malgré cette présence dans les sphères de décision, les handicapés se plaignent toujours car ils ne savent pas sur quelle base les recrutements sont faits. C’est là tout le problème », souligne Diby Nicolas, intégré à la Fonction publique en faveur du recrutement dérogatoire de 2018.
Sur le cas des personnes en situation de ‘’handicap jugé non avéré’’, l’ex-patron du GIEPH-CI révèle : « Nous avons effectué des démarches auprès de nos autorités. Ceux-ci nous ont signifié qu’ils ne sont pas médecins, qu’ils se contentent juste des résultats du collège médical. Néanmoins, nos autorités ont reconnu que les médecins désignés n’ont pas eu suffisamment de temps pour coordonner leurs actions car tous n’ont pas la même perception du handicap. Aussi, vu le délai court et l’affluence des candidatures, la DPPH nous a confié qu’elle était obligée de faire appel à d’autres médecins».
Avant d’indiquer : « Nous ne doutons pas de leurs (médecins) compétences mais, nous croyons qu’ils ne sont pas des spécialistes dans le domaine. Ça c’est une erreur. A preuve, plus de 60 diplômés membres du GIEPH-CI ont été déclarés en situation de ‘’handicap non avéré’’ pourtant leur handicap est visible. Cependant, nous sommes optimistes car la DPPH nous a donné l’assurance que toutes les dispositions seront prises pour rectifier le tir afin de donner les mêmes chances à tous les candidats », indique Diby Nicolas.
L’ex-président du GIEPH-CI a cependant déploré le fait qu’ils n’ont pas été associés aux conclusions des travaux initiés par leur direction de tutelle en prélude au recrutement dérogatoire. « Certes, nous avons pris part au début des travaux mais par la suite, nous avons malheureusement été écartés dans la prise des décisions finales. Face à toutes ces plaintes, je crois qu’il faut revoir le mode opératoire du recrutement. Peut-être faut-il soumettre les candidats à des tests ou trouver une autre formule mais, il faut faire des propositions concrètes inclusives », soutient Diby Nicolas.
Ces révélations troublantes d’un membre du Jury
Néné Jean Pascal, président de la Mutuelle des personnes handicapées de Côte d’Ivoire et membre de la commission consultative au recrutement dérogatoire de 2018 soutient que tout était bouclé pour museler les représentants des handicapés lors des travaux de recrutement.
« Le mode opératoire du recrutement de 2018 n’a pas respecté la procédure en vigueur qui demande une implication réelle des représentants des personnes en situation de handicap. Alors que nous nous sommes accordés en amont sur les critères de sélection, qui portaient sur la situation de handicap, l’âge et le diplôme, en pleins travaux, d’autres critères voulus par la DPPH sont entrés en ligne de compte à savoir la situation matrimoniale et le nombre d’enfants. Nous avons exprimé notre désaccord sans être entendu.
Pire, le représentant des aveugles a claqué la porte car la DPPH avait décidé unilatéralement de revoir à la baisse les places réservées aux aveugles. Malgré le départ du représentant des aveugles, les travaux ont continué sous insistance de notre direction de tutelle. Curieusement, alors qu’un document avait désigné nommément les membres de la commission consultative, les responsables du ministère de tutelle avaient pris le soin de faire des doublures. La preuve, le président du collège des médecins en situation de handicap moteur s’est érigé en défenseur de la DPPH et a battu en brèche toutes les préoccupations du représentant des aveugles. Pareil pour les autres représentants. Nous avons juste été utilisés pour valider ce recrutement qui n’avait rien de transparent. Nous sommes sortis de ce recrutement lésés. C’est dans la presse que nous avons appris que 263 personnes ont été déclarées en situation de handicap non avéré, pourtant nous étions supposés être au cœur de ce recrutement. Ayant les preuves de toutes ces accusations, nous comptons saisir le Conseil national des droits des personnes en situation de handicap pour exiger toute la lumière sur ce recrutement. Nous estimons que les droits des handicapés ont été violés », accuse Néné Jean-Pascal.
Le responsable du collège des médecins explique le déroulement de la visite médicale
Face à ces accusations, Dr Coulibaly Aboudrahamane, médecin rééducateur, affirme que son équipe et la DPPH ont travaillé et validé en amont une fiche technique pour mieux encadrer ce recrutement. « Ce sont des médecins spécialistes qui ont piloté les visites médicales dont un ophtalmologue, un médecin ORL et trois médecins du service physique et rééducation. Nous avons travaillé selon les réglementions en la matière dont la convention des Nations Unies sur le droit des handicapés. Nous avons consulté plus de mille personnes et jamais nous n’avons affirmé qu’un candidat était en situation de ‘’handicap non avéré’’. Nous avons juste évalué le niveau de handicap des uns et des autres et reverser les résultats de nos travaux à la DPPH. Dire que nous avons écarté des candidats c’est nous faire un faux procès. D’ailleurs, nous avons découvert le terme ‘’handicapé non avéré’’ dans les médias comme tout le monde. A dire vrai, les présidents des organisations de personnes handicapées sont en colère car ils voulaient contrôler le recrutement en positionnant leurs candidats. D’où leur volonté d’imposer le critère d’appartenance à une association. Un fait que je trouve inacceptable car tous les handicapés doivent avoir les mêmes chances. Voici le vrai problème », dénonce Dr Coulibaly.
S’agissant des certificats médicaux refoulés par le collège des médecins, Dr Coulibaly s’est voulu clair : « Il y a la déficience et le handicap, seuls les médecins spécialistes ont la capacité de faire une appréciation juste. Il faut démontrer que la déficience est un handicap, voici ce à quoi nous avons travaillé. Quand des candidats vont prendre des certificats médicaux avec des auxiliaires en médecine, il est normal qu’on exige une reprise selon les normes, pour la crédibilité de ce recrutement. Surtout que dans un passé récent, plusieurs cas de fraudes ont été signalés. Certes, il y a eu beaucoup d’incompréhensions, mais que les présidents des organisations des personnes handicapées comprennent qu’on ne mène pas une lutte pour des intérêts personnels ou pour ces proches mais plutôt pour l’ensemble pour que l’histoire soit témoin de notre combat ».
Relativement au soupçon d’arrangement en vue de valider le dossier de certains présidents d’association, dont le ‘’handicap est non avéré’’, le responsable du collège des médecins indique que cela relève du secret de la délibération sans plus de détails.
Le Ministère livre sa part de vérité
Konan Agathe, sous-directrice chargée de la promotion des droits des personnes handicapées à la DPPH, s’est voulue claire lors d’un entretien accordé à l’équipe d’ivoirehandicaptv.net. «Lorsque le recrutement dérogatoire de 2018 a été lancé, les organisations des personnes handicapées (OPH) les plus représentatives ont été conviées à une séance de travail pour définir ensemble les critères de recrutement. Les OPH ont souhaité qu’on ajoute à ces critères, l’appartenance à une association, une proposition que nous avons refusée car il était inconcevable pour nous d’écarter un candidat parce qu’il ne milite dans aucune association. Ce critère pour nous était discriminatoire », souligne Mme Konan.
S’agissant des frais de dossier, la porte-parole du Ministère de l’Emploi et de la Protection Sociale invite les personnes en situation de handicap à faire preuve de bonne foi. « Tout concours à la Fonction publique demande des frais pour l’achat de pochettes et pour les visites médicales. Contrairement aux concours classiques où les candidats déboursent des sommes plus importantes, l’Etat demande 7.000 FCFA pour le recrutement dérogatoire. Il faut que les personnes en situation de handicap fassent preuve de gratitude. On ne peut pas nous accuser d’avoir continué à vendre les pochettes après la date butoir alors que nous avons communiqué le chronogramme du recrutement dérogatoire à toutes les OPH. C’est juste de la mauvaise foi », indique Mme Konan.
Relativement aux accusations de fonds alloués par l’Etat pour organiser le recrutement dérogatoire, Mme Konan s’est voulue moins ouverte. « Je n’ai aucune information sur une quelconque subvention versée par l’Etat pour l’organisation de ce recrutement. Que celui qui a les preuves les brandissent. Aussi, c’est déplacé d’affirmer que nous avons muselé les associations, nous nous sommes plutôt conformés aux textes qui demandent que des représentants des ministères impliqués dans ce recrutement soient présents en plus du président du collège des médecins qui nous accompagne depuis 2015 et qui est connu de toutes les OPH », lance la sous-directrice de la DPPH.
Avant d’inviter les OPH à éviter de mettre de l’huile sur le feu en lançant des piques au ministère et à la DPPH sur les réseaux sociaux. « Les problèmes ne se règlent pas sur les réseaux sociaux comme on le voit depuis peu. Nous ne sommes pas des médecins pour déclarer un candidat apte ou non. Un collège de médecins composé de trois rééducateurs, d’un ophtalmologue et d’un médecin ORL, accompagné par le centre antituberculeux ont travaillé et fourni les résultats de leurs travaux. Précisons que les médecins n’ont jamais indiqué que des candidats n’avaient pas un handicap. Ils ont juste affirmé que certains ne sont pas éligibles pour ce recrutement. Aucune personne en fauteuil roulant n’a été déclarée inapte mais qu’on comprenne que quand on recrute une personne, c’est pour travailler. Il y a des personnes dont leur handicap‘’ qualifié de sévère’’ ne leur permet pas de travailler. D’autres ont un handicap léger qui leur permet de passer les concours classiques lancés par la Fonction publique », souligne Konan Agathe.
S’agissant des soupçons d’enrichissement sur le dos des candidats, la sous-directrice de la DPPH est catégorique : «Nous n’avons jamais soutiré de l’argent à un candidat. Au contraire, nous travaillons avec beaucoup de rigueur pour l’épanouissement des personnes en situation de handicap».
Corruption et fraudes entachent le recrutement dérogatoire
Malgré les dispositions prises par les gouvernements successifs, le recrutement dérogatoire est un véritable nid de corruption et de fraude. En effet, selon K.N, handicapé, fonctionnaire et ancien responsable d’association, plusieurs faux diplômes ont été confectionnés par des personnes handicapées pour espérer intégrer la Fonction publique. « En 2008, de faux diplômes ont été confectionnés pour intégrer certaines personnes dans le circuit. C’est suite à des malentendus entre Dogbo Raphaël, ancien secrétaire d’Etat chargé des handicapés et des présidents des OPH que l’affaire a été révélée au grand jour », confie cette source. Une autre source très introduite révèle que la fraude a entaché lourdement les derniers recrutements.
« Dans un passé récent, pour le recrutement dérogatoire, on demandait juste la photocopie des diplômes non légalisés. Beaucoup utilisaient des diplômes de leur proche tout en prenant le soin de changer le nom par des procédés qu’ils maitrisent», révèle notre source. A en croire notre informateur, des candidats versaient de l’argent aux présidents d’association des personnes handicapées qui avaient le pouvoir de proposer des noms. « Lors des recrutements passés, on demandait aux présidents des OPH de faire des propositions de noms. Une formule qui faisait d’eux des personnes incontournables. Avec le changement de formule, les présidents des OPH pris de vitesse ne décolèrent pas car ils ont visiblement perdu une manne financière », lâche notre source.
Mr Toti Yalé, ancien secrétaire national du GIEPH-CI, soutient que des places ont été cédées moyennant de l’argent. « Des places ont été vendues selon des informations que nous avions reçues lors des recrutements de 2008, 2015 et 2017. Aussi des personnes avec de faux diplômes ont-elles pris part à ces recrutement ainsi que des personnes valides », témoigne notre source, qui affirme ne plus espérer en ce recrutement après trois tentatives infructueuses.
A en croire un autre témoin, sous couvert d’anonymat, le recrutement de 2015 a été le plus entaché de fraude et de corruption.
« Des valides ont postulé à ce recrutement au même titre que les personnes en situation de handicap. Des sommes d’argent ont été déboursées par des candidats valides comme invalides pour espérer être recrutés avec la complicité de certains présidents d’association. Des faux diplômes ont été produits pour insérer certains dans le circuit. C’est l’une des raisons pour lesquelles les résultats ont mis du temps avant d’être publiés contrairement au recrutement de 2018 où tout est allé très vite », soutient notre source.
Une accusation confirmée implicitement par Mme Konan, sous-directrice de la DPPH. « Grâce à la visite médicale, nous avons pu écarter des personnes qui ne présentaient aucun handicap. Aussi vérifions-nous tous les diplômes désormais », livre Mme Konan. Face à ces accusations, plusieurs présidents d’association joints ont refusé de se prononcer ou ont préféré faire la fine bouche pour des raisons qu’on ignore.
Néné Jean Pascal indique que personne n’a vraiment les preuves de ces allégations. « Nous avons tous appris ces informations mais personne n’a la preuve de ces accusations. Pour les valides qui postulent, ce sont en vérité des personnes comme les interprètes des sourds et autres personnes en activité aux côtés des handicapés qui sont autorisées par les textes à postuler à ce recrutement », indique Néné Jean Pascal.
Pour Vincent Kadélé, les pratiques de ‘’faux diplômes’’ et de ‘’faux handicap’’ n’honorent pas l’image de la communauté de personnes en situation de handicap en Côte d’Ivoire. S’agissant des accusations de corruption épinglant les présidents d’association, Vincent Kadélé indique : « Cette information circule dans notre milieu mais sans preuve tangible ».
Encadré
Ces chiffres et réalités qui inquiètent
« De 300 personnes recrutées en 2015, nous sommes passés à 158 en 2018 alors que la Côte d’Ivoire compte des milliers de diplômés en situation de handicap. On a vraiment l’impression que nous ne sommes pas les bienvenus à la Fonction publique. Personne ne nous donne, malheureusement, d’informations sur cette réduction des places. C’est à force de lutte qu’on obtient le lancement des recrutements dérogatoires. Sur 15.000 places à la Fonction publique, le gouvernement pouvait nous octroyer au moins 10% pour absorber le maximum de diplômés », clame J.P, un responsable d’association intégré à la Fonction publique. Avant de charger : « Après le parcours de combattant pour être recrutés, les nouveaux fonctionnaires sont confrontés aux problèmes de
matricules et de commodités dans leurs différents lieux d’affectation. Des réalités qui font dire que beaucoup restent à faire pour une prise en charge véritable de cette catégorie de diplômés ».
Les autorités compétentes, elles, battent en brèche ces affirmations et demandent aux diplômés handicapés de ne pas se soustraire des réalités ivoiriennes.
« Nous mettons juste en œuvre les directives du gouvernement. Nous ne fixons pas le nombre de places donc personne ne peut dire qu’on travaille contre la promotion des personnes en situation de handicap. C’est en fonction des postes budgétaires disponibles que le nombre de places est communiqué. Contrairement à ce qui se dit, nous travaillons avec diligence pour aider les diplômés handicapés à intégrer la Fonction publique en veillant à ce que leurs arrêtés de nomination soient disponibles à temps. Qu’ils comprennent que ce sont des milliers de dossiers que la Fonction publique traite au quotidien. Certes, il y a des choses à améliorer mais il y a eu des avancées notables. Combien de pays lancent des recrutements dérogatoires dans la sous-région ? Nous les encourageons à privilégier le chemin du dialogue car au-delà d’avoir des droits, ils ont aussi des devoirs », souligne Konan Agathe, sous-directrice de la DPPH.
Certains candidats soupçonnés d’avoir déboursé de l’argent, joints, ont préféré garder le silence car personne ne veut visiblement vendre la mèche dans un milieu profondément divisé du fait des querelles de leaderships entre présidents d’association et des guerres de positionnement que se livrent les OPH auprès
des bailleurs de fonds et du ministère de l’Emploi et de la Protection sociale.
Une loi d’orientation des décrets mise aux oubliettes
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est plus élevé que celui des personnes dites valides du fait qu’elles sont exclues des concours du CAFOP, de l’INJS, de la Police, de la Gendarmerie, de l’ENS…
Malgré ce désavantage, la loi N° 98-594 du 10 novembre 1998 dite loi d’orientation prévoyant des dispositions pour faciliter l’accès à l’emploi aux personnes en situation de handicap, n’a jamais été appliquée par les différents gouvernements. Conséquence, les diplômés en situation de handicap broient du noir car livrés à eux-mêmes.
“La loi d’orientation en faveur des personnes en situation de handicap est une loi dont le décret d’application, depuis 1998, n’a jamais été pris. En réalité, c’est une loi qui existe de nom. Cette réalité met à mal l’intégration des diplômés handicapés à la Fonction publique. Pareil pour le décret n° 2018-456 du 9 mai 2018 relatif à l’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur privé. L’application de ce décret devait pousser les entreprises à employer des personnes en situation de handicap et à procéder aux aménagements nécessaires visant à faciliter l’accès de la personne en situation de handicap au milieu du travail. Malheureusement sur le terrain, ce décret reste à l’état d’écriture car les entreprises privées trainent encore les pas pour des raisons propres à chaque firme”, relate Néné Pascal, président de la mutuelle des handicapés de Côte d’Ivoire.
Notons qu’en 1997, 45 personnes handicapées avaient été intégrées à la Fonction publique lors du premier recrutement dérogatoire. En 2000 et 2003, 43 et 59 personnes avaient été respectivement recrutées.
201 et 300 diplômés avaient rejoint le rang des fonctionnaires en 2005 et 2008. En 2015, 300 personnes avaient été recrutées suite à plusieurs plaidoyers et manifestations parfois violentes des associations de personnes en situation de handicap.
Source : ivoirehandicaptv.net
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