Boni Claverie:  »Il faut renforcer la paix, la stabilité avant d’organiser la présidentielle de 2020″ en Côte-d’Ivoire

La présidente de l’Union républicaine pour la démocratie était face à la presse mercredi pour se prononcer sur la situation du pays. Ce, au moment où le débat sur la CNI et sur la commission électorale fait rage. Ci-après son propos liminaire sans langue de bois

A travers cette rencontre, l’URD, mon parti souhaite partager avec vous sa lecture de la situation socio-politique en Côte d’Ivoire.

En tant qu’opposants, nous sommes des lanceurs d’alerte et notre rôle est d’indexer les risques d’implosion que court notre pays, face à la décomposition progressive de notre société.

La situation est préoccupante, au triple plan politique, économique et social. Les derniers développements de l’actualité politique, la réalité des indicateurs macro-économiques et le cumul des frustrations sociales font peser une lourde hypothèque sur les fragiles équilibres de la Nation, impactent négativement la dynamique démocratique et menacent sérieusement la confiance en notre avenir. Ces signaux indiquent bien que notre bien commun court des dangers bien rééls.
Et la perspective des échéances électorales de 2020 accroit la psychose déjà perceptible au sein des populations.
C’est pourquoi, à défaut de vous convaincre, je vais essayer de vous démontrer que mon parti juge inenvisageable la tenue d’élections en 2020.

Malgré les assurances données par le Président Ouattara, notre analyse est en parfaite contradiction avec les certitudes que tente de nous marteler le Chef de l’Etat.

C’est pourquoi, j’affirme haut et fort qu’on ne peut exiger du peuple ivoirien qu’il aille à l’abattoir. On ne peut lui imposer des élections à tout prix alors que les conditions de vie se détériorent et que le climat politique se crispe de plus en plus. Nombreux sont les Ivoiriens qui envisagent de s’exiler pendant cette période électorale par peur d’une guerre fratricide qu’ils ont raison de redouter.

Peut-être vais-je vous paraître alarmiste mais j’ai décidé de vous inviter à fixer vos regards sur le verre à moitié-vide, celui des déçus et des rejetés du système, ceux dont les vies ont été broyées par les injustices, les exilés, les prisonniers militaires dont le maintien en détention reste incompréhensible.

A l’URD, nous n’avons que notre voix et nos convictions pour prendre le peuple à témoin de ce que l’on veut l’instrumentaliser pour obtenir son suffrage alors que nous savons que les dés sont déjà pipés.

Nul n’est besoin d’être prophète pour comprendre que les tensions politiques actuelles exacerbées sont nées d’un certain nombre de facteurs que je vais mettre en évidence :

Il s’agit du divorce entre les anciens alliés du RHDP, entre le RDR et le PDCI dont la conséquence est de produire un retour à la pensée unique. Ce clivage politique gagne du terrain et gangrène même l’administration. Les responsables qui ne se soumettent pas à une inféodation au RHDP sont menacés de renvoi et de licenciement.

Dans ce sillage, les folles rumeurs qui circulent au sujet d’une imminente arrestation du Président Henri Konan Bédié ne peuvent avoir de fondement tant ce serait insensé, mais elles contribuent manifestement à pourrir un peu plus l’atmosphère déjà délétère.

Egalement, les attaque crypto-personnelles entre le camp présidentiel et celui de Guillaume Soro prennent l’allure détestable d’une guerre fratricide dont chacun peut aisément deviner l’issue catastrophique pour le pays.

Au demeurant, le refus d’un consensus sur la réforme de la CEI constitue un manquement démocratique grave et m’amène à clarifier des propos mensongers distillés aux chancelleries sur la question.

En vérité, il ne s’est jamais agi, de la part de l’opposition, d’un quelconque boycott. Nous étions convenus d’une méthode de travail à l’initiative du PM et j’insiste bien, à l’initiative de M. Gon Coulibaly. Cette méthode consistait à la rédaction par le gouvernement des termes de référence qui devaient servir de bases de discussion avant que ne s’ouvrent les travaux du comité restreint. Nous ne les avons jamais reçus. Et l’on nous convie ensuite à des séances de travail alors qu’on a changé de méthode sans même nous avertir que les règles du jeu ont été modifiés. Comprenez que lorsque nous avons été conviés à la restitution solennelle des travaux de leur comité restreint, peu représentatif de l’opposition significative, il nous était difficile de répondre à cette invitation puisque nous n’avions pas participé à leurs travaux.

Sur ce sujet, la position de l’opposition est simple. Nous aurions souhaité une grande concertation tripartite pour aboutir à une réforme profonde de la CEI. Il est grave pour la stabilité de notre pays que le gouvernement comme à son habitude effectue un passage en force et nous impose une CEI qui ne réponde pas aux critères internationaux de neutralité, d’indépendance et de transparence exigés par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, réclamés également par l’opposition et la société civile ivoiriennes.

Poursuivant l’énumération des causes des tensions politiques exacerbées actuelles, nous notons la prolifération des armes en Côte d’Ivoire, dénoncée régulièrement par l’ONU. Cette situation inacceptable fait peser de fortes inquiétudes sur la période électorale prochaine. Des milliers d’armes acquises du temps de la rébellion et de la crise postélectorale circulent toujours. Et les autorités ont le plus grand mal à les récupérer. D’autant que tous les processus de désarmements initiés ont été des échecs complets, une gabegie de plus de 100 milliards de frs cfa, du PNRD à l’ADDR.

Les conditions du renouvellement et de l’attribution des CNI dont le prix d’acquisition est fixé à 5 000 frs, procèdent des mêmes incuries. Comment des représentants du peuple ont pu voter sans état d’âme une telle mesure alors que le Ghana voisin pratique la gratuité de la 1ère CNI. Comment le gouvernement n’a-t-il pu anticiper les mesures administratives à prendre ? Les autorités n’entendent-elles pas le mécontentement du peuple croître et s’amplifier ? Selon notre approche, la mesure transitoire la plus judicieuse serait la prorogation pure et simple du temps de validité de ces cartes.

Pour clore ce chapitre des élections, l’URD s’interroge sur la capacité du gouvernement à trouver les solutions adéquates pour garantir des élections crédibles et apaisées. Son refus de changer la Cei, de réformer le Conseil Constitutionnel, de réviser le Code électoral et l’ensemble du processus électoral ne sont-ils pas autant de signes que le Pouvoir cherche à se maintenir à tout prix et que son seul souci est de le conserver quel qu’en soient les conséquences.

Ne serait-il pas plus sage de travailler tous ensemble, toutes les forces vives de ce pays, mobilisées à créer les conditions pour que les futures élections ne souffrent d’aucune contestation et qu’ainsi, la cohésion sociale et la paix soient privilégiées ? Notre environnement sociopolitique est si fragile, les menaces sur la paix si flagrantes que l’URD continue de dire que la tenue d’élections ne peut être envisagée dans de telles conditions. Il faut d’abord penser à se réconcilier, à renforcer la paix, la cohésion et la stabilité de notre pays, à réformer ce qui doit l’être avant d’organiser la présidentielle de 2020. Et je le dis d’autant plus fort que nous refusons tous l’idée d’une autre crise post-électorale qui ne pourrait être que plus fratricide que celle de 2010-2011.

La réconciliation nationale n’est pas effective. Elle est inachevée et cet état de fait banalise la souffrance des Ivoiriens et des victimes, de toutes les victimes. Et elle ne peut être achevée sans la présence de l’acteur majeur qu’est le Président Laurent Gbagbo. Par ailleurs, comment encourager la réconciliation quand le Président Ouattara déclare que la Côte d’Ivoire est divisée entre les Houphouètistes et les anti-Houphouètistes ! C’est un non-sens venant de celui qui est le garant, le socle de l’unité nationale. N’est-ce pas une prime donnée à la division ?

Une autre question que l’URD se pose à propos de la réconciliation est de savoir pourquoi les résultats des travaux de la CDVR n’ont jamais été rendus publics ? Le contribuable ivoirien a décaissé plus de 14 milliards de francs pour un travail dont on lui cache les résultats. Pourquoi ? Quelles sont les recommandations si gênantes pour le Pouvoir qu’il a préféré faire un black- out total ?

L’URD considère également comme facteurs aggravants du contexte actuel, l’inexistence de débats contradictoires au Parlement et au Sénat puisqu’ils sont monocolores. Et notre Parlement est en crise pour cause de violations de son Règlement Intérieur. Quant au Sénat, toute honte bue, c’est la semaine dernière qu’il a commencé à se doter de ses structures de fonctionnement. Ce qui signifie que depuis avril 2018, nos sénateurs élus sont payés à ne rien faire.

Il nous faut parler aussi de la restriction des libertés syndicales (gel des comptes, emprisonnement des acteurs, ponctions salariales) et de la restriction des libertés individuelles et collectives.

Ajoutons à ce triste tableau, la récurrence et la multiplication des conflits intercommunautaires qui oppose des groupes ethniques sur un problème fondamental, la terre. Une réalité prégnante qui fait notamment de l’ouest et de l’Est de la Côte d’Ivoire, une poudrière. La rareté des ressources, la pression démographique, les flux migratoires élevés exercent une forte pression sur le foncier et font de ce problème une source quasi permanente de tensions et de conflits.
Pour notre parti, la Démocratie ce n’est pas seulement le multipartisme et l’organisation d’élections. C’est aussi :

Un environnement sain,
Une justice indépendante,
Un système éducatif efficace,
Une politique de santé et de sécurité sociale adéquate,
Une administration non corrompue
Un système sécuritaire non dégradé.

Loin de faire dans la surenchère, l’Urd voudrait actionner la sonnette d’alarme car tous ces facteurs aggravants constituent des terreaux fertiles pour une plus violente crise.

Nous persistons à dire qu’il faut éradiquer la politique de rattrapage dans les nominations à la fonction publique et dans l’armée républicaine, génératrice de graves injustices, de profondes rancœurs et de fracture sociale.
Pourquoi ne parle-t-on pas de l’immigration en Côte d’Ivoire ? Alors que dans le monde entier, 2 sujets dominent toutes les problématiques, l’écologie et l’immigration. Pourquoi est-ce chez nous un sujet tabou ? Dans notre hymne national, nous nous affirmons « pays de l’hospitalité », certes, mais il est de notre responsabilité d’organiser l’accueil de nos étrangers. C’est une exigence de transparence qui n’a jamais été prise en compte par nos gouvernants.
Pour quelle raison ?

Comment se fait-il que nous ne soyons pas au courant de la composition sociologique des populations de notre pays ? Où en est-on au juste avec le recensement général de la population et de l’habitat de l’année en cours ?
Quel en est le modus operandi ? Sur quels fondements, et pour quoi faire ?

Chers Invités, Mesdames et Messieurs les journalistes, si les signes que montre l’espace politique font craindre des lendemains difficiles, nous sommes en droit de nous interroger quant à la gouvernance économique de notre pays.

Comment peut-on raisonnablement continuer de financer le développement par le recours systématique à un endettement endémique dans un pays dont 77% de la population est âgée de moins de 35 ans.

En tout état de cause, une dette excessive est un frein à un développement durable.

D’autre part, au fil de ces dernières années, notre pays a atteint un degré élevé de prédation des deniers publics avec des scandales successifs dont les sanctions n’ont touché que les seconds couteaux.

On assiste ainsi depuis 8 ans, à la continuité de détournements massifs dans la filière café-cacao, au trafic à ciel ouvert des ressources minières par des bandes armées agissant manifestement sous couverture puisque bénéficiant d’une certaine impunité. Nous avons appris de la bouche même du Ministre des Mines que 1000 sites d’orpaillage clandestins existaient sur tout le territoire national faisant peser de graves menaces d’empoisonnement au mercure sur les populations et l’environnement.
Si on annexe à cela les méventes des produits d’exportation tels que le café, le cacao, l’anacarde et l’hévéa ainsi que l’inéquitable répartition des richesses nationales malgré une croissance mirobolante, nous avons réuni les attributs incontestables d’une mauvaise gouvernance.

De plus, le pouvoir d’achat des ménages n’a cessé de baisser avec une inflation des prix qui touchent surtout les produits de 1ère nécessité : Huile, viande, œufs, lait, riz et l’essence qui vient encore d’augmenter.
Ces différents points névralgiques fragilisent la paix de notre pays. N’oublions pas que les élections locales sans enjeu national ont pourtant été marquées par des violences inégalées et de nombreuses irrégularités. D’où, nos doutes sur le déroulement apaisée de l’élection présidentielle. Ces violences pourraient être un signe prémonitoire d’une situation potentiellement explosive en 2020.

Aucune perspective d’alternance ne se dessine à l’horizon puisq
ue « tout est bouclé et géré » ; Des faits et postures qui tranchent avec l’Houphouètisme que nous connaissons et avons pratiqué en son temps.
C’est la raison pour laquelle l’URD en appelle solennellement à la responsabilité des Ivoiriens et à leur conscience patriotique afin d’inverser le cycle de violence qui se met pernicieusement en place.

Pour construire cette paix indispensable, ayons la volonté et donnons-nous le temps de réviser entièrement le cadre général et institutionnel des élections. Afin de nous éviter une nouvelle crise, prenons le temps des désarmer les cœurs.
En tout état de cause, à l’URD, Nous faisons confiance au peuple de Côte d’ivoire pour prendre ses responsabilités face à l’imposture que représentent toutes ces manœuvres dilatoires dont le seul dessein n’est autre que la confiscation du pouvoir et la perpétuation d’une mascarade électorale qui fait planer l’ombre de la guerre sur notre pays.

Le temps est donc venu que chaque citoyen de cette terre d’espérance prenne sur lui de vouloir sauvegarder et préserver les intérêts de notre communauté de destins.

Il n’est pas trop tard. Retrouvons-nous pour renouer avec le dialogue sincère, sans faux fuyant afin que toutes les forces vives de la nation, dans un esprit de fraternité et de tolérance, trouvent des réponses concrètes aux nombreux défis auxquels le pays reste confronté en tournant le dos à la dictature des égos.

Je vous remercie
D. BONI-CLAVERIE.

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1 réflexion au sujet de « Boni Claverie:  »Il faut renforcer la paix, la stabilité avant d’organiser la présidentielle de 2020″ en Côte-d’Ivoire »

  1. En conclusion, pour éviter l’apocalypse en 2020 selon notre illuminée Tantie AKISSI (veuve héritière d’un compte gracieusement bourré en Suisse) souhaite un report des élections.Et en conséquences des causes évoquées, on plaidera pour un gouvernement de transition avec à sa tête la présidente du parti populaire l’URD.
    Quel beau rêve n’est ce pas Tantie Choco.

    À chacun sa lorgnette !!

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