L’Editorial du Professeur Franklin Nyamsi Wa Kamerun
Jamais dans l’Histoire de la nation ivoirienne, un régime ne s’était autant complu à livrer le pays à la risée des nations. Sous les présidents Houphouët, Bédié, Guéi, Gbagbo, la règle fut systématiquement de taire, hors des frontières de Côte d’Ivoire, toutes les querelles susceptibles de nuire aux intérêts collectifs de l’Etat, de la République et de la Nation ivoirienne. Quelques exemples ? Candidat à la direction du FMI au milieu des années 90, Alassane Dramane Ouattara, alors rival du Président Bédié, fut pourtant soutenu par ce dernier, au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Quelques années plus tard, pour Essy Amara, cadre issu du PDCI-RDA, fut allègrement soutenu pour le secrétariat général de l’Union Africaine par le Président Laurent Gbagbo. Cet esprit de dépassement, au nom de la Côte d’Ivoire, n’est-il pas devenu le parent pauvre de la gouvernance d’Alassane Dramane Ouattara depuis son avènement au pouvoir dans ce pays ? Je voudrais, dans les lignes qui suivent, montrer comment Alassane Dramane Ouattara et l’un de ses plus aveugles suiveurs, Amadou Soumahoro dit Cimetière, sont à l’origine de la plus grave crise parlementaire jamais connue par le Parlement Ivoirien depuis l’indépendance de ce pays le 7 août 1960. Pour cela, j’établirai : 1) Les fondements de l’actuelle crise parlementaire ivoirienne et les actes de délinquance politique accomplis par Amadou Soumahoro, avec la bénédiction du nouveau monarque lagunaire Alassane Ouattara, depuis son avènement le 8 mars 2019 à la tête de l’Assemblée Nationale ; 2) Les lendemains troubles qui s’annoncent pour un parlement ivoirien accroupi sous le diktat d’un César ivoirien plus que jamais décidé à connaître la fin du mythique Narcisse qui, trop amoureux de sa propre image, se noya en la contemplant sur l’eau d’un lac.
Fondements de la crise parlementaire ivoirienne actuelle
Le conflit ouvert entre la majorité présidentielle et l’opposition au Parlement ivoirien provient d’une succession d’atteintes à la constitution de la République de Côte d’Ivoire, et aux lois qu’elle chapeaute, notamment depuis l’an 2016. Examinons certaines des plus flagrantes violations de cette constitution par Alassane Ouattara, pour édifier nos lecteurs.
Selon la loi ivoirienne, la Commission Electorale Ivoirienne (CEI), devait être réformée depuis 2016. Or malgré une condamnation claire et nette de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples le 18 novembre 2016, Alassane Ouattara n’a pas daigné réformer la CEI. Par conséquent, les élections municipales et régionales du 13 octobre 2018 se sont déroulées dans un cadre illégal. On sait par ailleurs le cortège de violences, de trucages, de bavures policières et politiciennes qui a accompagné ces élections à Abobo, Port-Bouët, Grand Bassam, au Plateau d’Abidjan, pour ne citer que ces cas.
Le régime Ouattara s’est permis, en juillet 2018, de violer ostentatoirement la loi d’août 1993 sur les partis et groupements politiques. Alors que cette loi dispose qu’il ne peut y avoir que des partis politiques ou des groupements de partis politiques en Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara s’est permis de créer le parti politique RHDP unifié, violant au passage la propriété juridique du PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié, alors même que le RDR, son propre parti politique d’origine, n’a toujours pas été dissous. Autrement dit, le régime Ouattara s’est permis d’imposer en Côte d’Ivoire, de facto l’appartenance des mêmes citoyens à plusieurs partis politiques de façon concomitante. Une aberration totale !
Alassane Ouattara s’est aussi permis d’abroger une loi votée par le parlement, interdisant le cumul des mandats électifs avec des fonctions gouvernementales, par un décret gouvernemental. IL a ainsi rouvert la voie, au mépris de la loi, à des ministres cumulards connus pour n’être efficaces nulle part, tels un Hamed Bakayoko, un Ibrahim Ouattara dit Photocopie, ou un Mamadou Touré.
Ayant créé le RHDP au mépris de la loi, Alassane Ouattara s’est mis en tête de forcer tous ses alliés, grâce auxquels il est arrivé au pouvoir en 2010, à adhérer à son parti ou à démissionner de toutes leurs positions dans l’appareil d’Etat. La traque lancée par Alassane Dramane Ouattara contre le PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié s’est ainsi traduite par une succession de harcèlements judiciaires contre le parti de l’Indépendance ivoirienne, qui lui a heureusement résisté courageusement. Alassane Ouattara s’est aussi retourné contre les Forces Nouvelles de Guillaume Soro, accomplissant la plus grande épuration de cadres de ce mouvement jamais accomplie avant lui : chassés du gouvernement, des administrations, des sociétés publiques et parapubliques, des ambassades, des organisations internationales, de leurs fonctions dans les armées et police, les compagnons de Guillaume Soro sont les plus grands martyrs de l’ère Ouattara, si l’on compte en plus les emprisonnements arbitraires, brutalités et menaces dont la galaxie-Ouattara les abreuve notamment depuis 2017.
C’est cette manœuvre de capture de l’Etat de Côte d’Ivoire par le Clan Ouattara qui s’est définitivement traduite par la traque lancée contre Guillaume Kigbafori Soro à l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire. En effet, après avoir envoyé en avant-garde ses lieutenants Kandia Camara, Hamed Bakayoko et Adama Bictogo pour sommer Guillaume Soro de rejoindre le nouveau parti présidentiel, Alassane Dramane Ouattara lui-même s’est permis de lui en faire injonction les 5 et 24 janvier 2019, lors d’audiences tendues en sa résidence présidentielle. Le député de Ferkéssédougou, au regard de la kyrielle de violations de la loi par Alassane Dramane Ouattara, a compris que ce qui était en jeu, ce n’était plus simplement son poste de Président élu de l’Assemblée Nationale, mais en réalité la survie de l’espérance démocratique ivoirienne. Guillaume Soro, décidé à servir l’avenir, a accepté de rendre sa démission le 8 février 2019, pour se mettre plus résolument à la disposition du Peuple de Côte d’Ivoire.
Mais Alassane Dramane Ouattara ne s’est pas arrêté là. IL a fait élire par les députés du RHDP, dans des conditions d’un clanisme avéré, le député Amadou Soumahoro à la tête de l’Assemblée Nationale le 8 mars 2019. IL lui a alors confié une mission des plus déshonorantes qui soit : confisquer tout ce qui relève du parlement ivoirien pour le seul RHDP et à la gloire d’Alassane Dramane Ouattara, décidément bien vêtu de sa toge de nouveau monarque lagunaire. Amadou Soumahoro – dont l’esprit mortifère est trop connu des Ivoiriens- a foncé de manière irréfléchie, cornes baissées tel un taureau aveugle, vers le but de sa mission antidémocratique. Sans prendre la peine de lire les articles 138, 139, 140 du Règlement Intérieur en vigueur à l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, il a constitué un Bureau de l’Assemblée Nationale méprisant les obligations de représentativité proportionnelle de l’ensemble des groupes parlementaires. Le truculent Amadou Soumahoro dit Cimetière a ensuite tenté de déloger la délégation parlementaire ivoirienne au parlement de la CEDEAO. Mal lui en a pris : la CEDEAO, dans une cinglante réplique, a infligé un camouflet diplomatique à l’imprudent Tchomba. Allait-il pour autant s’assagir ? Ô que non ! Amadou Soumahoro a ensuite tenté de tripatouiller la délégation parlementaire ivoirienne à l’UPA (Union Parlementaire Africaine) : nouvelle déconvenue. Mais ne changeant point sa manière de s’asseoir, tel le chien du proverbe populaire, l’obsédé président fou du parlement ivoirien a poursuivi sa sale besogne à l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie ‘APF) basée à Paris. Au mépris des textes règlementaires ivoiriens et de la tradition de l’APF, il a substitué la section ivoirienne de l’APF, mise en place en novembre 2017, par une nouvelle section de son cru, dont il a pris le soin d’exclure tous les députés opposés à l’actuel pouvoir et notamment Guillaume Kigbafori Soro, précédent Président de l’Assemblée Nationale et actuel Premier Vice-Président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. L’ambition folle de Soumahoro était du reste claire : occuper, pensait-il, tous les postes internationaux tenus par le député Guillaume Kigbafori Soro, au nom du Parlement Ivoirien. Or, les règlements internationaux et nationaux en ces matières interdisent d’interrompre, en plein exercice de législature, le mandat d’un parlementaire dans une organisation internationale. N’est-ce pas le summum de l’ignominie ? Comment comprendre que certains membres du Bureau de l’APF se soient complu à laisser prospérer jusqu’à ce jour, la forfaiture de la section fantôme d’Amadou Soumahoro, au mépris de la démocratie ivoirienne et de la démocratie parlementaire internationale ? Ainsi la crise parlementaire ivoirienne est devenue une crise internationale.
Dès le mois d’avril 2019, des conflits inter-ivoiriens ont éclaté lors des assises internationales de l’APF à Ouagadougou. Amadou Cimetière s’est obstiné à empêcher le député Bassatigui Fofana, Chargé de mission Afrique de l’APF d’exercer ses fonctions statutaires. Mal lui en a pris. Les 14 et 15 juin 2019 à Rabat au Maroc, Amadou Soumahoro s’est permis de revendiquer la Présidence de la section régionale Afrique de l’APF et de s’opposer à la direction des travaux de la régionale Afrique par l’actuel Président de la section régionale Afrique, et par ailleurs Premier Vice-Président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, le député Guillaume Kigbafori Soro. Là encore, les règlements de l’APF ont un tant soit peu résisté aux coups de boutoir de l’usurpateur envoyé par Alassane Dramane Ouattara. Le sinistre Amadou Soumahoro, la queue soigneusement pliée entre les jambes, est rentré bredouille à Abidjan, son coup d’Etat parlementaire s’étant transformé en un piteux coup d’épée dans l’eau glauque de ses ambitions foireuses. Mais l’homme, décidément abonné aux projets ténébreux n’en démord point. Depuis lors, le monarque des lagunes Alassane Ouattara et son servile servant Amadou Soumahoro misent désormais sur l’organisation les 5-9 juillet 2019 des travaux de la 45ème session de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, pour rebondir dans leur ire débridée de conquête de toutes les positions de pouvoir disponibles. Que peut-on donc attendre des jours qui viennent ?
Perspectives orageuses pour le Parlement Ivoirien : la casse de la démocratie s’arrêtera avec la chute du RHDP d’Alassane Dramane Ouattara…
Ce qui s’annonce à présent au cœur du Parlement Ivoirien concerne la Côte d’Ivoire toute entière. Une bataille quintuple : stratégique, médiatique, diplomatique, judiciaire et spirituelle. Je voudrais l’analyser clairement dans cette seconde partie de mon propos afin que nul n’en ignore en Côte d’Ivoire et dans le monde.
D’un point de vue stratégique, l’heure est venue pour l’opposition ivoirienne de montrer qu’elle est réellement majoritaire dans le pays. L’arrogance d’Alassane Ouattara vient de son illusion d’être vraiment encore populaire en Côte d’Ivoire. Son humilité et sa modestie renaîtront de la démonstration populaire de sa minorité politique avérée. Le renoncement de Ouattara, de Gon de Soumahoro à leur avalanche de destruction des libertés constitutionnelles ivoiriennes ne sera effectif que quand le peuple ivoirien leur aura administré par sa mobilisation, la preuve qu’ils sont définitivement vomis par lui.
D’un point de vue médiatique, la mobilisation citoyenne sur les réseaux sociaux contre la dérive dictatoriale en cours ne saurait porter si par ailleurs l’opposition ne se donne point les moyens d’être présente, avec un discours cohérent, partout où l’opinion sur la Côte d’Ivoire se forme et se déforme aujourd’hui. IL y a certes d’abord les réseaux sociaux citoyens, où le régime Ouattara est incontestablement à la peine ; mais il va falloir que la presse, la télévision nationales et internationales sur la Côte d’Ivoire soient prises en main de façon plus systématique par des cadres politiques capables de porter, avec pertinence et persévérance, la contradiction aux mensonges et bravades abjectes du régime Ouattara.
La diplomatie ne saurait être négligée dans la phase décisive qui s’amorce. IL est faux de dire que seul compte en Côte d’Ivoire le gros téléphone corrupteur d’Alassane Dramane Ouattara. La vérité et la justice, bien servies, peuvent triompher de toutes les impostures. Les grandes puissances doivent prendre conscience de l’ampleur de la crise de confiance que révèle cette crise parlementaire ivoirienne. Pour cela, les intellectuels libres et l’opposition politique ivoiriennes ont le devoir de les édifier sur les actes patents de la dérive dictatoriale d’Alassane Dramane Ouattara : la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Russie et la Chine, la CEDEAO, l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’ONU, doivent être régulièrement réactualisés sur l’évolution de la forfaiture du régime RHDP en Côte d’Ivoire. Des rapports du style de celui de l’Union Européenne en 2018 doivent davantage être produits, encouragés et suscités, afin que la défaite démocratique du régime en 2020 coule de source.
Enfin, une bataille judiciaire multiforme a commencé. Elle aura lieu en Côte d’Ivoire, à la CEDEAO, à l’Union Africaine, en France, et même à l’ONU. Les violations avérées de la loi dans cette crise parlementaire en Côte d’Ivoire doivent permettre de traîner Alassane Dramane Ouattara, Amadou Soumahoro et tous les autres auteurs de ces actes anticonstitutionnels devant la justice ivoirienne : tôt et/ou tard.
C’est sur le fond de toutes ces lignes de front sociopolitique que la Côte d’Ivoire profonde doit se rassembler pour faire face à l’humiliation collective infligée à la dignité et à la souveraineté du peuple par Alassane Dramane Ouattara et ses suiveurs aveugles. La bataille sera donc aussi spirituelle : est-ce l’esprit de rapine, de violence, de mensonge, d’imposture qui doit continuer de s’accaparer de ce pays ? Ce serait le triomphe des ténèbres rampantes du RHDP. Est-ce plutôt un esprit de sacerdoce, de paix, de vérité, de justice et de vraie fraternité qui doit animer les institutions ivoiriennes ? Cela passe par la défaite politique, diplomatique, médiatique, judiciaire du RHDP et l’avènement d’un véritable Etat de droit ivoirien, gage d’une démocratie effective, inclusive, exemplaire et sereine. Tel est le défi de ce temps. Et c’est ici qu’il faut l’affronter. Hic Rhodus, hic saltus. Et l’on comprendra mieux – je l’espère – pourquoi Guillaume Kigbafori Soro, le Président du Comité Politique de Côte d’Ivoire a justement affirmé :
« Je ne me bats pas pour le poste de Président de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie. Je me bats pour l’Etat de droit et la Démocratie dans mon pays ».
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