François VANIE
En Côte d’Ivoire, « le niveau d’éducation financière demeure encore très faible », selon le coordonnateur du Programme éducation financière (PEF) du ministère de l’Education nationale, Félix Yao, dans une interview à Alerte Info dimanche.
Quel est aujourd’hui le niveau en éducation financière de votre cible de base ?
Initialement, le programme éducation financière a été mis en route pour apporter une solution durable au problème de l’équilibre financier des enseignants. Selon les chiffres de la direction de la mutualité et des œuvres sociales du ministère de l’Education nationale, il y avait en 2014, plus de 39.000 enseignants en situation de surendettement. Ceci a donc un impact négatif direct sur la qualité de l’enseignement, sur la qualité de l’éducation de nos enfants. C’est également une perte sèche annuelle de l’ordre de 117 milliards FCFA pour l’Etat de Côte d’Ivoire. Cette manne financière atterrit dans la poche des usuriers communément appelés « margouillats ». Des campagnes de sensibilisation, des animations grand public, des ateliers sont régulièrement organisés à l’endroit des personnels du ministère pour remédier à cela. Nous avons touché un peu plus de 20.000 personnes dans nos campagnes. Une étude d’impact réalisée en 2018 a révélé que 75% de ces personnes touchées intègrent l’élaboration d’un budget dans leur quotidien, arrivent à faire la différence entre les envies, les besoins et prennent maintenant des décisions financières avisées.
En février dernier le ministre ivoirien de l’Economie et des finances, Adama Koné a estimé à 60% le taux d’inclusion financière à atteindre à l’horizon 2024. Peut-on donner aujourd’hui le taux d’éducation financière ?
A ce niveau, il faut savoir faire la différence entre inclusion financière et éducation financière. En ma qualité de président du groupe de travail protection des clients et éducation financière dans le cadre de la stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF), je peux dire que le niveau d’éducation financière en Côte d’Ivoire demeure encore très faible. L’agence de promotion de l’inclusion financière (APIF) travaille à relever le défi de l’éducation financière pour tous. Il y a quelques initiatives dont l’une est le PEF mis en route par le MENET-FP. Nous n’avons pas les données statistiques des autres structures. Le programme national d’éducation financière qui doit être mis en route dans le cadre de la SNIF et de la stratégie nationale d’éducation financière (SNEF) devrait permettre de coordonner l’ensemble des initiatives, de renforcer les programmes en direction des populations. Au niveau de l’éducation nationale, le conseil des ministres du 15 mai dernier qui a validé la mise en route de la SNIF, a validé de facto l’intégration de l’éducation sociale et financière dans les curricula.
Vu que vous n’avez pas d’informations en éducation financière dans les autres structures qui le font ou pas, cela ne rend t-il pas encore difficile l’évaluation du taux d’accès des populations à l’éducation financière en Côte d’Ivoire ?
Je pense que la mise en place du programme national d’éducation financière dans le cadre de la SNIF et de la SNEF devrait permettre de collecter des données des différentes initiatives en la matière afin de pouvoir évaluer régulièrement le niveau d’accès et de connaissances des populations en matière d’éducation financière.
Qu’est-ce que vous apportez concrètement aux populations sur le terrain pour qu’elles soient éduquées financièrement ?
Nous apportons des formations, du contenu élaboré. Nous avons une équipe qui travaille sur les contenus pour qu’ils soient adaptés aux besoins de ces populations. En termes de perfectionnement de connaissances, vous avez plusieurs catégories de populations qui n’ont pas les mêmes réalités, les mêmes besoins en éducation financière. L’agriculteur n’a pas, par exemple, les mêmes besoins en matière d’éducation financière qu’un fonctionnaire. Nos activités principales sont de former, éduquer et sensibiliser sur la finance personnelle.
La Côte d’Ivoire vient d’être nominée pour la quatrième fois de suite aux Awards de l’inclusion financière qui auront lieu en Afrique du sud, quelles sont les retombées après vos participations sur les populations ?
Premièrement, au niveau du pays, il y a un positionnement de l’image du pays. Reconnaître que la Côte d’Ivoire est le premier pays, au niveau de l’espace francophone, à monter sur les estrades de ces Awards. En deuxième point, nous pouvons dire que les connaissances et les contenus que nous diffusons sont certifiés. Et donc cela impacte positivement la vie sociale et financière des bénéficiaires. En juillet prochain, il y a d’ailleurs une mission de la BCEAO qui viendra à Abidjan pour partager l’expérience du PEF.
En 6 ans, depuis la mise en route du programme, quel bilan pouvez-vous faire de vos activités et quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?
Nous sommes satisfaits que notre activité soit reconnue non seulement sur le plan national, mais également sur le plan régional, et même mondial. En si peu de temps et sans moyens, puisque le programme n’a pas encore de dotation budgétaire, regardez les acquis. Mais cela n’occulte pas le fait qu’il faut continuer à travailler, il faut professionnaliser davantage le processus qui est lancé. Nous saluons l’avènement de l’APIF, l’existence d’une stratégie de l’inclusion financière qui va tracer les lignes. Ceci permettra de mettre les acteurs au travail pour que la Côte d’Ivoire à l’horizon 2024 soit un pays avec une population qui a accès à l’éducation financière, qui revisite sa relation avec les questions d’argent, qui possède une culture financière lui permettant d’améliorer sa vie sociale et financière en prenant des décisions avisées.
Alerte info/Connectionivoirienne.net
Commentaires Facebook