Hamsatou ANABO
Plus de deux semaines après la mise en service de la nouvelle salle d’abattage des bêtes de l’abattoir de Port-Bouet (sud d’Abidjan), le plus grand parc à bétail de la capitale économique, les bouchers boudent l’infrastructure mise à leur service dénonçant le coût élevé des prestations.
Le silence est pesant, aucun vendeur visible pour accoster les potentiels clients, assis sur des bancs et sur des brouettes pour certains, le regard dans le vide, impuissants face à la hausse décidée par les responsables de l’abattoir.
Pour exprimer leur mécontentement, les chevillards de l’abattoir ont décidé d’observer un arrêt de travail le 20 mai afin de « protester contre une hausse des taxes d’abattages des bêtes ».
Aux premières lueurs du jour, le brouhaha habituel laisse place à un silence de cimetière. Devant le nouveau bâtiment construit par l’Etat ivoirien, des centaines de personnes et des petits curieux s’étaient attroupés devant le local, sous la surveillance d’une trentaine membres de forces de l’ordre.
Arrêtés pour la plupart, ces chevillards, ne savent à quel saint se vouer. Ni le soleil de plomb, ni l’odeur du sang encore moins celle des excréments des bœuf, ne semblent être un frein à leur désespoir.
« Là je me retrouve sans emploi depuis plus d’une semaine, depuis quand on égorge mouton ou bœuf avec machine ? », s’interroge le chevillard Arouna Issa la trentaine, soutenant que « même les bouchers trouvent que ce n’est pas bien fait, c’est aussi une raison de la grève ».
« Bonjour monsieur, veuillez me présenter votre ticket svp avant de rentrer », demande un policier à Nassirou Aku, un Nigérian venu payer avant l’abattage de ses deux bœufs.
Dans les deux rangs formés, la vingtaine de personnes alignées en file indienne, quelques opérateurs s’impatientent et grognent, en attendant d’être reçus.
« Je suis arrêté depuis 5h30 (GMT et locale) et le rang n’avance pas du tout, le service est très lent », lâche Isidor Ouedraogo, selon qui « avant c’était rapide, j’avais déjà mon Haoussa qui égorgeait mon bœuf et mon mouton, non seulement c’est plus cher et plus lent », dit t-il tout énervé.
Devant la nouvelle salle d’abattage des agents de l’abattoir en blouse blanche, gants et des bottes, font sortir les têtes de quelques animaux déjà abattus.
« Avec cette nouvelle salle c’est plus professionnel, mais les gens ne comprennent pas les avantages », soutient sous couvert de l’anonymat un agent de l’abattoir, vêtu d’une blouse ensanglantée.
Au marché de l’abattoir d’Abidjan, seuls quelques bouchers sont assis devant leurs box, aucune viande, aucun client n’est visible.
Selon Celestin Kaboré, détaillant au marché de l’abattoir, « cela fait plusieurs jours que les grossistes ne nous approvisionnent plus en viande, ce week-end j’étais obligée de vendre la viande que je gardais au congélateur… le stock est épuisé maintenant donc je n’ai plus rien, tout tourne au ralenti ».
« L’Etat doit revoir cette décision, parce ce sont plusieurs personnes qui se retrouvent au chômage, la pénurie de la viande se fait sentir déjà sur les marchés de la capitale », indique son voisin Ichola Iba.
Il confie que « tant que l’Etat n’a pas baissé les taxes, on ne va pas abattre nos bêtes dans cette salle, il y aura des énormes conséquences sur les marchés, les prix vont passer du simple au double, mais aussi il n’y aura pas de quantité suffisante ».
Venue s’approvisionner en viande, et queue de bœuf, la restauratrice Alida Kouamé, rentre à la maison bredouille.
« Je préfère faire mon marché ici, la viande est plus fraîche mais aussi moins chère, mais depuis quelques jours il y a plus rien ».
Dans plusieurs marchés de la capitale économique, le kg de la viande a connu une légère hausse, passant de 2.400 à 2.600 voir 2.800 FCFA.
Selon le président de la Fédération nationale des coopératives de la filière bétail-viande (FENACOFBVI-CI) Ibrahima Cissé, « le manque de volonté de discuter de l’Administration a endurci le problème », évoquant « une augmentation de 19.000 FCFA.
« Aucune mesure d’augmentation de taxe n’a été prise », a expliqué dans un communiqué, le ministère des Ressources animales.
« Une chose est sure, nous ne reprendrons pas le travail, tant que les taxes ne seront pas à la baisse, advienne que pourra », lance un boucher.
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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