220 Logements commune d’Adjamé: Des tours sans ascenseurs depuis 27 ans

Anthony Bléoué arrive à l’immeuble, un peu essoufflé. Il vient de parcourir 400 mètres à pied sous ce soleil de plomb qui surchauffe Abidjan.

Il vient rendre visite à son camarade qui réside au 7e étage. Au rez-de-chaussée du bâtiment, où nous sommes depuis une demi-heure, il y a de l’ombre et un petit vent frais qui s’échappe, comme la tramontane soufflant depuis les reliefs pyrénéens. Comme par hasard, l’immeuble s’appelle Tramontane. C’est l’un des cinq grands bâtiments qui surplombent le quartier d’Adjamé-220 Logements.

Anthony en profite pour respirer un grand coup et se permettre de fumer une clope. « Oufff », lâche-t-il, décontracté. Mais ce bien-être qu’il ressent va être de courte durée ; le jeune homme est de nouveau préoccupé. En effet, après avoir marché sous ce soleil accablant, inhalé les gaz d’échappement et subi les klaxons assourdissants des véhicules sur le chemin, un autre challenge non moins important l’attend : monter jusqu’au septième étage chez son ami.

A pied. Une dizaine de minutes s’est écoulée, il a bien repris son souffle, il doit maintenant y aller. Mais il hésite. Et s’interroge : « Est-ce que ça vaut vraiment la peine de monter ? » On sent qu’il a bien envie de monter voir son ami qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Mais quand il imagine ce que ça impliquera de sa part comme effort physique, il se décourage et choisit d’appeler.

A son grand dam. En fait, l’immeuble Tramontane a son ascenseur qui n’est plus fonctionnel depuis plusieurs années. « Je suis venu voir mon ami que j’ai perdu de vue depuis longtemps. Ma maison est à une douzaine de minutes de marche d’ici. Honnêtement, je ne pourrai pas monter toutes ces marches jusqu’à arriver chez lui. Finalement, je crois que je vais l’appeler », balance-t-il, un peu énervé. Ainsi, la visite se transformera en un simple coup de fil.

Une souffrance qui dure 27 ans

A Tramontane, l’escalier est la seule option pour accéder aux différents appartements. C’est la même situation, comme nous avons pu le constater, dans les quatre autres tours, ainsi que dans bien d’autres bâtiments à Abidjan qui sont censés avoir un ascenseur fonctionnel. Ce, conformément à la règlementation en Côte d’Ivoire en matière d’habitat qui stipule que tout bâtiment de plus de quatre étages doit avoir un ascenseur.

Ici à Tramontane, nous apprend-on, cela fait 27 ans que l’ascenseur est HS (hors service Ndlr). « J’ai 25 ans cette année et c’est dans ce quartier que je suis née et ai grandi. Je n’ai jamais goûté à notre ascenseur, puisqu’à ma naissance, il ne fonctionnait plus déjà. Quand je finis les cours, je reste longtemps dehors, pour faire tout ce que j’ai à faire avant de monter. Parce qu’une fois à la maison, je ne descends plus. Ce n’est vraiment pas facile. Vivement, qu’on nous aide à régler ce problème ! », appelle Erica Koffi, une étudiante qui réside dans l’immeuble juste à côté.

C’est la tour Ouragan. « Je crois que c’est depuis 1992 qu’il s’est arrêté. Comme la Tramontane », renchérit brièvement un autre résident du même bâtiment qu’Erica. C’est dans la même période, ajoute-il, que les ascenseurs des quatre trois tours du bloc, à savoir Sirocco (12 étages), Alizé (12 étages) et Harmattan (11 étages) ont commencé à être défaillants.

Aujourd’hui, aucun de ces cinq immeubles, formant autrefois le fleuron d’Adjamé, n’a d’ascenseur qui fonctionne. Précisons qu’elles ont été construites en 1972 et appartenaient auparavant à la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi).

Faustin Ehouman
Fratmat.info

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