Le Sens de l’Appel du Leader Guillaume Soro à la neutralité républicaine de la Gendarmerie Nationale de Côte d’Ivoire
Une analyse du Professeur Franklin Nyamsi Wa Kamerun
Lors de son allocution de fin de tournée à Niakara le 7 mai 2019, dans le nord de la Côte d’Ivoire, le Président du Comité Politique Guillaume Kigbafori Soro, a marqué d’une pierre blanche, son propos du jour en adressant un message ouvert et clair à la Gendarmerie Nationale, et notamment à son Commandant Supérieur actuel, le Général Touré Apalo. IL nous semble crucial de le méditer.
Transcrivons donc d’abord les propos du Président Guillaume Soro, avant d’en donner une interprétation féconde, afin que nul n’en ignore :
« C’est pourquoi je veux en profiter pour parler de la question de la sécurité en Côte d’Ivoire. Et je veux qu’on note. Moi, je suis un Ivoirien. Je suis fils de ce pays. J’ai été à de hautes fonctions de l’Etat de Côte d’Ivoire. J’ai été Ministre d’Etat, monsieur le Commandant de Brigade, j’ai été Premier Ministre, j’ai été Ministre de la Défense, j’ai été Président de l’Assemblée Nationale. J’ai assumé toutes mes fonctions, si on veut cumuler les années, où j’ai assumé les hautes fonctions de l’Etat, cela fait beaucoup. C’est pourquoi je me permets, par acquis d’expérience, de passer un message à la Gendarmerie Nationale, pour que vous transmettiez çà au Général Touré Apalo, Commandant Supérieur de la Gendarmerie, fils de Niakara. La Gendarmerie Nationale de Côte d’Ivoire, malgré les crises les guerres, les différents commandants supérieurs de la Gendarmerie se sont battus pour que la Gendarmerie reste une institution neutre, régalienne qui travaille la sécurité de l’Etat de Côte d’Ivoire. L’Etat de Côte d’Ivoire s’entendant au sens de ceux qui sont au pouvoir et de ceux qui sont dans l’opposition. La Gendarmerie Nationale n’a pas le droit de faire de la politique. La Gendarmerie Nationale ne doit pas être dans un camp. La Gendarmerie Nationale doit rester collée, attachée à ses missions régaliennes. Je le dis, c’est important. Donc la Gendarmerie Nationale n’a qu’à quitter dans la politique, la Gendarmerie n’a qu’à laisser les politiciens faire la politique. Dites çà à Apalo de ma part, il sait où on se connaît, il sait où on s’est vus. »[1]
Ce propos du Président du Comité Politique comprend en réalité quatre axes : la question sécuritaire nationale ; l’expérience l’Etat de Guillaume Soro ; les faux complots en cours sous l’inspiration du régime RHDP du Président Ouattara ; la vraie fonction régalienne de la Gendarmerie Nationale ; les souvenirs personnels qui lient le Président Guillaume Soro et le Général Touré Apalo. Nous tentons d’en décrypter à présent les arcanes.
La question sécuritaire
Bien comprendre ces mots puissants du Président Guillaume Soro, c’est d’abord comprendre que la sécurité a toujours été le point faible des Institutions Ivoiriennes en temps de dérive dictatoriale. Chaque fois qu’un régime a voulu confisquer le pouvoir en Côte d’Ivoire, il s’est empressé d’instrumentaliser les gendarmes et militaires. Souvenons-nous, l’usage disproportionné de la force par le Gouvernement du Premier Ministre Alassane Ouattara le 18 février 1992 contre l’Opposition Ivoirienne d’alors. Ce jour-là, l’armée et la gendarmerie servirent à battre, blesser, incarcérer et traumatiser l’opinion publique ivoirienne, jusque dans les campus de la jeunesse universitaire d’alors. Souvenons-nous du coup d’Etat de 1999, lorsque devant l’allégeance aveugle du Chef de la Gendarmerie d’alors au Président, une partie de l’armée se rebelle et renverse, au profit du Général Guéi Robert, le Président Bédié, réélu en 1995 dans une élection boycottée par l’écrasante majorité de l’opposition ivoirienne. Souvenons-nous qu’en 2000, sous la junte du Général Guéi, les brigades Boya Yapi, au service du Général sèment la terreur dans le pays, et dressent rapidement, avec le faux débat du « et » et du « ou », une partie de la gendarmerie contre le Général, et au profit du FPI qui fait tomber Guéi au terme d’une élection calamiteuse en fin octobre 2000. Souvenons-nous de l’instrumentalisation d’une partie de la Gendarmerie ivoirienne, responsable d’assassinats de la population civile, notamment lors de l’affaire du Charnier d’Abobo, et de l’implication révélée de cette gendarmerie en 2004 dans l’Opération Dignité du régime Gbagbo qui coûtera la vie à des dizaines de gendarmes à Bouaké. De triste mémoire.
Tout ceci suffira à montrer que quand la Gendarmerie Nationale Ivoirienne, dont la devise est « Pro Patria, Pro Lege » , « Pour la Patrie, Pour la Loi » bascule à l’écart de la Loi et oublie sa fonction régalienne de protection de l’ensemble des institutions de l’Etat et des institutions légales et légitimes de la société civile, c’est la Patrie ivoirienne qui est ainsi livrée en pâture aux pires aventures. De même, quand la Gendarmerie Nationale se met au service d’une partie des Ivoiriens, contre d’autres Ivoiriens, elle expose le pays à l’implosion.
L’expérience de l’Etat de Guillaume Soro
Celui qui s’adresse ainsi aux Gendarmes Ivoiriens et notamment à leur Commandant Supérieur, est l’un des Ivoiriens les mieux placés pour savoir ce dont il parle. Aucune fonction de l’Etat de Côte d’Ivoire n’a de secret pour Guillaume Soro. Opposant politique et syndicaliste ? IL le fut dès les plus tendres années de sa jeunesse : il connaît les affres de la résistance contre les pouvoirs abusifs, il connaît les ruses des arrogants de l’heure et l’intelligence des survivants sous nos tropiques. Versé dans les questions sécuritaires et militaires ? Guillaume Soro bénéficie ici aussi d’une solide expérience : Chef de la résistance militaro-politique ivoirienne de 2001 à 2007, Guillaume Soro et ses compagnons du MPCI et des Forces Nouvelles ont dû sacrifier sang, sueurs, larmes et vies, pour obtenir la fin de la discrimination de l’Ivoirien par l’Ivoirien, le rééquilibrage du rapport de forces politiques dans ce pays, la renaissance en 2010 d’une espérance démocratique que le second mandat du Président Alassane Ouattara est malheureusement en train de décevoir gravement, comme je l’ai montré dans mon ouvrage Dérive dictatoriale en Côte d’Ivoire (2019, Paris-Saint-Ouen, les Editions du Net)[2]. Ministre, ministre d’Etat, Président de l’Assemblée Nationale ? Guillaume Soro l’aura été sans discontinuer de 2002 à 2019, soit pendant 17 années pétries d’expériences, de réalisations incontestables, au rang desquelles l’identification de plus de 6 millions d’ivoiriens, l’organisation des audiences foraines, l’organisation des élections présidentielles cruciales de 2010, la réunification des armées belligérantes de Côte d’Ivoire, la restauration de l’autorité de l’Etat sur tout le territoire ivoirien, la modernisation et la redynamisation sans précédent du Parlement Ivoirien et de la Communication politique en Côte d’Ivoire. C’est du fond de cette expérience d’homme d’Etat que Guillaume Soro parle au général Touré Apalo devant ses parents de Niakara. Des commandants supérieurs de la Gendarmerie, Guillaume Kigbafori Soro en aura vu et en aura commandé plusieurs. Et c’est en connaissance de cause qu’il invite celui qui assume cette charge aujourd’hui de bien se réfugier derrière la seule ligne de conduite qui vaille : la défense neutre de la Patrie et le respect scrupuleux de la Loi, en toute impartialité.
La vraie fonction de la Gendarmerie Ivoirienne
Le Président Guillaume Soro a bel et bien parlé de fonction régalienne. C’est-à-dire, un dévouement aux fonctions de sécurité intérieure et extérieure de l’Etat, tout comme au maintien de l’ordre public. Indépendamment des régimes qui se succèdent dans l’exercice du pouvoir. Militaires parmi les mieux formés de Côte d’Ivoire, les gendarmes ivoiriens ne peuvent pas devenir les vaguemestres banalisés des sales besognes de certains hommes politiques sans que la Côte d’Ivoire entière ne s’en alarme.
Peut-être faut-il rappeler en détail pour la gouverne de tous les Ivoiriens, et non pas seulement de la Gendarmerie et de son Chef actuel, la fonction régalienne de la Gendarmerie Nationale Ivoirienne ? Nous lisons ceci, sur un site renseignant sur les missions des 15000 hommes placés sous le Commandement du Général Touré Apalo :
« En Côte d’Ivoire, la gendarmerie nationale est une force armée chargée des missions de police et placée sous la tutelle du ministère de la Défense.
Les gendarmes sont habituellement chargés de la sécurité dans les zones rurales et dans les zones périurbaines, tandis que la police nationale est chargée des zones urbaines. Les deux forces ont ainsi chacune une zone de responsabilité propre.
La gendarmerie assure des missions diverses qui font sa spécificité :
-des missions judiciaires : constatation des infractions, recherche et interpellation des auteurs d’infractions à la loi pénale, enquêtes judiciaires.
-des missions administratives : sécurité publique, maintien de l’ordre, assistance et secours, circulation routière,
-des missions militaires : police militaire, prévôté et opérations extérieures. »[3]
D’où vient-il alors que l’implication de la Gendarmerie Nationale réapparaisse dans la kyrielle de faux complots qui traverse de nouveau la Côte d’Ivoire depuis que le régime RHDP du Président Ouattara a décidé de violer la Constitution en vue d’un aventureux projet de 3ème mandat, de refuser la réforme consensuelle de la CEI, de détruire le pluralisme politique en Côte d’Ivoire ? C’est donc encore la mémoire de la nation qui semble vaciller, si les mêmes erreurs doivent se répéter.
Les Souvenirs personnels entre le Président Guillaume Soro et le Général Touré Apalo
Guillaume Soro ne conclut pas par hasard son mot à la Gendarmerie par l’évocation de souvenirs personnels qui le lient à l’Officier Touré Apalo.
« La Gendarmerie Nationale doit rester collée, attachée à ses missions régaliennes. Je le dis, c’est important. Donc la Gendarmerie Nationale n’a qu’à quitter dans la politique, la Gendarmerie n’a qu’à laisser les politiciens faire la politique. Dites çà à Apalo de ma part, il sait où on se connaît, il sait où on s’est vus. »
Chef du Parlement pendant 7 ans, Chef du Gouvernement pendant 5 ans, Ministre et Ministre d’Etat pendant 5 ans, Chef de la Résistance militaro-politique contre l’exclusion de l’Ivoirien par l’Ivoirien dès 2001, le Général Touré Apalo connaît le Camarade Bogota dans le feu de l’action au service de la renaissance de ce pays. IL se souviendra du sens du sacrifice, de la responsabilité et du Devoir qui aura animé Guillaume Soro aux heures les plus périlleuses de l’Histoire nationale des 20 dernières années. En appelant l’Officier à convoquer sa propre mémoire, Guillaume Soro veut sans doute l’exhorter à avoir la plus sacrée, la plus haute et la plus juste conscience du Grand Devoir qui s’impose désormais à Lui, Touré Apalo : ne point associer la Gendarmerie nationale à des montages de faux complots, à des accusations de coups d’Etat-bidons comme celui que le régime Ouattara tenta d’inventer contre le ministre plénipotentiaire Koné Kamaraté Souleymane, croyant ainsi pouvoir se débarrasser de son Leader Guillaume Soro. Ne point associer la Gendarmerie Nationale à des arrestations ubuesques de députés, pourtant protégés par l’immunité que leur confère l’article 94 de la Constitution. Ne point associer la Gendarmerie Nationale au harcèlement physique et psychologique de l’Opposition, des médias, des intellectuels, des citoyens, au risque d’en faire une force anti-nationale et détestée par le Peuple. Ne point associer la Gendarmerie nationale à des montages de faux dépôts d’armes, pour inventer des accusations fantasmagoriques de rébellion armée contre l’Opposition Politique, sous peine de discréditer durablement ce corps pourtant utile à la sérénité des Ivoiriens. Les régimes politiques passent, la Gendarmerie Nationale demeure !
Comment conclure autrement cette analyse qu’en redonnant la parole à Guillaume Kigbafori Soro lui-même ? Ses mots, clairs, simples et nets, resteront gravés dans la conscience historique de ce temps :
« La Gendarmerie Nationale doit rester collée, attachée à ses missions régaliennes. Je le dis, c’est important. Donc la Gendarmerie Nationale n’a qu’à quitter dans la politique, la Gendarmerie n’a qu’à laisser les politiciens faire la politique. Dites çà à Apalo de ma part, il sait où on se connaît, il sait où on s’est vus. »
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