Bureau de l’Assemblée en Côte-d’Ivoire: Ce qui s’est passé entre Rhdp et opposition

Un compte rendu de Olivier Dion in L’Intelligent d’Abidjan

Les députés des groupes parlementaires de l’opposition, PDCI-RDA, Rassemblement et Vox populi n’ont pas pris par au vote du bureau de l’Assemblée nationale, le lundi 6 mai 2019.

Le contexte de l’élection des 27 membres du bureau de l’Assemblée nationale a été présenté par l’honorable Yasmina Ouégnin, vice-présidente du groupe parlementaire Vox populi : « C’est à la surprise générale que les député des groupes parlementaires Vox populi, Rassemblement et PDCI-RDA ont constaté que la presse a été invitée à sortir de la galerie. Cette séance n’était pas censée être une séance à huis-clos, cela n’a été indiqué nulle part. Je rappelle à tous nos concitoyens que les séances à l’Assemblée nationale sont publiques, et que tout citoyen lambda peut y assister.

Nous nous sommes retrouvés à 14 heures dans la salle de l’hémicycle, où la climatisation avait été suspendue. C’était donc un contexte surchauffé et même surchauffant. Après 35 minutes d’attente, l’appel nominal a été fait. 215 députés étaient présents. Le président de l’Assemblée nationale a procédé à la lecture de l’ordre du jour qui appelait un point unique : l’élection du bureau de l’Assemblée nationale. Il nous a demandé si nous avions des observations. Nous avons voulu lui faire part de nos observations en prenant le soin de lui rappeler le Règlement de l’Assemblée nationale, en son article 8, mais aussi la Constitution en son article 100 qui stipule : ” L’opposition parlementaire dispose de droits qui lui garantissent une représentativité adéquate et effective dans toutes les instances du parlement”.

Je n’ai pas voulu de cette Constitution, mais elle s’impose à moi et je la respecte dans tous ses articles, à commencer par l’article 100. Je suis étonnée de voir que ce sont les groupes parlementaires qui ont défendu bec et ongle la Constitution, qui prennent aujourd’hui sur eux de la violer. Nous avons demandé au président Amadou Soumahoro de poursuivre les consultations, et de suspendre cet ordre du jour qui est en violation avec les textes de l’Assemblée nationale. Il a refusé et a décidé que l’ordre du jour était adopté.

Séance tenante, les députés des groupes parlementaires PDCI-RDA, Rassemblement et Vox populi ont entonné, debouts, l’hymne national, pendant que les députés du RHDP, y compris le président lui-même, ont refusé de se lever. Ils ont attendu que nous finissions pour, à leur tour, entonner l’hymne national. Mais en bons patriotes et en bons républicains que nous sommes, nous nous sommes levés pour les accompagner. C’est après cela que nous avons quitté la salle ».

[ LES POINTS D’ACHOPPEMENT ENTRE LES DÉPUTÉS ]
La déclaration des trois groupes parlementaires (PDCI-RDA, Rassemblement et Vox populi) a été lue par le député de Daoukro, Olivier Akoto, porte-parole du groupe parlementaire PDCI-RDA.
Dans cette déclaration, les groupes parlementaires de l’opposition reviennent sur les points d’achoppement entre eux et leurs collègues du RHDP, en ce qui concerne l’élection des membres du bureau de l’Assemblée nationale dont le mandat est d’un an renouvelable. Ils relèvent aussi les agissements du président Amadou Soumahoro, “en contradiction avec l’esprit et la lettre du Règlement de l’Assemblée nationale”.

Le bureau, selon Olivier Akoto et conformément à l’alinéa 2 de l’article 8 du Règlement de l’Assemblée nationale “doit être le reflet de la configuration politique de l’Assemblée nationale”.
« Cette règle, a-t-il poursuivi, est impérative et a pour but d’imprimer au bureau, un caractère inclusif qui le légitime dans sa prise de décision. Pour éviter des blocages dans la mise en œuvre de ce principe, l’article 8 de notre Règlement impose que des consultations soient menées entre le président de l’Assemblée nationale et les groupes parlementaires afin de s’accorder sur la liste consensuelle de candidats correspondants aux nombres de postes à pourvoir pour chaque catégorie de fonction.
Cette règle a été constamment appliquée par toutes les personnalités qui se sont succédé à la présidence de notre Institution. Le président actuel de l’Assemblée nationale qui a participé à la mise en place de tous les bureaux, sous la présidence de Guillaume Soro, en sa qualité de président du groupe parlementaire RDR, ne peut méconnaître cette règle impérative et les procédures de sa mise en œuvre (…)

Le groupe parlementaire PDCI-RDA s’est vu proposer un poste de vice-président, un poste de questeur et deux postes de secrétaires, alors qu’avec 68 députés représentant 27% de l’ensemble des députés, le groupe parlementaire PDCI-RDA s’estime en droit de se voir attribuer trois (3) postes de vice-présidents, un poste de questeur et trois (3) postes de questeurs.
Le président de l’Assemblée nationale a proposé à chacun des groupes parlementaires Rassemblement et Vox populi, un poste de secrétaire, alors qu’avec 16 députés pour le premier, soit 6% et 10 députés pour le second, soit 4% de l’ensemble des députés, il devrait leur être attribuer un poste de vice-président pour chacun en plus de celui de secrétaire ».
Selon Olivier Akoto, les trois groupes parlementaires qui représentent 37% de l’Assemblée nationale “ne sauraient se contenter de six (6) postes sur les 27 que compte le bureau”.

[ MENACES D’EXCLUSION DE DÉPUTÉS COOPTÉS PAR AMADOU SOUMAHORO ]

Les membres des groupes parlementaires PDCI-RDA, Rassemblement et Vox populi, à qui s’est joint Pascal Affi N’guessan, ont mis en garde les députés de leurs groupes parlementaires qui auraient été cooptés par le président de l’Assemblée nationale pour faire partie du bureau. « Ils seront exclus des groupes et partis concernés, parce qu’ils figureraient dans ce bureau à titre personnel parce qu’ils n’ont pas été dûment désignés », ont-ils prévenu.

Martin M’bolo, président du groupe parlementaire Vox populi a estimé que le bureau de l’Assemblée nationale est un organe important pour se permettre que les groupes parlementaires de l’opposition n’y soient pas représentés : « Notre rôle est de siéger, nous ne boycottons pas la personne du président de l’Assemblée nationale. Il s’agit de notre Institution, nous sommes contre le fait qu’il y a des violations graves de nos lois et de notre Constitution. En tant que légalistes, nous ne pouvons pas accepter cela. Mais cela ne nous empêche pas de prendre part aux travaux de l’Assemblée nationale. Nous n’avons pas forcément besoin de postes dans le bureau, ou dans les commissions avant de participer effectivement aux travaux des commissions ».

[ ABDOULAYE BEN MÉITÉ, DÉPUTÉ DE KANI COMMUNE ET SOUS-PRÉFECTURE : “LA DÉMOCRATIE A TRIOMPHÉ” ]

Des députés favorables à ce qui s’est passé ont donné leur avis. Ainsi en est-il de Abdoulaye Ben Méité, député de Kani commune et sous-préfecture, qui a estimé que la démocratie a triomphé.

« Nous venons d’épuiser l’ordre du jour de cette séance. Il s’agissait d’un point portant élection du bureau de l’Assemblée nationale. Au terme des textes qui régissent notre Institution, notamment le Règlement intérieur, le bureau de l’Assemblée nationale, à l’exclusion du Président de l’Assemblée nationale, est élu pour une année renouvelable.
Après la démission de l’ex-Président , l’Assemblée nationale s’est dotée d’un nouveau président M. Amadou Soumahoro. Après son élection, il était important de réfléchir à la reconduction, ou à la modification du bureau de l’Assemblée. Nous avons été convoqués pour une séance plénière. Il s’agissait pour les députés de se prononcer sur la proposition qui a été faite par le président de l’Assemblée nationale quant aux membres devant composer le bureau de l’Assemblée nationale.
Sur 154 votants, il y a eu 151 voix en faveur de la proposition qui a été faite par le président de l’Assemblée nationale, trois (3) voix contre. La séance s’est déroulée dans un esprit démocratique. Au-delà de tout ce qu’on peut dire qui résulterait d’une fébrilité politique, la démocratie a triomphé », a-t-il noté.

[ LE DERNIER MOT REVIENT AU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ]

Selon Frégbo Basile, désormais vice-président élu de l’Assemblée nationale, le dernier mot, en la matière, revient au Président de l’Assemblée nationale.
« On peut aller à la consultation, mais le dernier mot revient au président de l’Assemblée nationale. Nulle part, ni dans les textes de l’Assemblée nationale ni dans la Constitution on parle de proportionnalité. Le législateur a été très précis. C’est par rapport aux régionales et aux municipales qu’on parle de proportionnalité, mais il n’a pas prévu de proportionnalité par rapport à la mise en place du bureau de l’Assemblée nationale. Le reflet de la configuration de l’Assemblée nationale ne veut pas dire qu’une partie des membres du bureau devrait être proportionnelle à un groupe quelconque. Je ne dirai pas que ceux qui ont boycotté sont mal fondés, mais c’est une méprise des textes de l’Assemblée nationale. Sinon, le groupe parlementaire PDCI-RDA auquel j’appartenais à la législature 2000-2010 aurait eu plus de membres dans le bureau de l’Assemblée nationale que le FPI et le RDR, puisque nous étions 98 », a commenté le nouveau vice-président, et ex Président de commission.

Un compte rendu de Olivier Dion
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