Depuis quelques temps, la filière de l’anacarde, la principale culture de rente du grand Nord, est entrée en crise. Les producteurs sont partagés entre doute et déception. Leur déception peut bien se comprendre puisque la commercialisation de ce produit a fait partie des points essentiels du message de propagande qui a servi de moyen de conquête, y compris par les armes, du pouvoir d’Etat. La question de l’anacarde a été le levain qui a enflé l’orgueil des populations du nord et les a rendues très sensibles au discours démagogique qui a véhiculé sur leur exclusion. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, je suis avec attention la tournée politique de monsieur Soro Guillaume dans le département de Dabakala et qui doit s’étendre aux autres localités de la région du Hambol, qui comprend les départements de Dabakala, Katiola et Niakara. Cette tournée suscite en moi une curiosité notamment en ce qui concerne cette question de l’anacarde. Pour parler trivialement, la personne qui mène cette opération de séduction en direction des populations du Nord n’est pas n’importe qui. Ayant revendiqué la paternité officielle de la rébellion de 2002, qui avait pris le contrôle de tout le septentrion ivoirien pendant environ une décennie, il en était alors le quasi-Chef d’Etat. Il a aussi eu le talent assez inédit d’être le chef de deux gouvernements consécutifs que tout opposait. Enfin, il a été le Président de l’assemblée nationale sur une législature et demie. Il est surtout fils du nord et c’est l’unique raison qui lui a valu d’ailleurs de connaître un tel parchemin. Son retour sur le territoire de son ancien « Etat » constitue, à n’en point douter, une curiosité.
En revanche, plus qu’une simple curiosité, la réaction du gouvernement ivoirien sur la déconvenue de la filière anacarde mérite que l’on l’y accorde un grand intérêt. L’intérêt réside, en particulier, dans le fait que cette déconvenue a lieu sous le régime actuel dont l’idéologie fondamentale se résume au salut qu’il fallait apporter à la région du nord « exclue » du développement par les différents pouvoirs qui l’ont précédé. A cette fin, il s’est appuyé sur toute la compétence de monsieur Soro Guillaume avec lequel ledit régime a sous-traité une rébellion armée. Il y a donc un lien très fort de complicité entre l’ancien chef rebelle officiel et le régime actuel que l’antagonisme qui les oppose actuellement ne peut dissoudre dans la conscience nationale. Cet antagonisme donne un accent particulier à leurs opinions sur tout ce qui touche le Nord de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi, leurs regards croisés sur la filière anacarde retiennent toute mon attention. A la lumière de leurs actes et discours sur cette filière, il en ressort que le dol excessif, comme instrument de manipulation des masses, tout en desservant en définitive lesdites masses, se retourne toujours contre son ou ses auteurs. Il en va ainsi de la question de l’anacarde au Nord. Elle a fait l’objet d’enchères politiques qui ont finalement fragilisé l’économie du Nord tout en décrédibilisant le gouvernement alors que de nombreuses solutions alternatives existent pour sortir cette région de la misère structurelle dans laquelle vivent les populations.
I. La culture de l’anacarde, un exemple de surenchères politiques
En 2002, pendant la campagne électorale des conseils généraux, le FPI a dépêché certains membres du gouvernement pour porter mainte forte à ses candidats dans les régions difficiles. Le département de Katiola, à l’instar de tout le nord, faisait partie de ces zones réputées très hostiles au parti. L’instrumentalisation de la conscience des masses autour d’une prétendue exclusion du nord avait touché le cœur du grand nord. Le film « Côte d’Ivoire : poudrière identitaire » d’un ressortissant Belge, magicien des images, avait mis la région sous tension. Les populations bouillonnaient de haine contre le Président Laurent GBAGBO et son gouvernement, arrivés au pouvoir moins de deux ans. Pour venir soutenir notre liste, le parti avait dépêché la ministre Ohochi Clotilde. Au cours de l’un des meetings, un chef de village déclara : « les gens du Sud nous méprisent à cause d’un arbre. Nous avons maintenant notre arbre et bientôt nous serons riches comme eux ».
Je m’étais retenu de traduire cette phrase à madame la ministre parce que j’en étais moi-même dérangé. Dans la foule, une personne répondit au Chef en ces termes « je ne vois pas en quoi les gens du Sud nous méprisent. D’ailleurs toutes les maisons bâties en ciment de ce village dégagent l’odeur du cacao ». Ce dialogue insolite avait fait ressortir les limites et les dangers de l’économie ivoirienne. L’économie de « l’arbre », héritée de la colonisation, fragilise l’économie générale de notre pays. Ce dialogue m’avait également aidé à comprendre le regain d’intérêts des populations du Nord pour la culture de l’anacarde qui était restée dans l’abandon plusieurs décennies. Quelques plantations d’anacarde existaient déjà au nord très longtemps avant les années 90. Mais elles étaient en état d’abandon. Le jus laiteux de son fruit était apprécié pour étancher la soif et couper la faim des élèves qui étaient punis à rester à l’école à midi pour n’avoir pas réussi leur exercice d’aritmétie que les instituteurs se plaisaient à placer à 11h45. Ceux-ci profitaient de l’absence du « maître » pour aller, en catimini, dans les champs d’anacarde qui jouxtaient l’école pour en cueillir les fruits et boire le jus. On les reconnaissait par l’aspect zébré de leur uniforme kaki suite à l’écoulement de ce jus particulièrement salissant. Le boom de la culture de l’anacarde des années 90 me surprenait donc. Suite aux lectures que j’ai faites sur l’économie de cette culture, J’ai appris que l’anacarde a un marché très restreint. Le plus gros marché de ce produit reste l’Inde et le Vietnam. L’inde en est même le produit producteur mondial. L’inde se déploie à l’international pour acheter le complément de sa consommation que sa production interne ne peut satisfaire. Dans le milieu des années 90, deux faits majeurs ont accru l’intérêt commercial de l’anacarde. Une grande sécheresse avait touché la partie tropicale de l’Inde et avait entrainé des feux de brousse qui avaient consumé des milliers d’hectares d’anacarde. Ce fait, combiné avec l’essor économique de L’inde, avait contraint ce pays à se tourner vers l’extérieur pour se procurer le supplément d’anacarde nécessaire à sa consommation.
Pendant ces années, le Vietnam, qui avait réussi à soigner ces blessures des deux guerres de décolonisation, offrait un marché émergeant important de l’anacarde. L’offre était très faible par rapport à la demande. Les prix de l’anacarde prirent s’ascenseur. Les populations du nord avaient trouvé enfin leur « arbre ». Elles se ruèrent sur cette culture abandonnant, pour beaucoup d’entre elles, la culture des produits vivriers. L’Etat ivoirien, lui aussi, y trouva la parade pour contenir le flux migratoire des populations vers l’ouest forestier devenu le nouveau cœur de l’économie cacaoyère. Il ferma les yeux sur cette poussée dangereuse de cette culture. Aucune planification n’est faite. En si peu de temps, la Côte d’Ivoire se hissa au premier rang africain de la production de l’anacarde. La fièvre « anacardière » s’empare, par effet de contamination, d’autres pays de la sous-région. Le Ghana, le Togo, le Bénin, la Guinée Bissau, etc. s’y mettent. Devant l’étroitesse du marché, la production surabonde. Les prix chutent s’ils ne fluctuent pas exagérément d’une année à une autre. Or, en Côte d’Ivoire, la référence de l’économie de rente reste le cacao. Les paysans du Nord, qui rêvaient de devenir riches comme leurs collègues du Sud, déchantent. Les apprentis sorciers de la politique ivoirienne décident de tirer profit du désarroi des populations du Nord. L’anacarde devient un sujet de propagande politique qui se nourrit de l’idéologie de l’exclusion du nord, idéologie qui va justifier selon ses défenseurs, la rébellion armée des années 2000. L’argument est à la fois faux, méchant et dangereux. Il se résume à ceci : « le prix de l’anacarde est bas parce que les différents gouvernements de Bédié, à Gbagbo sont contre les gens du nord. Si un fils du nord arrive au pouvoir, il achèterait le kilogramme à au moins 1000 CFA ». L’argument fait mouche. Les populations se laissent gagner par cette propagande. Pour contrer la propagande, les différents régimes incriminés tentent de maintenir un prix d’achat déraisonnablement élevé par rapport aux cours internationaux. Les pouvoirs jouent sur une minoration de certaines taxes à l’exportation de ce produit. Mais ils ne peuvent pas atteindre, à l’évidence, les prix que les propagandistes annoncent s’ils arrivent au pouvoir. Tous les efforts de ces gouvernements sont jugés insuffisants parce que le référent reste le cacao. Or il faut être animé d’une mauvaise fois à nulle autre pareille pour comparer l’économie cacaoyère à l’économie de l’anacarde. Non seulement le marché du cacao est plus large que celui de l’anacarde, mais mieux encore, il est plus diversifié. Les industries qui dérivent du cacao sont plus fournies que celles qui s’alimentent de l’anacarde. Par conséquent, ces deux produits ne peuvent avoir le même rayonnement économique. Comme il fallait s’y attendre, la propagande s’invite dans l’antagonisme entre les alliés d’hier. Soro Guillaume, dans ces tournées, embouche le clairon utilisé dans les années 2000. Il demande aux populations du nord d’exiger du gouvernement le prix d’achat de 1000 F CFA le kilogramme comme promis pendant la période de propagande. Opération impossible. Le gouvernement a réduit le DUS qui frappe ce produit de l’ordre de 30%, espérant ainsi faire gagner la part de ses recettes abandonnées aux paysans. Pour mémoire, alors que ce DUS était de 10 f le kg sous le régime GBAGBO, le régime de Ouattara en fait une taxe ad valorem dont le taux est fixé à 10% de la valeur CAF. Même en réduisant le taux de 30%, ce DUS reste encore plus fort que les 10 FCFA appliqués sous le régime GBAGBO. Cette réduction n’a pas atteint l’objectif escompté qui était d’impacter positivement le prix d’achat aux paysans. Le gouvernement, par la bouche du ministre Bruno KONE, demande alors aux populations de se « débrouiller » seules devant les acheteurs sur le terrain pour faire respecter le prix d’achat fixé pour la campagne. Mauvaise solution pour un diagnostic mal posé. L’anacarde ne peut sauver le nord. La propagande peut servir la politique pour temps très bref, mais toute la politique ne peut se résumer à la propagande. La mauvaise foi se retourne toujours contre celui qui en abuse. Il existe des solutions plus intéressantes et plus viables pour assoir une économie plus élaborée au Nord.
II. Il faut reformer l’économie du Nord
Il n’existe nul pays au monde dont l’économie est structurellement et naturellement d’égalité parfaite sur toute l’étendue du territoire. Il appartient à l’Etat d’opérer la péréquation de la richesse nationale par les différents mécanismes dont il dispose. Certains de ces mécanismes sont la politique budgétaire, la fiscalité et l’administration générale du territoire. C’est pourquoi, j’ai toujours rejeté, et je reste encore dans cette position, l’idée d’une politique intentionnellement mise en place pour exclure le nord du développement. Je n’ai pas encore rencontré les traces d’une telle politique dans tous les régimes qui se sont succédés jusqu’à ce jour. Au contraire, diverses approches ont été expérimentées par l’Etat pour harmoniser, autant que possible, sa politique de développement national. Au niveau fiscal, par exemple, des régimes de faveurs ont toujours existé pour les entreprises qui s’installent au nord, réputé zone difficile. A ce propos, le territoire ivoirien est divisé en Zones A, B, C et D. La charge fiscale évolue decrescendo d’une zone à une autre. En 2007, après les accords de Ouagadougou, le Président Laurent GBAGBO avait ordonné l’effacement des arriérés d’impôts de l’ex zone CNO afin de soulager les entreprises qui y opéraient. Cet effacement concernait également les arriérés de l’impôt foncier.
Au niveau de la politique budgétaire, plusieurs mécanismes ont aussi été mis en œuvre pour inclure le Nord dans la politique de développement national. Sous Houphouët et Bédié, par exemple, les Fonds régionaux d’aménagement rural (FRAR) permettaient à l’Etat de faire une péréquation dans la répartition du budget alloué à l’aménagement du territoire. Pour les mêmes types de projets, la contribution des populations variait aussi decrescendo d’une zone à une autre suivant les capacités contributives des populations. Alors que pour le même projet, les populations des villages d’Adzopé, ou d’Abengourou participaient à hauteur de 75%, celles des villages de Katiola tombait à 20%. Dans certaines zones, cette contribution était de 15%. La faiblesse essentielle de ce système fut les détournements des fonds par les différents échelons de la chaîne de mise en œuvre des FRAR. C’est la raison pour laquelle, le régime du FPI a opté pour la décentralisation qui signifie proximité des centres de décisions et d’exécution d’avec les populations. Les conseils généraux et les communes permettaient à l’Etat de faire d’une pierre plusieurs coups. L’Etat se laissait approprier par les populations elles-mêmes mais, en plus, sa politique de péréquation budgétaire était plus efficace. Pour tenir compte de la variation des ressources propres des différents conseils généraux, le gouvernement leur allouait certaines ressources supplémentaires. Ainsi, pour certains exercices par exemple, le budget du conseil général de Katiola était plus élevé que celui de Gagnoa. Malgré l’état de belligérance dans le pays pendant cette période, les conseils généraux du Nord, ayant élu tous domicile au Sud, ont eu des dotations budgétaires alors que, non seulement aucune recette fiscale ne venait de ces zones, mais en plus, la totalité desdits conseils était dirigée par l’opposition, partie prenante dans la rébellion armée contre l’Etat. Au nom de la solidarité nationale et de sa culture républicaine, le Président Laurent GBAGBO n’a ni suspendu ces conseils, ni exclu du financement de l’Etat. Le régime actuel a opté pour une autre approche de la décentralisation. Celle-ci me paraît trop lourde parce que les centres de décisions restent encore trop éloignés des populations. Les échelons départementaux et communaux ont leur place même s’il faut, pour cela, redéfinir les critères des communes
C’est toujours au nom de la solidarité républicaine que le Président Laurent GBAGBO avait ordonné la prise en charge par l’Etat ivoirien, après la signature des accords de Ouagadougou, des arriérés de consommation d’électricité et d’eaux accumulés par les populations du Nord pendant la durée de la rébellion.
En 1975, afin d’accélérer le développement du Nord, le Président Houphouët avait ordonné la construction des grands complexes sucriers à Ferké, Tafiré, Marabadiassa, Borotou, tous dans le nord. Ayant été témoin oculaire de cette période, je peux affirmer que Katiola, avec le complexe de Marabadiassa, et Katiola, sans ce complexe, offre deux visages économiques totalement différents. Le complexe sucrier donnait un meilleur visage à Katiola que maintenant. Ce sont les plans d’ajustements structurels du FMI et de ses hauts cadres qui ont sonné le glas de la politique interventionniste de l’Etat au Nord. Les complexes Ferké et Marabadiassa ont cessé leurs activités dans les années 80 parce que jugés non rentables. Le reste est passé, à des francs symboliques, à des particuliers. Je ne crois toujours pas à la notion de l’Etat chercheur exclusif de gains. Dans tous les pays du monde, il y a des investissements que l’Etat fait pour sauver ou corriger certaines situations sociales.
Au total, il y a eu différentes approches des différents gouvernements ivoiriens pour tirer le Nord vers le développement. Mais toutes ces approches ont connu des fortunes diverses sans résoudre fondamentalement la question économique du nord. Du coup, la misère relative de cette zone devient la source de propagande de tous les magiciens et autre faiseurs de miracles. Or le Nord n’a pas besoin de tours de passe de magiciens. Le problème du Nord est à l’image de tout le pays. Notre incapacité à sortir du système économique hérité de la colonisation est la cause prépondérante de notre souffrance collective. L’économie de rente est profondément ancrée dans la conscience nationale et partagée à la fois par les gouvernants et les gouvernés. Deux conséquences sont attachées à cette réalité :
– La perception que l’on a de la terre
– Le fétichisme de l’économie de l’arbre
Notre droit foncier, toujours régi par le décret de 1932, reste d’inspiration coloniale et répond à un type d’économie qui ne cadre plus avec les exigences actuelles. La notion de mise en valeur, introduite par le colonisateur pour exproprier les populations autochtones de leurs terres, bloque la dynamique de l’économie agricole et active des conflits sociaux aussi vieux que ce décret lui-même. La notion de mise en valeur des terres rurales reste très étroite dans la conscience collective. Elle renvoie invariable à l’agriculture comprise comme cycle de production axé autour des notions planter et récolter. Des pratiques telles que le mise à pâturage sont méconnues. Cette pratique contractuelle consiste, pour un propriétaire terrien, à mettre à la disposition d’éleveurs une partie de ses terres moyennant le paiement d’un loyer qui peut se déterminer par tête de bête. Dans le Nord, du fait de la faible densité de la population, de grandes surfaces de terres appartenant aux populations servent de pâturage aux énormes cheptels qui descendent des pays limitrophes du nord à la recherche d’herbe. Pour ce mouvement migratoire, une taxe (parafiscalité) de 1000 F CFA par tête de bête est perçue et gérée au niveau du ministère en charge de cette matière. Mais rien n’est payé aux populations dont les terres servent à nourrir ces bêtes. La pratique des pâturages permettrait aux populations de percevoir un loyer sur la mise à disposition de leurs terres aux pasteurs. Les populations peuvent même aménager leurs terres à cette fin en constituant, par exemple, des réservoir d’eaux. Une telle pratique n’est possible que par la connaissance des limites des propriétés de chaque famille. C’est pourquoi, dès la délivrance des certificats fonciers, nul n’a encore besoin de s’engager dans une procédure d’immatriculation telle que prévue par le décret de 1932. Le certificat foncier doit être immédiatement pris en compte par le cadastre qui l’intègre à ses données. Ainsi, en cas de contestation seul le certificat foncier fait foi. La prise en compte des données foncières du certificat foncier, par le cadastre, vise à assurer le prélèvement de l’impôt sur l’activité de pâturage. Ainsi se réalisera progressivement la fiscalisation du secteur agricole. Les recettes fiscales issues de ce milieu serviront à alimenter le budget des collectivités de cette région et alimenter, pour partie, la caisse d’assurance maladie des populations du milieu rural. Plusieurs centaines de milliers de d’animaux traversent les régions du nord pour des raisons de pâturage. De nombreux conflits surviennent entre éleveurs et cultivateurs. La pratique de la location de pâturage, non seulement enrichit les populations propriétaires terriens mais, mieux, elle limite les conflits ci-dessus relevés.
Pour compléter l’activité des pâturages, des abattoirs peuvent être construits dans cette partie du pays. Deux ou trois abattoirs modernes peuvent être implantés dans ces zones à l’effet de recevoir les bêtes à abattre après les pâturages. Nul n’a besoin de convoyer des bêtes jusqu’à Abidjan. Un circuit de distribution de la viande en direction de toutes les parties de la Côte d’Ivoire peut s’organiser à partir de ces abattoirs. Toute chose qui peut accroître le contrôle sanitaire sur la viande consommée.
Le gouvernement ivoirien estime à plus de 200 milliards les dégâts causés directement ou indirectement par les feux de brousse en 2017. 60 à 70% de ces feux sont provoqués par les éleveurs qui, par ces pratiques, reconstituent les pâturages pour leurs bêtes. Ainsi, non seulement les propriétaires terriens ne tirent aucun profit du passage des bêtes sur leurs terres mais, pire, ils doivent supporter les conséquences des feux de brousses provoqués par les pasteurs.
Le fétichisme de l’économie de « l’arbre » est l’une des conséquences fâcheuses de notre héritage colonial. L’économie de rente est une obsession à la fois pour l’Etat et pour les populations. Chacun rêve de son arbre qui le rendra riche. L’explosion de la culture de l’anacarde, au nord, en constitue la parfaite illustration. Pourtant la culture du riz a déjà donné, dans le passé, des bons résultats en termes d’amélioration de la fortune des paysans. Dans mon village, les premières maisons bâties en ciment et coiffées de tôles ondulées ont été réalisées dans les années 70 par les paysans suite à la culture du riz. Bien encadrés par la SODERIZ, ceux-ci ont réalisé des performances remarquables. La fin des activités de la SODERIZ, décidée en conseil des ministres le 7 octobre 1977, a sonné le glas de la production locale de riz. La culture cotonnière n’a pas pu totalement combler le vide créé par l’abandon de la riziculture. Pour l’année 2019, la Côte d’Ivoire doit importer 1 650 000 tonnes de riz sur les 3 150 000 tonnes de consommation projetées. A raison de 210 000 f FOB la tonne, ce sont 346 500 millions de FCFA qu’il faudra mobiliser pour assurer l’importation du riz du Vietnam ou de la Birmanie. L’impact sur la balance de paiement est énorme. Pour la sous-région ouest africaine, l’estimation du déficit de production du riz se situe à environ 25 millions de tonnes pour l’année 2020. La Côte d’Ivoire a toutes les capacités naturelles et humaines pour participer significativement à l’approvisionnent du marché régional en riz. Le Nord peut y contribuer énormément. C’est pour cette raison que le Président Laurent GBAGBO avait ordonné une étude sur le développement de la culture du riz. Cette étude avait été confiée à une équipe d’experts dirigée par le Professeur AKE NGBO. Elle avait abouti à l’élaboration de la stratégie nationale pour le développement de l’agriculture (SNDR) en 2009. La mise en œuvre de ce plan avait entrainé une augmentation substantielle de la production locale du riz en 2010. C’est ce plan que le gouvernement actuel a du mal à développer à cause des nombreux intérêts occultes qui gravitent autour de l’importation du riz. Ce qui vaut pour le riz vaut également pour les cultures contre saison. Les périodes de rupture de certains produits tels que les agrumes et les légumes sont inexplicables pour un pays comme la Côte d’Ivoire. A Marabadiassa, 6500 ha de terres, qui abritaient l’ancien complexe agro-industriel de la SODESUCRE, sont laissées à l’abandon. Ces terres sont pourtant dotées de mécanisme et autre logistique d’irrigation adaptés à ces genres de cultures. En 2009, l’Etat s’était engagé à racheter ces terres à la famille Abdoulaye Diallo qui les avaient acquises presque gratis après la liquidation de la SODESUCRE. L’Etat entendait aménager cet espace pour le remettre, par la suite, aux femmes des villes et villages environnants afin qu’elles y développent des cultures de légume de contre-saison.
En définitive, le développement économique du Nord relève plus de la nature même de l’économie nationale. Le fétichisme de l’économie de « l’arbre » héritée de la colonisation est contre-productif. L’anacarde ne peut avoir le même rayonnement économique que le cacao. En revanche le Nord présente de nombreux autres atouts pour assurer son développement. Si Monsieur Soro Guillaume, lui-même, relève la misère du Nord, il s’ensuit que nul n’avait besoin de monter une rébellion pour développer cette partie de notre pays.
Le Ministre Justin Katinan KONE
Porte-Parole du Président Laurent GBAGBO
Vice-Président du FPI en charge de l’économie et de la Finance internationale
1er Vice-Président de l’EDS chargé de la politique générale.
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