David Kambiré
C’est devenu un truisme de dire que la politique évolue en fonction des intérêts stratégiques et des considérations idéologiques qui animent les acteurs du monde politique. La chose se complexifie quand l’agent politique est sommé de trouver un équilibre salutaire entre les idéaux de son parti et la satisfaction de ses besoins personnels, qui ne sont malheureusement pas toujours en concordance avec les intérêts de la majorité populaire. Il appartient pourtant aux différents partis politiques de prendre la mesure de cette complexité afin de pouvoir survivre et prospérer dans le recrutement de nouveaux membres indispensables au rayonnement national de leurs organes respectifs. C’est dans cette perspective de renouvellement qu’il faut savoir apprécier la chaleureuse réception dont ont bénéficié au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) les membres fondateurs du mouvement « Sur les traces d’Houphouët-Boigny (du Ministre Adjoumani), ainsi que les animateurs du mouvement « PDCI-Renaissance » (du Vice-Président Kablan Duncan). C’est également dans ce même ordre d’idée qu’il importe d’analyser la fébrilité de l’ex ministre Adama Bictogo invitant urgemment le président du Sénat ivoirien, Jeannot Ahoussou Kouadio, à afficher sans ambiguïté son appartenance politique, car « on ne peut être PDCI la nuit et RHDP le jour » (Bictogo). Pendant qu’on attend une « clarification » ou non de la position du président du Sénat ivoirien, il n’est peut-être pas inimportant de relever qu’un autre cacique du parti d’Henri Konan Bédié, en l’occurrence Monsieur Charles Diby Koffi, vient d’intégrer le conseil politique du RHDP, si l’on en croit une décision officielle signée des mains du Président Alassane Ouattara. On rapporte qu’avec « ce nouvel arrivant au RHDP, il y a 22 autres personnalités dont l’ancien maire PDCI de la commune de Cocody (Abidjan), Ngouan Aka Mathias, qui font leur entrée dans le cercle restreint de ce parti ». Estimant que le président du Sénat doit être issu du RHDP, Beaucoup d’Allassanistes attendraient avec impatience que Jeannot Ahoussou Kouadio vienne lui aussi grossir les rangs de leur parti à tendance houphouétiste.
Faudra-t-il, après, tendre la perche à Bédié, qui, selon les nouvelles répandues par le brouhaha politique, regretterait déjà sa rupture avec le RHDP ? En effet, on radote à satiété qu’il aimerait revenir à certaines conditions, mais ne sait plus comment négocier son retour au bercail. Selon des langues bien pendues, il serait devenu « un otage des radicaux de son parti ». Faudrait-il donc un jour penser à sauver le Président Bédié de l’emprise de ces irréductibles ? En d’autres circonstances, sous d’autres latitudes, on l’a fait pour le soldat Ryan, au prix d’énormes sacrifices. C’est vrai que cela se passait dans un film américain de Steven Spielberg, Saving Private Ryan. Pourquoi ne pas entreprendre pacifiquement une expédition de secours pour le sphinx de Daoukro, mais en ré-orientant cette fois la mission sur le terrain de la concrétude politique ? Le faire surtout au nom de la réconciliation. Même si le mot est dorénavant devenu le « cube maggi » additif servant d’assaisonnement aux discours galvaudés sur la cohésion sociale. Une réconciliation nationale dont Laurent Gbagbo, Blé Goudé et Simone Ehivet auraient subitement découvert les vertus bienfaitrices, au sortir d’une longue période d’hibernation. Dans quelques années, il me souviendra ce temps où les Refondateurs s’étaient revêtus des habits rapiécés de faux prophètes pour officier le sacrement de la réconciliation, sous le sceau de l’amnésie. Stratégie du boulanger ou acte de contrition feinte? A vous d’en juger, avant d’ouvrir la boîte de Pandore, sous le regard certainement médusé d’un Soro Guillaume pour qui la réconciliation est aussi devenu un instrument politique.
Alors que les supputations vont bon train sur le bon ou faux usage de la réconciliation sur la scène politique nationale, le phénomène de transhumance politique ne manque pas non plus de susciter de vifs débats sur la pertinence morale, ainsi que sur les considérations idéologiques du phénomène en question. Si au nom de la liberté, certains le voient d’un bon d’un oil, d’autres suspectent qu’il relève « d’une mauvaise stratégie politique » qui nuit à l’intégrité du principe de démocratie. Sans contester aux uns et aux autres le droit d’exprimer leurs points de vue, selon le degré d’aperture de leurs émotions, il convient, toutefois de relever que la transhumance est un phénomène qui fait partie intégrante du réel. Il a toujours existé, puis évolué au gré de ce que j’appelle « les reconversions de conviction », que nous imposent les contraintes et les avatars de la vie. Vous en ferez les frais, en amour, en famille, en milieu professionnel, voire dans votre vie de couple. Malheureusement, ou heureusement, selon les résultats qui en découlent. C’est la dialectique de la vie, qui fait que, par exemple, la personne que vous aviez tant aimé ou adulé hier devient progressivement une énigme qui finit par échapper totalement à votre entendement. Survient alors la crise qui annonce « la migration des cours » (Maryse Condé) vers de nouveaux pâturages.
Ramenons la question de « reconversions de conviction » dans l’arène politique ivoirienne, où le RHDP constitue le pôle dominant des rapports de force au sein du champ institutionnel. Ses cadres ont compris que le PDCI est un parti « has been » qui a du mal à se renouveler sous le leadership en perte de légitimité d’un Bédié qui se démène comme « un ange dans un bénitier » où il ne fait que souffler le froid de la révocation pour le compte de son parti. Pour une question d’ordre purement pragmatique ou réaliste, certains cadres du PDCI ont alors fait le choix de rejoindre ou de demeurer avec la mouvance gouvernementale, après avoir convenu qu’il serait politiquement, symboliquement et matériellement suicidaire de ne pas tirer profit de l’aura de popularité que le RHDP distille aux quatre points cardinaux. Ce revirement est inspiré, en partie du moins, par la liberté reconnue à chaque citoyen d’adhérer au parti qui correspond le mieux aux aspirations profondes qu’il nourrit pour sa patrie, hic et nunc. Dans un futur lointain, il n’est pas exclu qu’un autre parti émerge sur la scène politique pour inspirer aux Ivoiriens un autre idéal d’espérance différent de celui qu’Ado inspire en ce moment, avec grâce, honneur et dévouement. Ainsi évolue la vie des partis et celle des hommes politiques, surtout ceux qui sont capables de concevoir la démocratie comme projet d’une société en ébullition dans « un laboratoire en activité », pour reprendre l’expression de Pierre Rosanvallon.
Mais en attendant le retour de Godot avec l’émergence probable d’un autre parti providentiel, il faudra pour l’heure se résoudre à accepter l’évidence imparable de cette vérité : sous la houlette du Président Ouattara, le RHDP a le vent en poupe, grâce surtout aux traits de génie que ce grand homme politique déploie majestueusement dans des réalisations de grandes envergures. Pour parachever l’ouvre de construction nationale, le Président, son premier ministre et sa formidable équipe gouvernementale ont très tôt réalisé l’importance capitale de forger une solide coalition de politiciens venus d’horizons divers, de les organiser en une puissante force humaine vouée au développement durable de la Nation ivoirienne. Tant mieux, si cette situation profite à tout le monde, y compris les politiciens-transfuges du PDCI, voire du FPI. Personne ne doute que le PDCI ou le FPI serait heureux de sortir un jour victorieux de la concurrence politique qui les oppose aux partis constituant la majorité présidentielle. Malheureusement, ils ont perdu le pouvoir de séduire la majorité sociale au sein de laquelle leurs leaders souffrent d’un déclin de confiance dans la conduite des affaires de la Cité. Pour revenir sur le devant de la scène politique, ils devront faire leur mû et sortir de l’apathie politique, en proposant des projets de gouvernement viables, en lieu et place des récriminations qui servent plus d’exutoire que de programme de développement. Mais ont-ils les ressorts nécessaires pour rebondir à un moment où ils sont empêtrés dans la guéguerre ? A l’impossible nul n’est tenu. Il leur faudra, en l’occurrence, besogner dur pour sortir de l’ornière de « l’impolitique » qui équivaut au « défaut d’appréhension globale des problèmes liés à l’organisation d’un monde commun » (Julien Vaulpré). C’est en fait la question de l’intérêt général, que le RHDP a su définir comme le centre de gravité des grands axes du projet d’émergence que le Président Ouattara est en train de porter sur les fonts baptismaux de sapolitique de développement durable.
David Kambiré
Analyste politique. New York. USA
Un adage de chez nous le dit bien : « Les enfants savent courir, mais ne savent pas se cacher ». Aux premières lignes de l’ »analyse » de l’auteur, j’ai bien failli être pris au jeu, croyant à une opinion de haut vol, intellectuellement équilibrée et honnêtement pensée. Puis, le masque est très vite tombé, à la lecture d’une opinion télécommandée qui voudrait Bédié dans le désert, otage esseulé et désespéré ; un Gbagbo au positionnement – selon la version officielle du RDR – qui serait un boulanger et un criminel fainéant , paresseux, concupiscent, et j’en passe ; Et à l’inverse, les salamalecs interminables et appuyés quand il s’agit de parlé du Nagaman, le prédestiné Ouattara. Ainsi donc, la roche a dévoilé l’anguille qui s’y cachait : un bon gros militant rôdôrô empli de toh/sauce arachide jusqu’aux yeux. La ficelle est trop grosse mon ami, on vous perce à jour dès la lecture au 1/5 de votre « analyse ».