Serge Alain KOFFI
Ouvert en février 2018, le procès du général Gilbert Diendéré et 83 autres personnes, jugées pour leur rôle présumé dans le putsch manqué de septembre 2015 au Burkina, tire allègrement vers la fin mais s’est révélé embarrassant pour le pouvoir d’Abidjan et l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire Guillaume Soro dont les implications dans cette tentative de coup d’Etat, a été mise à nue par des éléments de preuve du procureur militaire.
Si au début du procès, tous les regards étaient tournés vers Guillaume Soro, le fond de ce dossier, dont les éléments ont été égrenés au fil des journées d’audience, présente d’autres implications qui s’étendent jusqu’au palais de la présidence ivoirienne en passant par le sommet de la hiérarchie militaire au moment des faits.
En somme, un plan commun souterrain de déstabilisation du Burkina, ou à tout le moins, d’accompagnement du coup de force du général Diendéré, dans lequel l’ancien président de l’Assemblée nationale a eu le malheur d’avoir été le premier à être dévoilé.
Et pourtant, du mardi 19 mars au vendredi 05 avril, le parquet militaire à présenté de nombreuses pièces à conviction, constituées essentiellement d’enregistrements, présentés pour certains comme des conversations entre les deux présumés cerveaux du coup d’Etat (le général Diendéré et l’ex-ministre des Affaires étrangères burkinabè Djibril Bassolé) et des autorités civiles et militaires ivoiriennes.
Dans une bande sonore datée du 1er octobre 2015, on entend M. Soro, au téléphone, demander au général Diendéré de “jouer le temps’’ et de joindre le président sénégalais Macky Sall.
“Je viens d’avoir le président Faure. Il va appeler le président Kafando. Ouattara est informé. Je cherche encore à informer tout le monde pour qu’on puisse mettre un peu de pression sur la nonciature’’, a-t-il ajouté.
Au bout du fil, son interlocuteur l’informe que des gendarmes sont déjà à la porte de la nonciature où il avait trouvé refuge après l’échec de son coup d’Etat.
“Tu es dans une chambre non ? Restes dans cette chambre pour le moment et fermes la portes’’, a d’abord suggéré Soro à Diendéré avant d’ajouter : “J’ai rendu compte au président Ouattara. Je suis en route pour Abidjan pour empêcher qu’on t’envoie à la gendarmerie’’.
Dans une autre audio datée du 25 septembre 2015, on entend Soro prendre note des propos de Diendéré, afin de rédiger un communiqué du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), unité de l’armée burkinabé à laquelle appartenait le général et qui avait tenté le coup d’Etat.
“Nous on travaille en bas aussi’’ et “on va faire en sorte que l’opinion se solidarise à vous’’, a poursuivi l’ancien président de l’Assemblée nationale.
Sur un ton de plaisanterie, M. Soro demande au général Diendéré de le nommer “numéro deux’’ du RSP. Ce dernier lui répond : “il n’y a pas de problèmes’’.
En outre, on l’entend encourager le général et ses hommes à ne “pas abdiquer’’ même si le coup d’Etat est en train de virer à l’échec.
“J’ai eu le président Ouattara. Il m’a dit qu’il a appris que le RSP allait abdiquer. Et qu’il a demandé à Vagondo de te parler pour ne pas faire ça. Parce que si vous faites ça, vous serez sacrifiés comme des moutons de tabaski’’, a-t-il conseillé.
Dans deux autres enregistrements, on entend le colonel Zakaria Koné, ancien chef de guerre de la rébellion en Côte d’Ivoire, rassurer d’abord Fatou Diendéré (l’épouse du général) et ensuite Fatoumata Diawara thérèse (la belle fille de Diendéré) sur le soutien de l’armée ivoirienne dirigée à cette époque par le général Soumaïla Bakayoko.
“Ne vous en faites pas, ici vous avez beaucoup de soutiens la vieille, beaucoup de soutiens ! Même si c’est un affrontement, vous avez beaucoup de soutiens. Que ce soit en hommes, que ce soit d’autres… On ne peut pas tout dire. Mais c’était ma première fois de voir le général Bakayoko couler une larme’’, confesse-t-il au cours de cette première conversation.
Dans la seconde, l’ex-chef de guerre confie à Dame Fatoumata Diawara Thérèse, que son “patron’’ lui a assigné la mission de recruter “beaucoup de chiens (ndlr : mercenaires)’’pour soutenir le général Diendéré et ses hommes du régiment de sécurité présidentielle (RSP).
“Même si c’est 1.000 chiens (mercenaires), tu sais que c’est rien’’, assure-t-il.
Une autre bande sonore, attribuée cette fois au général Soumaila Bakayoko, lui-même, lève le doute sur l’implication de la hiérarchie militaire ivoirienne.
Dans l’enregistrement, on entend le général Bakayoko expliquer au général Diendéré la gravité de la situation en cas d’échec du putsch et les conséquences qui pourraient en découler.
“D’abord, ils vont tout mettre sur toi. Ça il faut le savoir. Politiquement ils vont te dire +tu es le plus gradé, tu es un général+. Ils vont estimer que c’est toi qui as mis les gens dans cette situation-là. Et si tu ne fais pas attention, tes propres petits vont se retourner contre toi. Et après c’est vous et vos familles qui vont payer’’.
Il enchaine en prodiguant des conseils militaires à son interlocuteur pour relancer le coup d’Etat.
“Dans ce cas, je dis, il n’y a pas deux solutions. Tu comprends ? Si tu laisses faire calmement pour te dire, +bon, Dieu le veut+, une fois que tu arrives chez eux là-bas, c’est pour finir avec toi, ça c’est clair ! Je suis au regret de le dire… Parce que si tu ne fais pas ça et que tu restes coincé comme ça… Tôt ou tard, l’issue va se resserrer, se resserrer, se resserrer et tu n’auras plus aucune marge de manœuvre’’.
Et de conclure, “tu es condamné à mener l’action. Donc monte un truc bien’’.
Pour le parquet, qui dénonce “une ingérence’’ de quelques autorités civiles et militaires ivoiriennes dans cette tentative du coup d’Etat, il “est impossible’’ de monter de tels enregistrements qui prouvent que “l’interaction’’ entre ces personnalités a bel et bien “a existé’’ pendant ces événements.
“Que des gens qui ne sont pas burkinabés puissent s’ingérer dans des faits aussi graves pour un Etat. Il faut que tout cela s’arrête’’, a averti le procureur militaire, lors de l’audience du 29 mars.
Maître Guy Hervé Kam, avocat des parties civiles au procès, estime quant à lui, que l’implication de Guillaume Soro était uniquement « personnelle » et n’engageait pas la Côte d’Ivoire, qui n’était « pas en guerre » avec le Burkina.
Difficile cependant de ne pas voir dans le silence de l’ex-président de l’Assemblée nationale, une volonté affichée de protéger le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, qui s’était empressé de régler diplomatiquement la crise entre les deux pays avec son homologue burkinabé, Roch Kaboré.
Alerte info/Connectionivoirienne.net
Soro n’a eu cesse de se présenter comme « homme de mission ». Missionné par QUI ? Qui diantre peut confier à un PAN la mission d’opérer un changement à la tête d’un Etat voisin ? Certainement pas sa bonne ou son gardien. Alors , QUI ?