Depuis sa retraite de Ninove, en banlieue de Bruxelles, capitale de la Belgique, Laurent Gbagbo, manœuvre pour une éventuelle candidature en 2020.
En effet, tout comme l’ex président Henri Konan Bédié qui pense que son heure ultime est arrivée pour reprendre ce qu’il a perdu en 1999, Laurent Gbagbo pense encore reprendre le pouvoir qu’il a perdu en 2011, après dix années de gestion, trop souvent agitée.
Le premier acte pour Gbagbo consiste à récupérer son appareil politique [Le FPI] des mains d’Affi N’guessan, son ex Premier ministre. Ce premier acte est en partie en train de réussir. Affi semble en effet être tombé dans le piège de Gbagbo, de par sa précipitation à proférer des injures dès son retour à Abidjan, là où le geste de Gbagbo [invitation – piège] demandait calme et patience de sa part.
L’acte 2 consistera à faire accepter l’idée d’une candidature de Gbagbo en 2020 par Ouattara, Bédié etc, en se posant comme homme de paix, homme de réconciliation, en demandant une élection «transparente», pour départager les trois héritiers d’Houphouët encore en vie, qu’ils sont.
Avant d’en arriver à l’acte 3…il faudra pour Laurent Gbagbo faire passer l’acte 2 et surtout, sortir pour de bon des liens de la Cour pénale internationale, lieu par excellence ou politique, diplomatie et Droit s’entremêlent.
La partie est donc encore loin d’être gagnée pour Laurent Gbagbo, avant d’espérer faire un retour «triomphal» en Côte-d’Ivoire, pour de surcroit être candidat en 2020.
Par Sylvie Kouamé
Interview vidéo accordée à TV5 – Retranscription
Denise Epoté: Bonjour Assoa Adou
Assoa Adou : Bonjour
Vous êtes un fidèle de Laurent Gbagbo, un compagnon du FPI à qui vous avez rendu visite récemment. Comment va-t-il ?
Assoa Adou : Il va très bien. Physiquement, psychiquement et intellectuellement. Il va très bien
Il tenait avant tout à ce que son honneur soit sauf. L’acquittement est-il un motif de satisfaction pour lui ?
Assoa Adou : Ah oui pour lui mais aussi pour tous les Ivoiriens qui savent que c’est un monsieur qui n’a rien fait mais qu’on a accusé de tout. On l’a même traité de Hitler africain. Et voilà qu’après huit ans de procès, il est acquitté. Au surplus les 82 témoins à charge du procureur l’ont lavé de tout soupçon.
Malgré tout, il y a eu une crise postélectorale qui a fait de nombreux morts. Quelles leçons tire-t-il de cette crise postélectorale ?
Assoa Adou : Depuis que Laurent Gbagbo a commencé à faire de la politique, il a toujours choisi la voie pacifique. Il faut convaincre l’adversaire et non pas le soumettre. Et il a une phrase, devenue célèbre en Côte d’Ivoire : asseyons-nous et discutons.
Y a quand même des responsables de cette crise postélectorale ?
Assoa Adou: Oui mais en septembre 2002, qui a attaqué ? Qui a tué le ministre de l’intérieur Boga Doudou ? Qui a tué plus de 300 personnes ce jour-là ? Ce sont des hordes venus du nord de la Côte d’Ivoire et des pays voisins qui ont envahi le pays. Laurent Gbagbo était en Italie. Le président Chirac lui a demandé d’aller en France mais il a dit “non mon pays est attaqué” et une fois arrivé à Abidjan, il a appelé les uns et les autres à discuter, à déposer les armes et à négocier. Il a fait toutes les capitales de l’Afrique de l’ouest : Lomé, Accra… pour que la paix revienne.
A qui donc incombent les victimes de cette crise postélectorale ?
En 2010, on venait de finir les élections présidentielles. Le conseil constitutionnel, comme dans tout pays organisé, déclare Laurent Gbagbo vainqueur. Ses adversaires refusent et déclenchent les hostilités.
En 2020, se profile l’élection présidentielle. Les acteurs sont les mêmes : Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo s’il revient en Côte d’Ivoire. Est-ce que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets et comment éviter d’en arriver là ?
Assoa Adou : Pour nous, Laurent Gbagbo doit revenir en Côte d’Ivoire parce qu’il n’a plus rien à faire à l’extérieur du pays parce qu’il a été acquitté. Mais en homme prévoyant, il a pris les devants. Je l’ai vu en décembre 2018 et avant que je ne rentre en Côte d’Ivoire, la CPI n’avait même pas encore donné son verdict, il m’a dit qu’il faut que mon parti se mobilise pour que la Côte d’Ivoire retrouve la paix; il faut aller à la réconciliation.
Alors par quoi passe cette réconciliation ?
Assoa Adou : Nous avons déjà commencé une campagne de sensibilisation en rencontrant tous les chefs religieux sans distinction: chrétiens, musulmans… pour leur dire que Laurent Gbagbo nous a chargés de vous dire que la Côte d’Ivoire a énormément besoin de paix et de réconciliation et qu’il faut que les Ivoiriens s’entendent. Si on reste ainsi et que l’on va aux élections, on se retrouvera avec les mêmes problèmes. On l’a d’ailleurs vu aux dernières élections locales et municipales précisément. A Abobo, à Port-bouët, à Grand-Bassam… Partout, il y a eu des morts. On ne peut pas faire la politique de l’autruche et dire que rien ne se passe, tout va très bien alors que tout le monde sait que ça ne va pas. Donc le front populaire ivoirien, sur instruction de Laurent Gbagbo, se mobilise pour que la réconciliation soit faite. Nous allons rencontrer tout le monde. Nous allons rencontrer le PDCI; nous comptons rencontrer le RDR. Dès mon retour, il m’a demandé d’écrire à tous ces partis pour dire que le FPI veut les rencontrer pour discuter.
Et qu’est-ce que vous proposez concrètement ?
Assoa Adou : Nous proposons de faire le vrai diagnostic. Pourquoi dans ce pays de paix, ce pays qui a accueilli tous les réfugiés de toute la sous-région et même du Moyen-Orient ; pendant la guerre du Liban nous avons accueilli 300.000 libanais, des sierra-léonais, des libériens… pourquoi les Ivoiriens se lèvent un matin, prennent des machettes, des fusils et tuent leurs voisins ? Il faut faire ce diagnostic. A partir de là, et comme on sait le faire en Afrique, on peut aller à la réconciliation.
Et la commission vérité réconciliation ?
Assoa Adou : A peu près comme en Afrique du Sud. On souhaite que les autres acceptent qu’on aille vers ça pour que le pays s’engage enfin sur la voie du développement.
Le président Alassane Ouattara a procédé à l’amnistie de plusieurs prisonniers et de plusieurs condamnés au mois d’août dernier. Est-ce que ce n’était pas déjà une main tendue en vue d’aller à la réconciliation entre tous les Ivoiriens ?
Assoa Adou : De toute façon, c’est celui qui dirige un État qui prend les devants pour ramener la paix. Donc il doit parachever ce qu’il a commencé. Aujourd’hui, nous avons encore des militaires qui sont en prison, nous avons encore des réfugiés au Libéria, au Ghana et autres qui ne sont pas encore rassurés que la paix est réelle.
Quelles garanties attendent-ils ?
Assoa Adou : Ce n’est pas moi qui le dis mais les Ivoiriens comme ce chef baoulé qui dit que tout le monde attend le retour de Laurent Gbagbo pour que la paix revienne en Côte d’Ivoire.
Donc pour vous, le retour de Laurent Gbagbo est une des conditions à ce début de réconciliation en Côte d’Ivoire ?
Assoa Adou : C’est un élément important et tous les Ivoiriens quels qu’ils soient le reconnaissent. Parce qu’aujourd’hui, que tu sois militant du FPI, RDR ou soroïste, tout le monde dit qu’on attend le retour de Gbagbo.
Et il faut quoi comme garantie pour que Laurent Gbagbo revienne en Côte d’Ivoire ?
Assoa Adou : Il faut l’engagement des autres leaders. L’engament de monsieur Ouattara, de Bédié, de Soro pour que Gbagbo revienne.
Soro a déjà dit qu’il lui demanderait pardon. Oui mais même le week-end dernier lors d’un débat organisé par RFI, ses partisans ont dit qu’ils sont favorables au retour de Gbagbo; donc c’est cet engagement que nous attendons pour que la CPI comprenne qu’elle a accusé injustement Gbagbo.
Depuis 2011, le FPI a boycotté tous les scrutins. 2020 marquera-t-il le retour de ce parti dans le jeu politique ?
Assoa Adou : Nous sommes dans le jeu politique. Parce que dire non à une situation injuste c’est déjà faire de la politique. Mais en 2020, nous serons là.
Avec qui pour porter les couleurs du parti ?
Assoa Adou : Lorsque nous aurons fini de réconcilier les Ivoiriens, bien sûr nos militants choisiront le candidat.
Qui du PDCI ou du RDR sera l’allié du FPI ?
Assoa Adou : Mais le PDCI, tout comme le RDR et Soro étaient tous ensemble pour faire la guerre au FPI. Aujourd’hui, nous leur demandons de ramener la paix totale dans le pays. Et une fois que la paix sera faite, chacun va présenter son programme. Si le programme de l’un d’entre eux est proche des Ivoiriens, alors ceux-ci choisiront. Nous notre programme est fondé sur le bonheur des Ivoiriens
De toute façon tous les partis disent la même chose
Assoa Adou : Mais non, on dit que c’est l’émergence mais la réalité c’est l’immersion. La Côte d’Ivoire est précipitée dans un trou sans fond où l’on vient de privatiser les CHU. Et alors qu’on parle de l’école pour tous, selon une étude allemande l’école secondaire est pratiquement privatisée. Quant au supérieur, n’en parlons pas. Donc la situation n’est du tout rose en Côte d’Ivoire.
Il y a quelques années, le RDR a été un allié du FPI dans le front républicain. est-ce que cette alliance est encore possible aujourd’hui ?
Assoa Adou : Le RDR a même été plus que ça. Parce que c’est Laurent Gbagbo avec son ami Djéni Kobina qui ont écrit les statuts et règlements intérieurs du RDR. Pourquoi ? Parce que Laurent Gbagbo considère que dans un pays, c’est la confrontation des idées qui fait avancer. Donc Djéni qui était un démocrate mais pas un homme de gauche voulait créer un parti centriste et Gbagbo l’a aidé avec ses camarades. Donc il est toujours dans cette disposition d’esprit.
L’alliance est donc encore possible ?
Assoa Adou : L’alliance est possible si nous nous rejoignons sur ce qu’il faut faire de bien pour les Ivoiriens. Et c’est à partir du programme ou de ce qu’on dit. Or aujourd’hui on a peur de ce qu’on entend des trois groupes.
Qu’est-ce qui vous fait peur ?
Assoa Adou : C’est la violence des propos. Au lieu d’aller vers la paix, chacun accuse et menace l’autre. Ce n’est pas ça ramener la paix en Côte d’Ivoire.
La cour africaine des droits de l’homme a relevé le déséquilibre qui existe dans la composition de la CEI. Huit personnes pour le pouvoir contre quatre pour l’opposition. Est-ce que cette reforme de la CEI est un préalable à la tenue des élections présidentielles pour le FPI ?
Assoa Adou : C’est un élément incontournable et il est malheureux que et dès le départ, c’est-à-dire en janvier, le 1er ministre, monsieur Gon Coulibaly a convoqué des partis politiques pour engager le dialogue politique. Et curieusement, il évite d’inviter le FPI. Donc c’est déjà mal parti. Et le PDCI n’a pas manqué de le dénoncer. Nous l’avons aussi dénoncé. Donc ce qu’on leur demande c’est une structure véritablement indépendante et souveraine.
Nous avons un voisin, le Ghana, qui fait les élections. Les discussions y sont parfois vives et on y conteste aussi les résultats. Mais ils ont une structure qui organise les élections et qui veille à ce qu’il n’y ait pas de troubles au Ghana. Il nous faut les copier ou leur demander conseil.
Le FPI a connu une scission. C’est qui aujourd’hui le vrai patron du FPI ? Et peut-on imaginer une réconciliation des deux tendances avec le retour de Laurent Gbagbo ?
Assoa Adou : Le vrai patron du FPI c’est Laurent Gbagbo après qu’Affi N’guessan ait changé d’orientation politique
Comment ?
Assoa Adou : Parque Affi N’guessan ne croyait plus à la lutte. Il ne croyait plus que le FPI peut faire triompher ses points de vue. Il ne croyait plus que Laurent Gbagbo allait revenir. Mais ceux qui ont cru et ont tenu la barre sont sur la voie de gagner. Donc les camarades du FPI sont toujours disposés à faire la réconciliation. Si nous disons que nous sommes prêts à faire la paix en Côte d’Ivoire, c’est que nous pouvons nous réconcilier avec nos anciens camarades pourvu qu’ils reconnaissent qu’ils se sont trompés et que Gbagbo est le président du FPI.
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