La Côte d’Ivoire est un pays en perpétuelle ébullition. Les sujets politiques de division et de divergence sont légion.
Le clash entre Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan tarde-t-il à s’éteindre qu’un autre débat vient lui voler la vedette: la question des alliances politiques.
C’est la dernière interview de Dr Assoa Adou, SG d’une tendance du FPI sur TV5, qui suscite les passions et le tollé d’indignation après les huit ans de prison de Gbagbo à La Haye.
En émettant des réserves, Assoa Adou a soutenu qu’une alliance avec le RDR restait possible, surtout qu’il affirmait une lapalissade: le coaching de Gbagbo pour aider son ami Djény Kobina à créer le RDR.
Nous oublions ou feignons d’oublier qu’en dehors de la Coordination de la Gauche démocratique, toutes les alliances politiques en Côte d’Ivoire sont sans apparenté idéologique et conjoncturelles.
Résultat: animées toutes par des arrière-pensées et vivant le temps de fiançailles, elles explosent, toutes et sans exception, en plein vol, parce qu’elles sont toutes assises sur des bases équivoques et éphémères.
Le FPI de Gbagbo et le RDR de Djéni, alors dans l’opposition, ont créé, en 1995, le Front républicain pour un unique dessein: casser le PDCI-RDA, comme le reconnaissait Gbagbo, et, selon Djéni, le réduire à l’état de vestiges au nord du pays et de reliques au sud.
Après la mort de Djéni, ce Front est mort de sa belle mort en 2000 puisque les objectifs étaient devenus antagoniques: la prise du pouvoir que chaque leader de ce mariage politique visait.
Et ce PDCI-RDA et le RDR, le parti sorti de ses entrailles, ne se sont pas posés beaucoup de questions pour chanter à l’unisson alors qu’ils étaient, eux aussi, dans l’opposition après la victoire électorale de Gbagbo .
La violée (Bédié), comme raillait Gbagbo, est tombée amoureuse de son violeur (Ouattara, soupçonné du putsch de 1999 qui a renversé le régime du PDCI-RDA). lls ont fondé, en 2005, le RHDP avec pour mission de mettre fin au pouvoir de Gbagbo.
Mais il a suffi que Bédié se heurte au niet de Ouattara de lui faire la passe en 2020 pour que l’idylle prenne fin en 2018. À sa suite, Soro Guillaume s’est détaché de Ouattara et du RDR.
Quand quelqu’un laisse, quelqu’un prend, chantent nos artistes zouglou. C’est donc avec ces anciens alliés du G7 et du RHDP que l’autre faction du FPI a pris langue pour former une platefome politique.
Or, Bédié est le « pneu réchappé » qui se félicitait de l’oeuvre du RHDP pour avoir débarrassé le pays de Gbagbo, le « tyran ». Soro Guillaume est celui qui a conduit une rébellion armée, de 2002 à 2011, contre le pouvoir FPI.
Mais, dans le contexte actuel, leurs accointances d’hier sont passées par pertes et profits et ils sont accueillis avec joie parce qu’ils ont tourné le dos à Ouattara, l’adversaire du moment qu’il faut combattre et abattre.
C’est pourquoi si tout le monde reconnaît que Nelson Mandela a bel et bien négocié avec le pouvoir blanc de l’apartheid en Afrique du Sud avant de recouvrer la liberté, des acteurs ivoiriens se dressent quand ils apprennent que le pouvoir a envoyé ou veut envoyer une délégation pour rencontrer Gbagbo à Bruxelles.
Les détracteurs se recrutent parmi ceux qui, justement, ont condamné fermement les marches des pro-Gbagbo à La Haye. Ils estimaient que ces manifestations étaient contre-productives, au contraire des négociations avec le pouvoir ivoirien notamment.
Mais voilà que cette perspective, dans la guéguerre, est désormais vouée aux gémonies. On feint ainsi d’ignorer que depuis La Haye, les tractations ont cours entre Ouattara et Gbagbo pour la sortie de crise.
Et puis si chacun soutient que Nelson Mandela ne s’est pas renié, à sa sortie de prison, pour devenir le premier président noir d’Afrique du Sud au nom et pour le compte de l’ANC, cette possibilité est refusée à Gbagbo. Il est, lui, accusé, avant la lettre, de compromission avec le pouvoir.
Ces imputations sont cousues de fil blanc. Et le parcours politique du mis en cause montre leur vacuité: Gbagbo a combattu le parti unique et Houphouët-Boigny, faisant quatre fois la prison, affronté Bédié en lançant le mot d’ordre de boycott actif en 1995, croisé le fer avec le général Guéi Robert, chef de la junte militaire, qu’il a vaincu, en 2000, dans les urnes et dans la rue, et s’est insurgé contre la communauté internationale en 2010.
Peut-on penser que c’est au soir de cette vie politique sans abjuration et alors que la victoire finale, après son acquittement à la CPI, lui tend les bras que Gbagbo va jeter l’éponge devant un adversaire politique qu’il continue d’accuser d’usurpation du pouvoir, car n’ayant pas remporté, à ses yeux, la présidentielle de 2010!?
La politique est certes, selon Bédié, l’art de l’impossible, mais de là à considérer que Gbagbo va hypothéquer plus de 40 ans de passion politique, pour les beaux yeux de certains, il y a des pas que beaucoup devaient se garder de franchir aussi
facilement…
F. M. B.
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