Les chiffres effrayants de la dégradation des côtes de la Côte-d’Ivoire, du Bénin, du Togo et du Sénégal

(Ecofin Hebdo) – Quelles sont les conséquences de la dégradation de la bande côtière en l’Afrique de l’ouest? Pour répondre à cette question, des experts de la Banque mondiale se sont penchés sur le cas de quatre pays de la région: Bénin, Togo, Côte d’Ivoire et Sénégal. Au terme de leur travail, ils énoncent des chiffres glaçants: chaque année, un coût de 3,8 milliards de $ et surtout 13 000 morts.

Dans les quatre pays concernés par l’étude « coût de la dégradation de la côte en Afrique de l’Ouest » presque de 20 millions de personnes vivent dans les zones côtières s’étendant sur 3400 kilomètres. Cette frange représente 36% de la population totale de ces pays, et contribue à la création de 56% de leur produit intérieur brut (PIB). 67% de cette population riveraine vit en milieu urbain. Maria Sarraf, l’une des co-auteurs de ce rapport explique les raisons de l’attrait de ces côtes. « La zone côtière est un pole de croissance économique en Afrique de l’ouest, ceci incite de plus en plus les populations à s’y installer et cette situation met beaucoup de pression sur les terres et les ressources naturelles ».

Selon l’étude de la Banque mondiale, la dégradation de la zone côtière coute 3,8 milliards de $ à ces 4 pays soit 5,3% de leur PIB combinés de 2017. Les inondations et l’érosion côtière, ainsi que les conséquences indirectes qui y sont liées, représentent plus de 60% de cette facture. Celle-ci est complétée par la pollution de l’eau et de l’air ainsi que par les déchets. Outre le coût financier, ces pays paient un autre tribut, en vies humaines, celui-là. En effet, la dégradation de la zone côtière fait presque 13 000 morts par an. Sur ce total, la pollution de l’eau tue plus de 10 000 personnes tandis que celle de l’air fait 2500 victimes.

La répartition du coût de ces fardeaux est inégale entre les pays. Ainsi, par exemple, si les inondations provoquent des pertes évaluées à 1,45 milliard de $, la Côte d’Ivoire prend sur elle l’essentiel de cette facture avec 1,183 milliard de $ soit 2,9% de son PIB.

Ainsi, par exemple, si les inondations provoquent des pertes évaluées à 1,45 milliard de $, la Côte d’Ivoire prend sur elle l’essentiel de cette facture avec 1,183 milliard de $ soit 2,9% de son PIB.

Le pays est suivi par le Sénégal (230 millions de $), le Bénin (29 millions de $) et enfin le Togo (10 millions de $). Et l’addition devrait être encore plus lourde, car, estiment les experts, si les inondations ont augmenté sur les cinquante dernières années, cette tendance devrait se maintenir dans les années à venir. « Le long de la ceinture côtière, on s’attend à une vulnérabilité accrue des corridors et agglomérations aux pressions liées au changement climatique – inondations, ondes de tempête, montée des mers, salinisation et érosion des côtes. Les changements dans les températures et les précipitations (qu’ils soient saisonniers ou qu’il s’agisse de la fréquence et de l’intensité des pluies) vont vraisemblablement faire de l’insécurité alimentaire une réelle menace pour l’Afrique de l’Ouest. » prédisait déjà l’édition 2014 du “rapport sur l’état des villes africaines”. Au Sénégal, déjà 200 000 personnes sont concernés chaque année par les inondations.

Pour sa part, l’érosion affecte plus de la moitié de la côte des pays étudiés. Le Sénégal et le Bénin sont les pays les plus touchés par le phénomène (65% de leur littoral). Dans ce dernier pays, la mer gagne 4 mètres chaque année, avalant infrastructures et habitations d’une valeur de 117 millions de $, soit 1,3% de son PIB. Au Togo, c’est 4,4% du PIB (213 millions de $) qui sont perdus, tandis qu’au Sénégal, ce coût s’élève à 537 millions de $.

Au Bénin, la mer gagne 4 mètres chaque année, avalant infrastructures et habitations d’une valeur de 117 millions de $, soit 1,3% de son PIB. Au Togo, c’est 4,4% du PIB (213 millions de $) qui sont perdus, tandis qu’au Sénégal, ce coût s’élève à 537 millions de $.

La pollution de l’eau est essentiellement la conséquence des carences de l’urbanisation dans ces pays. Ainsi, en l’absence d’infrastructures adéquates, les eaux usées issues des activités domestiques, agricoles ou industrielles sont déversées dans la nature.

Ainsi, seulement 10% des 335 millions de m3 d’égouts produits annuellement dans les quatre pays sont traités. Le reste, va dans les rivières ou à la mer sans traitement. Cette situation contribue à la diffusion des maladies liées à l’eau et fait des dégâts au sein des populations. Ces maladies coûtent particulièrement cher à la Côte d’Ivoire (450 millions de $) et au Sénégal (334 millions de $). En ce qui concerne la qualité de l’air, elle se dégrade sous l’effet combiné de l’urbanisation, des transports et du développement du tissu industriel. Un pays comme la Côte d’ivoire paie annuellement un tribut d’environ 165 millions de $ (soit 0,4% de son PIB de 2017) à la pollution de l’air. Pour les quatre nations, la facture est de 215 millions de $, soit 0,3% de leur PIB combinés.

La gestion des ordures est l’une des difficultés contribuant à la dégradation des zones côtières. Si les populations côtières de ces pays produisent ensemble quelques 10 000 tonnes de déchets par jour, l’absence de décharges sanitaires les contraignent à les brûler ou à s’en débarrasser via des dépotoirs sauvages. Cette situation coûte 192 millions de $ soit 0,3% de leur PIB combinés aux quatre pays. « L’effet combiné de la pollution de l’air, de la pollution de l’eau, et des déchets, pèse lourdement sur la santé des gens et la qualité de vie des citoyens. Cette pollution a été estimé d’après nos études à 1,4 milliard de $ pour les seuls pays du Senegal, du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Bénin” souligne Maria Sarra.

Pour lutter contre le phénomène, la Banque mondiale a initié le programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA). Doté d’une enveloppe de 225 millions de dollars, il ciblera la construction d’infrastructures destinées à réduire l’érosion côtière. Ces infrastructures grises, comportent notamment épis, brise-lames, ouvrages de protection, revêtements et autres digues. Un accent sera également mis sur le développement d’infrastructures vertes. Celles-ci, naturelles ou artificielles, reproduisent les caractéristiques d’éléments protecteurs comme les recifs, les forêts de mangrove ou encore les dunes. Enfin, le programme pourra éventuellement contribuer au déplacement et à la relocalisation de populations menacées par la dégradation du littoral. Si pour Maria Sarraf, cet effort peut contribuer à réduire la pression sur les côtes, les populations quant à elles, ne doivent pas rester inactives. Ainsi, elle doivent adopter l’économie circulaire basée sur les 3R. « Réduire la production de déchets, réutiliser les produits, et encourager le recyclage ».

Aaron Akinocho

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