Ainsi donc, cette rencontre entre Laurent Gbgabo et Pascal Affi N’guessan qui aurait du marquer les esprits et inaugurer une ère nouvelle, s’est terminée en « eau de boudin ». je voudrais juste pointer quelques incongruités.
Le journaliste de RFI, Robert Navarro, présent à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaule qui attendait d’enregistrer la déclaration de l’ancien premier ministre, était apparemment une bonne connaissance d’Affi, et cela ne pouvait que mettre notre homme en confiance. Par ailleurs selon les dires même d’Affi, relevé par plusieurs personnes, ce dernier savait qu’il y avait des préalables et les aurait acceptés. Donc son étonnement quand on lui rappelle les préalables est pour le moins étrange. « Je vais voir mon patron en Belgique», lisait-on sur la page de couverture de Notre Voie, le journal que le mécène Marcel Gossio avait sauvé d’une mort certaine, car boudé par trop de militants ; les partisans de l’ancien premier collaborateur de LG étaient aux anges, la réconciliation était en marche, en annonçant la visite ainsi, de « l’employé » chez son « Patron, on croyait savoir ce qui allait suivre, Affi allait rentrer dans le rang, acceptant de rendre le parti à son maitre libéré, tel un bon gestionnaire à qui son supérieur à son retour demande des comptes. Et comme il allait faire allégeance au Boss, connaissant la bonté naturelle de LG, il aurait été réintégré dans la grande famille FPI ; du coup, les autres « employés » eux aussi accepteraient ce retour au bercail de la brebis dissidente et rebelle. Et autour de la table, avec le chef, ils auraient éclairci les choses. C’était l’occasion pour chacun de venir avec son amour propre, froissé, mais dans ce désir sincère de réconciliation et d’unification, oui, dans le dialogue, le respect, l’écoute, il y aurait du y avoir un commencement de terrain d’entente.
Selon le porte parole du président Gbagbo, Affi aurait accepté avant même de prendre son billet d’avion les conditions de la visite. Alors quel plan Affi suivait-il ? Voulait-il ruser, faire croire que sa déclaration se ferait après coup, une fois qu’il aurait rencontré LG ? Au vu de ce que nous avons lu et entendu, si le Prési avait cédé par bienveillance, sans vigilance, cette communication nous aurait fait encore plus froid dans le dos, car il est évident qu’Affi débouté, dépité, empêché de faire son numéro solo, ne s’est pas transformé en 10 minutes chrono de fidèle collaborateur en farouche adversaire du Président Gbagbo. La violence de son propos, lors de sa conférence de presse, les applaudissements moutonniers de son auditoire l’ont peut être encore davantage galvanisé et poussé dans son dérapage incontrôlé de sa langue. Lui le « méprisé », « l’humilié », celui qui voulait imposer sa feuille de route, a été pris en flagrant délit de traitrise ; pris de court parla présence du journaliste de RFI, il lui fallait parler, donner des gages, démontrer que les slogans par lui prônés renvoyaient à une réalité : « je vais chez mon patron », signifie « j’impose silence à mon égo, parce que le FPI n’est pas ma chose, mais un instrument au service du peuple de Côte d’Ivoire, pour son éveil, son épanouissement et sa libération ». Et pour Affi ce n’était aps possible. D’ou le clash à l’aéroport. Fin de l’Acte 1
Lors de la conférence de presse qui suivit le surlendemain, LG devient un Frondeur qui se projette dans un hypothétique avenir, face à un Affi qui depuis Marcoussis attend impatiemment son heure de gloire. Monsieur 9%, tel « Perrette et son Pot au lait » se voit déjà calife à la place du calife. Il sous entend même que Gbagbo aurait planifié son assassinat politique. Chose totalement incohérente : depuis quand un condamné à mort demanderait-t-il à être reçu par celui qui veut l’assassiner ?
Son grand argument, LG est atteint par la limite d’âge, eh oui, passé la barre des 70 ans on est vieux et sénile, or c’est ce qui guette également le « jeune homme » de Bédié dans deux ans ! Et son accointance avec le chef de file du PDCI qui a franchement dépassé la date de péremption, ne rajoute rien à la cohérence de son propos
Oser faire de LG 74 ans un futur Mugabé de la Côte d’Ivoire qu’il faut déposer comme un Boutéflika, parce qu’il ne pourrait plus tenir pas la route, me laisse pantelante. Au passage, rappelons ces sages propos de Robert Mugabé, 91 ans, face au président Obama, qui dans son discours de 2016, encourageait vivement le Zimbabwé à recourir à des lois protégeant et promouvant l’homosexualité, la réaction du président, ne s’est pas fait attendre, il suggérait de passer la nuit avec son homologue américain, pour qu’il puisse ensuite se prononcer en tout état de cause. Cette sagesse, digne de la sagesse de Salomon a cloué le bec de l’américain, et il n’en a plus été question. Réaction de sénile ? Certainement pas, je n’aurais eu cette vivacité d’esprit pour oser une réponse si surprenante, prenant de court son interlocuteur et l’empêchant totalement de rebondir !
En invoquant son ami Emmanuel Aka, qui devait jouer les entremetteurs, Affi avoue qu’il n’a pas eu de contact direct avec le chef, et aussi que la demande venait de lui. Si le Chef l’avait convoqué, s’il y avait eu des échanges, il n’y aurait plus eu besoin d’intermédiaires.
« Le Président Laurent GBAGBO a rappelé à Monsieur Pascal AFFI N’GUESSAN que toute sa vie, il s’est battu pour la souveraineté, la démocratie et le multipartisme en Côte d’Ivoire. Dès lors, il ne saurait accepter aucun recul sur l’acquis du multipartisme en Côte d’Ivoire qui se manifesterait par la manipulation et l’ingérence de l’État dans la vie du parti » nous révèle le communiqué d’Assoua Adou, l’homme de confiance qui a remplacé feu Aboudramane Sangaré.
Dès lors le décor est planté. Affi doit marcher sur les plates bandes du Président et non l’inverse. De ce fait son accointance avec Ouattara, sa reconnaissance étatique, sa confiscation du logo du FPI, son rapprochement avec Bédié et sa plateforme de discussion, alors qu’il a refusé celle d’EDS, devaient l’amener à reconnaître qu’il s’était fourvoyé dans une voie sans issue, loin des objectifs et directives du parti et de son mentor. Revenir vers Gbagbo, c’était ouvrir une page nouvelle, retrouver le souffle du chef, ressouder les hommes dans une même vison, un même but, la reconquête du pouvoir afin d’offrir un avenir au peuple si meurtri de Côte d’Ivoire.
En étudiant un peu son discours et ses réponses, on voit que l’homme n’a pas changé, il a cru que son coup de théâtre dans un ciel bienveillant, allait jeter le discrédit sur Laurent Gbagbo et enfin lui ouvrir la voie vers la notoriété politique. Comme Ouattara, c’est un mal aimé, un homme sombre, sans véritable charisme, mais très ambitieux. A plusieurs reprises, lors d’évènements graves, on aurait attendu sa réaction, et elle venait toujours en décalage, ne voulant pas être de reste après que les uns et les autres se soient exprimés. Ainsi, alors que l’école ivoirienne est sabordée, les enseignants privés de leurs comptes bancaires, qu’il y a régulièrement des expropriations, des déguerpissements, que la santé et l’état des hôpitaux est plus que critique, que ces hôpitaux vont passer dans des mains privées, la voix d’Affi se fait faible, il est presque aphone, contrairement à Mamadou Coulibaly qui s’exprime régulièrement via les réseaux sociaux sur les sujets graves du moment. Ce que nous voyons souvent, c’est un Affi qui a rencontré régulièrement des occidentaux ; on nous dit que pendant tout le temps de l’incarcération du président Gbagbo, il a œuvré à sa libération, « silence il travaille », il est trop occupé, il reçoit, il négocie avec l’internationale socialiste…
En fait à Marcoussis, les Français avaient mis en avant Guillaume Soro, promettant à Affi N’guessan que son heure sonnerait, mais plus tard… Et depuis Affi attend…
Ce soir sa porte-parole et secrétaire générale Agnès Monnet annonce en ligne sa démission. Affi est allé trop loin, son égocentrisme l’a empêché d’entendre la déferlante des vagues tumultueuses qui agitent son équipe. Le navire prend l’eau, et les derniers fidèles sautent dans les chaloupes, laissant le capitaine Affi seul aux commandes de son Titanic.
RFI résume en quelques mots sa conférence de presse : il est candidat à l’investiture FPI des élections présidentielles de 2020. Affi n’a pas bougé d’un pouce, son désir de visite à Bruxelles ne devait qu’alimenter sa Com, il lui faut écraser Gbagbo pour se grandir, humilier son chef pour exister un peu plus. Pauvres naïfs que nous étions !
Dans ce jeu de dupes, nous savons tous qu’Affi ne peut agir seul. Ses deux parlementaires et lui ne pèsent pas lourd sur les bans de l’Assemblée nationale, sa main tendue à Bédié lui donne l’impression de renouer comme jadis avec la cour des grands. Il se croit fort, car il a ses entrées au PDCI, son nouvel ami Bédié est prêt à accueillir LG dans sa plateforme, histoire d’embarrasser un peu plus son allié d’hier Alassane Ouattara. Mais son affection pour LG s’arrête là, car Laurent Gbgabo, -et EDS aussi-, ne songe pas à s’asseoir avec lui pour fumer le calumet de la paix, histoire d’enfumer le RHDP unifié ! Libre, LG ne va pas devenir le vassal, l’inféodé d’un autre. Toute sa vie, il est resté fidèle à sa ligne de conduite, souverainiste, démocrate et fervent militant du multipartisme.
Certains pour essayer de comprendre les propos tellement virulents et déplacés d’Affi, croient savoir qu’il serait manipulé par un Ouattara menaçant à tout moment de mettre en prison sa compagne Angéline Kili. Cette dernière avait écopé de 20 ans de prison dans l’affaire du café cacao sous Gbgabo, mais comme il n’y a jamais eu de mandat de dépôt, cette peine de prison reste pendante… Ceci expliquerait cela. J’en doute un peu, car même si ce chantage est réel, notre Affi se prenant déjà pour l’unique héritier du père fondateur, a vu que toutes les tentatives de corruption de LG ont échoué, et c’est justement ce qui fait la grandeur de cet homme. Tout disciple qui se respecte doit inscrire ses pas dans les siens qui ont frayé le chemin de l’émancipation face à la colonisation.
Affi demeure le chef du FPI, car un dictateur l’a décrété et pris sous son aile. Mais que retiendra l’histoire de Ouattara ? Qu’il a un doctorat dont aucune université n’a la trace, qu’il a un carnet d’adresses qui n’ouvre aucune autre porte de la prospérité économique, qu’il ment plus vite que l’écho de sa voix, que ses voeux ne sont même pas pieux, car la ferveur d’El Hadj Ouattara qui a promis de libérer tous les prisonniers ne s’exerce que le vendredi, ses sourires, son enthousiasme et ses promesses seulement quand il est à l’Etranger. Que son patrimoine s’alourdit quand celui de la CIV n’est que dettes et misères.
Mais ce qui m’attriste le plus dans cette pénible affaire, c’est l’attitude des suiveurs d’Affi qui se défoulent sur la toile. Respectueux et admiratifs hier ; aujourd’hui, s’engouffrant dans le sillage d’Affi, ils affichent un mépris et une suffisance sans précédent. A suivre aveuglément leur mentor Affi, ils n’ont même pas remarqué que leur cerveau avait été lavé et essoré, à la hauteur des personnes séniles qu’Affi voudrait supprimer de la scène politique, habités par une amnésie sans nom, n’enregistrant même pas la démission d’Agnès Monnet porte parole du mouvement d’Affi !
Quel dommage, quel naufrage. Après l’esclandre d’Affi à l’aéroport de Paris, j’avais écrit qu’en politique ivoirienne l’humilité est rarement au rendez-vous, et pourtant la réconciliation tellement désirée, tellement attendue, c’est cela ; comme dans le couple, le plus courageux esquisse le premier pas et l’autre suit…mais qu’il est difficile à celui qui s’est éloigné de rentrer au bercail par la petite porte. Du coup, ça empêche le berger et tout le troupeau de se réjouir et de faire la fête avec lui.
Une chose est sûre, en dehors des quelques affidés persévérants, probablement des abonnés aux tickets restaurant de la cantine Affi, la page va se tourner d’elle-même, car on ne peut construire sur ces bases de haine et de mépris, de règlement de compte. Le Président Gbagbo a certainement voulu tester son ancien premier ministre et la réaction « sanguine » de son ex collaborateur a dévoilé un personnage sans fard, sans masque, qui pour s’affirmer a voulu piétiner celui qui l’a mis sur le devant de la scène. « Le président Gbagbo n’est pas le président du FPI… Ni aujourd’hui ni demain je ne reconnaîtrai pas ça. Où a-t-il été élu ? À La Haye ? » Totalement dans le déni, quand on lui dit « Congrès de Mama et de Moossou », il répond « La Haye », comme si LG avait téléporté le parti là-bas !
Vivement que l’ancienne majorité présidentielle qui se retrouve dans EDS se prépare pour 2020, car la division ne fait que profiter à Ouattara et à Soro, et le temps est court. Quelle redevienne rapidement un contrepoids pour peser lourdement dans la mise en place de la nouvelle commission électorale « indépendante ». Les ivoiriens attendent ici et maintenant que l’école reprenne, que les enseignants qui sont en charge de la prochaine génération aient un salaire convenable, que le système de santé soit revalorisée, que de vrais emplois soient crées, que les diplômes ivoiriens redeviennent de véritables diplômes reconnus, que la jeunesse puisse voler de ses propres ailes, sans être obligée d’habiter chez papa/maman, à 35 ans car sans travail, sans avenir ! Les Ivoiriens attendent des paroles fortes et des attitudes et actions fortes.
Le président Gbagbo désirait de tout son être se libérer de la tutelle françafricaine, car la CIV peut être autonome, c’est un pays d’agriculture, son sol et sous-sol sont riches, ses cadres sont instruits, sa jeunesse veut se battre pour un avenir meilleur, ceux qui ont eu la chance d’étudier à l’étranger sont désireux de rentrer pour mettre leurs compétences à disposition de la reconstruction du pays.
Affi dans son discours de ventriloque n’a fait qu’évoquer son égo, son avenir, révélant que le destin de la CIV, agonisante mais pouvant se redresser en privilégiant la non ingérence de la France et de la communauté internationale, n’est pas au cœur de son combat. Sa pseudo escapade franco-belge, c’était juste pour tenter d’attirer l’attention sur lui, se présenter comme la meilleure alternative pour la CIV face à un LG absent, libre mais cloitré en Belgique.
Il s’exprimait pour les français, les Européens, la communauté internationale ; il parlait tellement haut et fort qu’il en a oublié ses quelques fidèles qui plusieurs fois ont été déroutés puis ont pardonné. Mais lors de cette conférence de presse, décidément le verbe a dérapé, et le baume de la réconciliation tant attendu est devenu du vitriol jeté à la face des ivoiriens en souffrance.
« Je me suis engagée auprès du président Laurent GBAGBO de tout mettre en œuvre pour favoriser l’unité au sein du Parti » écrit madame Agnès Monnet dans sa lettre de démission. Son travail, depuis le 1er février 2019 date à laquelle le Président Gbagbo a été libéré n’a servi à rien, puisque Affi vient en quelques heures de démolir son espérance et celle de tous ceux qui ont cru jusqu’à hier à une réconciliation possible. «je ne puis que faire le constat douloureux de l’échec de cette initiative mienne. En plus, ta dernière conférence de presse subséquente vient compliquer le tableau en jetant la suspicion sur ma démarche. Toute chose qui ne saurait que consacrer la rupture que j’avais redoutée ».
Cette lettre dévoile aussi qu’Affi a oublié ce qu’est la collégialité, il travaille en solitaire, en souterrain, sans en avertir les siens pour finalement les mettre devant le fait accompli ; Madame Monnet qui connaît bien Affi ose évoquer la crise de leadership, qui a perduré pendant toutes ces années, où Affi ne s’est pas montré à la hauteur du disciple qui doit égaler son maitre absent.
Un communiqué émanant du Sercom d’Affi à 23h se voulait rassurant « La direction du parti tient à rassurer les militants et militantes, l’opinion nationale et internationale, qu’elle n’a été saisie d’aucune lettre de démission émanant de la concernée. » signé la Direction.
Mais la démission est bien réelle, les journaux comme FratMat ont été directement contactés par Madame Monnet, et ce matin ils publiaient sa lettre. C’est ainsi que l’homme politique Affi rassure son monde par un petit mensonge de rien du tout, « Tout va bien », il gère la situation, il gère les gens, il gère le parti, il gère le pays…Va-t-il nous trouver un sauveur qui va voler à son secours comme les Russes qui devaient intervenir en mars avril 2011 et sauver le président Gbgabo ? Plusieurs personnes m’ont assuré que ce pieux mensonge sortait des officines du premier ministre de l’époque.
Alors, bienvenue en Ouattarandie bis ? Non il faut vraiment que ça change !
Fin de l’acte II, rideau !
Shlomit Abel, 25 mars 2019
Cet article est juste du chiffon…. Koudou Gbagbo et ses conseillers n’ont pas été très intelligents . Encore une 2eme faute apres la 1ere qui amené sa chute brutale.