La Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples rappelle, selon les dires de KOACI résultant des attaches qu’il aurait pris avec elle, qu’en raison de l’article 7 de l’arrêt adressé à l’Etat de Côte d’Ivoire, elle lui ordonne de modifier la loi et non de réformer ou recomposer l’organe en charge de l’organisation des élections en Côte d’Ivoire.
Article 7 : « Ordonne à l’Etat défendeur de modifier la loi N°2014-335 du 18 juin 2014 relative à la commission électorale indépendante pour la rendre conforme aux instruments ci-dessus mentionnés auxquels il est partie. » Cette loi qui modifie la Loi 2001-634 du 09/10/2001, après plusieurs autres modifications intermédiaires (2004 et 2005), va en effet beaucoup plus loin que la simple composition de la CEI. Elle porte sur son régime (statut et immunités), ses compétences (attributions, domaines d’action, pouvoirs de décision, indépendance) et son fonctionnement ( procédures de travail).
On observera, que cette décision ne fait pas intervenir dans son champ d’application, le découpage électoral et la reprise de la liste électorale. Ces éléments relavent de la discussion politique et du dialogue social interne en vue d’obtenir un large consensus sur ces fondamentaux. Cependant, même une telle extension du champ de la réforme, ne résout pas pour autant la question de l’existence juridique de certaines formations politiques, dont notamment le FPI canal-historique. Il est en effet, difficile de concevoir l’exclusion de certains acteurs de la vie démocratique et institutionnelle du pays, sans susciter une tension socio-politique ou une difficulté quant au caractère inclusif de la compétition électorale et le caractère représentatif du système démocratique que nous voulons mettre en place. Ces questions ayant un impact direct sur l’équité du processus et l’autorité éthique des gouvernants qui en sortiraient vainqueurs, faute d’un large consensus et d’une représentativité suffisante. Il appartient à ces forces politiques de se mettre en conformité avec la Loi, pour permettre une véritable avancée.
Nous voyons bien que les fondements juridiques ne suffisent pas à régler la question de la réforme du processus électoral en lien avec l’égalité des citoyens devant la Loi et le progrès démocratique de notre système de gouvernance. Il nous faut faire preuve de maturité et de responsabilité dans la qualité du dialogue social et politique, sans parasiter celui-ci par des enjeux de pouvoir et des considérations partisanes. Jamais la Côte d’Ivoire n’a eu autant besoin de responsabilité, d’objectivité, de prudence, de tempérance et de justice, en tant que vertus primordiales pour la reconstruction de la paix dans notre pays. Or, les entrepreneurs politiques, plutôt que de modérer les passions comme l’exige le sens de leur responsabilité dans la consolidation de la paix, les entretiennent et les exacerbent. Chacun campant sur ses positions, ils restent tous sourds au dialogue. Celui-ci s’opère dans les deux sens et n’est pas subordonné à l’obtention d’une satisfaction, mais permet néanmoins d’atteindre un seuil de compréhension dans le traitement de la différence et d’obtenir un compromis équilibré.
Par ailleurs, des esprits chagrins et des partisans robotisés et mal formés n’hésitent pas à nouveau à introduire la violence dans le champ politique, par l’incivilité et les attaques personnelles, plutôt que de s’intéresser aux idées et aux projets. Cette situation est majorée par le déséquilibre apporté dans la gestion de la post-crise. Ces ingrédients pourraient constituer les facteurs majeurs faisant obstacle à la complétude de la réconciliation totale du corps social et empliraient pour partie l’absence du FPI-Canal historique, dont le poids électoral est évalué à plus du tiers de la population, dans la reconstruction de notre système démocratique et électoral. Cependant, cette situation ne doit pas oblitérer pour autant, les errements stratégiques de l’opposition classique et celle de la dissidence de la majorité convertie en opposition opportuniste.
La recomposition du paysage politique se fait également autour de la dénonciation du pacte social (rupture des alliances et aggravation du mécontentement général), mais aussi de la fin des utopies (illusions et espoirs suscités) et de la démagogie populiste (instrumentalisation des émotions et bilans comparatifs). Si le climat après-crise était serein, stable et pacifique(tous les éléments et acteurs de la crise étaient sous contrôle), celui-ci a soudainement changé de manière brutale. Les tensions socio-politiques sont revenues avec la crise qui a surgie au sein de la majorité uniquement pour des enjeux de pouvoirs et non des divergences programmatiques ou idéologiques, si l’on excepte le cas SORO ( homme de gauche de formation et « marxiste ») et encore. Aujourd’hui l’opposition s’est renforcée sans vision unitaire et sans offre politique alternative. Dès lors, le clivage est centré désormais sur ceux qui veulent nous faire avancer et ceux qui veulent nous ramener en arrière, entre efficacité de l’action politique et populisme, entre parisianisme aveugle et bien commun, entre passion et raison. Autrement dit, le débat au-delà de la transparence et de la crédibilité du vote, se focalise sur l’utilité de celui-ci à la Nation toute entière, et sur la réconciliation entre les impératifs du progrès et la nécessité du changement.
Cette invite à la réflexion sur notre avenir disqualifie du coup les vandales de la République qui menacent d’effondrement ses piliers et qui veulent faire de la réconciliation une nouvelle ligne de fracture sociale. Ces mutations soulignent aussi l’urgence de transmettre le pouvoir à une nouvelle génération, car symptomatiques de la crise provoquée par les transformations de notre société. Nous devons redécouvrir le sens de l’histoire et que la vie de la Nation est encore plus haute que celles des formations politiques et de nos personnes. Il nous faut rendre à la Côte d’Ivoire la paix et la fraternité qu’elle n’aurait jamais du abandonner. Le temps est venu de mesurer ce que nous avons perdu dans notre descente aux enfers et retirer la voix aux robots fanatisés de la propagande et de la déformation pour restituer à la démocratie la voix de l’urne. Nous devons cesser de parler de tactiques politiciennes, pour ne discuter que de visions pour l’avenir de notre pays. Au cœur de celles-ci apparaissent la question nationale face aux excès de la mondialisation et les préoccupations identitaires face à la crise de notre civilisation, la question de l’état de droit face aux injustices et à l’abus de pouvoir, mais surtout celle de la restauration des valeurs qui participent à la dignité de l’homme. Rien ne doit être épargné pour aboutir à un consensus le plus large possible sur ces fondamentaux, car nous en avons besoin pour changer d’échelle.
SOUMAREY Pierre Aly
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