Le président vénézuélien se dit en revanche ouvert à de nouvelles législatives L’opposition prépare une nouvelle journée de manifestations, mercredi.
Nicolas Maduro avait déjà rejeté, la veille, l’ultimatum européen qui lui enjoignait, sous huit jours, d’organiser une élection présidentielle pour sortir de la crise. Le président vénézuélien, réélu en mai 2018 au terme d’un scrutin boycotté par les principaux partis de l’opposition [soutenus par les occidentaux], vient d’enfoncer le clou, devant les micros de l’agence de presse russe RIA Novosti, mercredi 30 janvier, à l’aube d’une nouvelle journée de manifestations.
« Nous n’acceptons les ultimatums de personne dans le monde, nous n’acceptons pas le chantage, a-t-il insisté. L’élection présidentielle a eu lieu il y a moins d’un an, il y a dix mois. Elle a eu lieu selon toutes les règles constitutionnelles et légales, et si les impérialistes veulent de nouvelles élections, qu’ils attendent 2025. »
« Je suis prêt à m’asseoir à la table des négociations »
L’héritier d’Hugo Chavez a toutefois laissé entendre qu’il était disposé à organiser des législatives anticipées : « Ce serait très bien d’organiser des élections législatives plus tôt, cela constituerait une très bonne forme de discussion politique, une bonne solution par le vote populaire. » Et d’ajouter :
« Je suis prêt à m’asseoir à la table des négociations avec l’opposition pour parler pour le bien du Venezuela, pour la paix et son avenir. »
Interrogé sur une possible médiation internationale, Nicolas Maduro a assuré qu’il y avait « plusieurs gouvernements et organisations dans le monde qui [montraient] une préoccupation sincère », et a souhaité qu’« ils soutiennent le dialogue ».
Juan Guaido interdit de sortie du pays, ses comptes bancaires gelés par la Cour suprême
Il s’est également dit « prêt à discuter personnellement avec Donald Trump, en public, aux Etats-Unis, au Venezuela, où il voudra, quel que soit le programme ». Il a cependant estimé que c’était « difficile aujourd’hui », notamment en raison des agissements, selon lui, du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, qui « a interdit à Trump de mener ce dialogue ».
« Toutes ces années, a-t-il ajouté, j’ai fait plusieurs tentatives, j’ai essayé à titre personnel d’envoyer des messages à Trump, ou publiquement par les médias, pour établir une communication, un respect et un dialogue avec le gouvernement américain malgré les différences politiques, culturelles et idéologiques. »
« Mon destin est entre les mains de Dieu, je suis chrétien, je crois en la protection du Seigneur. Je suis toujours protégé par le peuple du Venezuela, nous avons un bon service de renseignement », a-t-il déclaré. « Mais sans aucun doute, Donald Trump a donné l’ordre de me tuer, et dit au gouvernement colombien, à la mafia colombienne, de me tuer. Si quelque chose m’arrive un jour, Donald Trump et le président colombien, Ivan Duque, seront responsables de tout ce qui m’arrive. »
A la question de savoir si Juan Guaido, autoproclamé président par intérim le 23 janvier, risquait d’être arrêté, Nicolas Maduro affirme qu’« à [sa] connaissance, cette mesure n’[avait] pas encore été prise ».
Et d’ajouter : « Attendons de voir le déroulement du processus judiciaire et constitutionnel pour voir les conséquences. Ne nous pressons pas. » Tout en précisant : « En tant que chef d’Etat, j’estime qu’un coup d’Etat est en cours et que la Constitution est violée (…) Le procureur général doit agir [puis] la Cour suprême. Elle agit déjà. »
Le président vénézuélien a ensuite exprimé sa « reconnaissance » au président russe Vladimir Poutine. Il a affirmé que le Venezuela continuait de recevoir « chaque mois » de l’armement russe, « le plus moderne au monde », dans le cadre des contrats en vigueur. Interrogé sur la présence de Russes chargés de sa protection, M. Maduro a toutefois répondu d’un ton évasif : « Je ne peux rien dire. No comment. »
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LeMonde.fr avec Reuters
AMÉRIQUE LATINE. PASSE D’ARMES AUTOUR DE LA CRISE VÉNÉZUÉLIENNE
Cathy Dos Santos
Promoteur du coup d’État en cours, Washington espérait rallier au plus vite des soutiens à l’autoproclamé président Juan Guaido. Forte opposition de la Chine et de la Russie.
La stratégie des États-Unis a du plomb dans l’aile. Washington espérait rallier un maximum de soutiens régionaux et internationaux autour de Juan Guaido qui, le 23 janvier, s’est autoproclamé président par intérim du Venezuela. La chose s’est avérée plus délicate que prévu. Dès jeudi, la majorité des quinze chefs d’État de la Communauté des Caraïbes (Caricom) a critiqué l’action du gouvernement de Donald Trump, qui a été le premier à apporter son soutien à l’opposant vénézuélien. « Nous croyons que c’est un précédent extrêmement dangereux (…) sans aucune base juridique, sans un soutien constitutionnel, sans appui du droit international », a commenté Gaston Browne, le premier ministre d’Antigua.
Ce même jour, aucun consensus n’a été trouvé au sein de l’Organisation des États américains (OEA), en dépit des pressions du secrétaire d’État, Mike Pompeo, et du président de l’organisme, Luis Almagro. Seize pays se sont alignés sur la stratégie des deux hommes, tandis que les dix-huit autres ont refusé d’y adhérer. Le Mexique et l’Uruguay, qui ont offert leur médiation à un éventuel dialogue entre l’exécutif socialiste et l’opposition de droite, ont même questionné la légitimité de l’OEA à reconnaître tel ou tel gouvernement. C’est là le point névralgique du coup de force en cours à Caracas avec l’instauration d’une dualité de pouvoirs et d’institutions parallèles en vue de renverser le président Nicolas Maduro.
Mike Pompeo rejoue le scénario qui avait prévalu en Libye ou en Syrie
Samedi, le Conseil de sécurité de l’ONU, réuni en urgence sur demande de Washington, devait se prononcer sur une résolution états-unienne, soutenue par la France, visant justement à accorder « un plein soutien » à l’Assemblée nationale vénézuélienne que préside Juan Guaido. Pékin et Moscou sont parvenus à bloquer ce projet au terme d’une séance houleuse. « C’est le moment où tous les pays doivent prendre parti (…) Soit vous êtes avec les forces de la liberté, soit vous êtes avec Maduro (…) Nous appelons à appuyer la transition démocratique et le rôle qu’y joue le président intérimaire Guaido ! » a sommé Mike Pompeo, rejouant ainsi le scénario qui avait prévalu en Libye ou encore en Syrie. Outre la Chine et l’Afrique du Sud, la Russie ne s’est pas privée de dénoncer « le sale jeu » du bureau ovale et ses tentatives de coup d’État au Venezuela. « Si quelque chose représente une menace à la paix, c’est la posture honteuse et agressive des États-Unis et de ses alliés à vouloir déposer un président légitimement élu », a insisté l’ambassadeur russe, Vassily Nebenzia. Au passage, le diplomate a égratigné les chancelleries allemande, espagnole et française, qui ont sommé Caracas d’annoncer la tenue d’élections anticipées sous huit jours. Paris a été particulièrement visé. D’aucuns ne se sont pas privés de rappeler à la France qu’elle avait davantage affaire avec le conflit des gilets jaunes. Vendredi, Jean-Yves Le Drian avait appelé Nicolas Maduro à « s’interdire toute forme de répression de l’opposition ».
Sa sortie a été copieusement raillée sur les réseaux sociaux, nombre d’utilisateurs rappelant à l’exécutif français son recours disproportionné à la violence contre les manifestants. « D’où sortez-vous que vous avez le pouvoir sur un peuple souverain pour nous fixer des délais ou des ultimatums ? » leur a rétorqué le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Jorge Arreaza. « La tentative des États-Unis de mener à bien un coup d’État est évidente (…) Les coutures sont visibles de toutes parts (…) La stratégie est grossière (…) Comment est-il possible que le président des États-Unis nous menace militairement et qu’il ne soit pas interpellé par le monde ? » a-t-il interpellé.Cette passe d’armes diplomatique a certes freiné les ardeurs de la Maison-Blanche mais pas ses desseins. Sur place, chavistes et opposition continuent d’occuper la rue alors qu’on dénombre déjà près d’une trentaine de victimes en une semaine.
Maduro favorable à la médiation du Mexique et de l’Uruguay
Le président Nicolas Maduro s’est dit favorable à la médiation du Mexique et de l’Uruguay. L’autoproclamé Juan Guaido a, quant à lui, refusé de participer à un « faux dialogue », a-t-il déclaré, conforté, en ce sens, par la première puissance mondiale. Les États-Unis ont en effet décidé d’envoyer un émissaire spécial au Venezuela, dont on sait qu’il manœuvrera aux côtés de l’opposition, ainsi que le transfert d’importantes sommes d’argent pour la soutenir. Sur demande de Mike Pompeo et du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, la Banque d’Angleterre a rejeté la demande de retrait de 1,2 milliard de dollars en or du gouvernement vénézuélien, qui souhaitait récupérer ces fonds qui lui appartiennent. Alors que la crise économique fait déjà rage, l’étranglement financier est un autre levier de la guerre contre Caracas.
Cathy Dos Santos
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