Une Tribune Internationale de Dr Aïcha Yatabary
Paris, Janvier 2019
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Une phrase de Jules Renard empreinte de réalisme affirme ceci : « Nous ne pardonnons jamais qu’à ceux auxquels nous avons intérêt à pardonner ». Et Charlotte Savary de renchérir : « La politique hélas ! est une jungle, trop souvent une brousse fétide, l’enchevêtrement des intérêts brouille la perspective ». Quelle est la perspective en Côte d’Ivoire ? Elle semble être à la réconciliation nationale. En tout cas, celle-ci est devenue le cheval de bataille de la plupart des politiques ivoiriens, du moins ceux qui se positionnent comme opposants au pouvoir actuel.
Guillaume Soro prône la réconciliation nationale. Henri Konan Bédié choisit une posture identique, et prône également le retour de l’ex-chef d’Etat, Laurent Gbagbo, emprisonné à la Haye. Laurent Gbagbo lui-même prône une certaine réconciliation nationale à travers des passages de son dernier livre paru, sous forme d’entretien avec un journaliste. Qui a intérêt à pardonner à son ex-adversaire, quel intérêt motive donc cet élan de nos politiques ? Il est clair que la perspective annoncée, la réconciliation nationale, est dans l’intérêt de tous les fils et filles de ce pays, mais la « jungle » et ses « enchevêtrements d’intérêts » rendra t-elle possible une telle issue ? Pouvons-nous croire ces politiques ou devons-nous faire semblant de les croire, pour peu qu’ils mettent en œuvre cette réconciliation qu’ils semblent appeler tous (ou presque) de leurs vœux, pour le bien-être de ce peuple et la prospérité de ce pays ?
Les alliances ont été faites et défaites à mille reprises dans le jeu politique ivoirien. Ainsi, trois des principaux acteurs de la politique ivoirienne ont vu leurs chemins se rencontrer à un moment ou à un autre. Certaines fois, ils étaient adversaires et d’autres, alliés, comme en témoigne cette première alliance entre le PDCI-RDA et le FPI quelques temps auparavant, souvenons-nous-en. Par ailleurs, Guillaume Soro n’a-t-il pas été, dans ses années étudiant, le « fils spirituel » de Laurent Gbagbo, puis celui qui a entrainé la mort de son régime, avant de devenir aujourd’hui le « fils brillant » d’Henri Konan Bédié, HKB dont il fut un farouche opposant à un certain tournant de l’histoire? En effet, GKS a été une figure de proue de la lutte estudiantine et des revendications portées par ce mouvement lorsque celui dont il est aujourd’hui le « fils brillant » dirigeait la nation ivoirienne.
Aujourd’hui, Guillaume Soro, Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, ont tous introduit la thématique de réconciliation nationale dans leur propos.
Ainsi donc, le discours a évolué. On ne parle pas (encore) d’alliance, mais de réconciliation nationale, du moins du côté de GKS.
La réconciliation nationale selon GKS
« Personne n’a intérêt à jouer contre la stabilité de la Côte d’Ivoire. (…) Je tends la main. Je veux que tous les fils et filles du pays, nous puissions nous donner la main pour reconstruire l’unité et l’union. Ne nous divisons pas ! La division nous mènera droit à la catastrophe. Il faut sauver la Côte d’Ivoire ! Il faut bâtir la paix ». Avant et après cette déclaration du PAN Guillaume Kigbafori Soro en juillet 2017, il a mené de nombreuses actions dans ce sens.
Le Président de l’Assemblée nationale était présent récemment au domicile de feu Aboudramane Sangaré à l’occasion du décès de celui-ci et y a réitéré sa volonté d’aller à la réconciliation nationale. Il y a prononcé à nouveau le mot pardon et a déclaré savoir que le clan de son ex-père spirituel avait « souffert dans sa chair ». Avant cela, il avait fait part de son vœu d’aller à la rencontre de cet ex père spirituel à la Haye afin de demander pardon. Concernant le Président Alassane Ouattara, Guillaume Soro s’est dit prêt à réaliser la même démarche également, en 2017 dans cette déclaration : « Je prends aussi l’initiative d’aller demander pardon à mes aînés, Henri Konan Bédié, à M. Ouattara et même M. Laurent Gbagbo. (…) J’irai demander pardon et me réconcilier avec chacun d’entre eux spécifiquement ». Le Président de l’Assemblée nationale a aussi plaidé pour la libération des prisonniers politiques au nom de cette réconciliation nationale.
Il faut dire que Guillaume Soro est le seul acteur politique à demander pardon à ses ex-adversaires politiques pour les évènements survenus pendant la crise post électorale qu’a connue la Côte d’Ivoire.
La réconciliation nationale selon Henri Konan Bédié
Le PDCI-RDA a posé comme acte majeur en faveur de la réconciliation nationale le plaidoyer pour la libération des prisonniers politiques. Même si ce plaidoyer a débuté au moment des distensions avec le régime actuel, le vieux parti a abondé dans cette rhétorique à travers plusieurs de ses cadres. Le PDCI a souhaité que l’ordonnance d’amnistie qui a abouti à la libération des prisonniers politiques à la veille de la fête d’indépendance, par le Président ivoirien, soit transformée en loi d’amnistie pour « rendre plus inclusif cet acte de réconciliation ».
La piste de l’ivoirité revisitée qu’avait empruntée le vieux parti récemment rendra t-elle possible cette réconciliation nationale ? Le discours d’inclusion de Guillaume Soro sera-t-il compatible avec les thèses identitaires de certains cadres du PDCI ? Ah, ce vieux démon de l’ivoirité !
La réconciliation nationale selon Laurent Gbagbo
Dans son récent ouvrage paru le 13 décembre 2018, Laurent Gbagbo affirme ceci : « Les Ivoiriens sont pacifiques, tout le monde le sait. Etre violent, ce n’est pas leur nature (..). Le Ivoiriens se retrouveront pour vivre le meilleur, ensemble, si on leur rend ce à quoi ils aspirent : la vérité et la justice, la dignité ». Dans ce livre aux forts accents panafricanistes et accusateurs de la France-Afrique, Laurent Gbagbo affiche-t-il une volonté manifeste de pardonner à tous les protagonistes de la crise post électorale de 2011? Rien n’est moins sûr, même s’il affirme sa volonté de voir les Ivoiriens réconciliés. Une alliance avec certains peut-être…
Ces vœux de réconciliation nationale émis par les acteurs politiques ivoiriens sont-ils sincères ? Pour ma part, je ne suis pas dans le cœur de quelqu’un, comme le dirait l’autre. Mais les nations qui ont connu de graves crises, des conflits, comme l’Afrique du sud, n’ont réussi à se reconstruire que suite à une réconciliation nationale sincère qui est d’abord passée par une phase de libération de la parole dite vérité, puis une phase de pardon qui s’est traduite par une amnistie pleine de tous les protagonistes du conflit. Cette amnistie a fait suite à des confessions publiques. Que le Président Guillaume Soro reconnaisse sa part de responsabilité dans la crise post électorale de 2011 et qu’il demande pardon aux ivoiriens et à ses protagonistes est donc un pas vers cette réconciliation nationale que tous les ivoiriens appellent de leurs voeux.
Jusqu’à présent, c’est le seul acteur politique ivoirien qui a reconnu ses erreurs et demandé pardon.
Pourquoi se réconcilier
Se réconcilier parce que la paix, la réconciliation, la stabilité, permettent le développement, le progrès économique, la protection des minorités fragiles. Ce n’est pas le Président Alassane Ouattara qui dirait le contraire, lui qui a posé un acte fort dans le sens de la réconciliation nationale, à travers l’amnistie de nombreux prisonniers politiques la veille de la fête de l’indépendance, même si d’aucuns affirment que cette décision a été prise sous une certaine contrainte…
Si aujourd’hui, pour le plus grand bien des ivoiriens, les acteurs politiques aspirent à une réconciliation nationale, alors les prières de ce peuple ont été enfin entendues. Point n’est besoin pour nous d’entrer dans la complexité des calculs politiciens, car la politique est un bois sacré où ne pénètrent que les initiés ; la conclusion de tout ce ballet est que ces perspectives permettent l’installation d’un climat d’apaisement, apaisement qui permettra le choix en toute sérénité du candidat dont le programme nous paraîtra le plus pertinent pour la relève économique de la nation et le développement de celle-ci.
La réconciliation nationale prônée par nos acteurs politiques, qu’elle soit mue par des intérêts personnels ou par la recherche de l’intérêt supérieur de la République, nous voulons y croire. Après tout, qu’avons-nous à y perdre ?
Toi meme , tu viens de révéler une citation qui dit ceci : » la politique, helas! est une jungle…. ».
Dans une jungle il y a certes des lois, mais tous les animaux savent ceux qui doivent les respecter..
Tu fais ton plat, tu veux te mettre á table et le lion ou l’hyène vient te l’arracher………..
Nous nous souvenons encore du fable : « Le Loup et l’Agneau »