Quel est l’état réel des finances publiques en Côte-d’Ivoire après l’adoption du projet de loi de finances 2019

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Analysons la situation à partir de l’intervention ci-dessous du Directeur Général Adjoint du Trésor public et l’adoption le lundi 17 décembre 2018 du projet de loi de finances portant budget de l’Etat pour l’année 2019 par les députés membres de la Commission des Affaires économiques et financières de l’Assemblée Nationale.

Bond vertigineux

Il est indiqué que le budget 2019 s’équilibre en ressources et en charges à 7 334, 3 milliards de FCFA. Soit une hausse de 8.6% par rapport au budget 2018, d’un montant de 6 756,2 milliards de FCFA. Cette expression consacrée ne veut nullement dire que notre budget est à l’équilibre.
Le besoin de financement pour 2019 estimé à 2 416,7 milliards de FCFA démontre bien que notre budget national est financé par le déficit donc par la dette contractée. La Côte d’Ivoire est obligée d’emprunter pour couvrir ses dépenses car les recettes générées ne suffisent pas à couvrir les dépenses et privilèges de l’Etat.

En 2017, les recettes fiscales recouvrées, se sont établies à 3 181,5 milliards de FCFA contre un budget révisé de 6 447,6 milliards de fcfa .
En 2018, les projections attendues, sont de 4 066,9 milliards de FCFA contre un budget de 6 756,2 milliards de FCFA.
En 2019, les ressources intérieures mobilisables sont estimées à 5 471 milliards de FCFA contre un budget de 7 334,3 milliards de FCFA.

On est passé en l’espace de 8 années d’exercice budgétaire, d’un budget de 2 907,3 milliards de FCFA en 2011 (dernier budget sous l’ère du Président Laurent Gbagbo) à 7 334,3 milliards de FCFA en projet de budget 2019. Soit un différentiel de 4 427 milliards de FCFA de FCFA.
D’où cela provient? Quelle justification cohérente et logique? Avons-nous découvert de nouveaux gisements de référence mondiale en pétrole, gaz ou autres mines/minerais précieux et rares? Notre duo Café/cacao a-t-il fait un bond prodigieux en termes de quantité et qualité?…
* Pour rappel, le Président Alassane Ouattara portera déjà le budget 2011 à 3 050 milliards de FCFA, adopté par ordonnance sur une période de 8 mois (avril à décembre).
Marché des capitaux
Pourquoi cette trajectoire vertigineuse et incontrôlée? D’autant plus que dans le même temps voire paradoxalement, on est obligé d’aller sur les marchés des capitaux au niveau national, régional et international pour s’endetter aux fins d’équilibrer notre budget national et couvrir nos dépenses de l’Etat parce que les recettes générées sont insuffisantes?
Notre logique budgétaire est difficile à cerner.

Souvenez-vous! ADO, en 2011 avait déclaré depuis Le GOLF : « Je vais déverser sur ce Pays, une pluie de milliards comme on en a jamais vu ». Il avait même avancé le chiffre de 10 000 milliards de FCFA; face à ses partisans incrédules, victimes de leur propre inculture; et sous leurs ovations à tout rompre.
Le calcul est vite fait. Il s’agissait en fait du déficit budgétaire évalué à ce moment-là à 2 000 milliards de FCFA par an, multipliés par les 5 années d’exercice de pouvoir, de 2011 à 2015.
En réalité, ADO avait décidé dès le départ de financer son modèle économique par la dette; réengageant ainsi la Côte d’Ivoire dans la spirale du surendettement.

Dans la foulée, on remarque que plus le budget croît, plus le stock de la dette n’augmente aussi.
Le 26 octobre 2017, le Secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre en charge du Budget et du Portefeuille de l’Etat indiquait que le stock de la dette ivoirienne passera à 8 846,7 milliards de FCFA à fin décembre 2017. Si l’on fait une extrapolation, la dette publique de la Côte d’Ivoire frôle les 100% de la richesse produite (PIB).
Notre dette a atteint un niveau pathologique.
Il est bon de rappeler que l’atteinte de l’initiative PPTE le 26 juin 2012, a permis l’annulation de 4 090,01 milliards de FCFA sur un stock de 6 373 milliards de FCFA (DG Trésor – 23/06/2017).

Bien pis, le Directeur Général du Trésor Public indique par ailleurs que : il a été mis en place une couverture de change portant sur le service de la dette libellé en Us-Dollars. Ça concerne ces fameux Eurobonds. Cette portion de dette libellée en devise forte, expose dangereusement notre Pays. Il serait bon de chercher à connaître les conditions opératoires de ce ou ces contrats à terme de couverture de change et sur quel(s) marché(s) de change, ils ont été bouclés. L’analyse des coûts inhérents s’imposent, notamment les coûts de report.
Le Trésor Public est-il outillé pour assurer une telle gestion sophistiquée qui doit demeurer dynamique en tout temps? Possède-t-il les personnes ressources pour assumer pleinement cette fonction?
Vus les montants importants en devise forte en jeu, les pertes financières en cas de mauvaise appréciation des positions prises peuvent être incommensurables.

Impôts de demain

Le savez-vous, les déficits d’aujourd’hui sont les impôts de demain. Cette situation financière désastreuse expose dangereusement notre Pays, la Côte d’Ivoire, à divers risques :
– le risque de manque de liquidités
– le risque d’endettement massif et de l’engrenage de l’emprunt,
– le risque d’opérer dans le court terme,
– le risque de variations des cours de change et des taux d’intérêt,
– le risque de détérioration des termes de l’échange pour nos produits d’exportation,
– le risque de perte de confiance des investisseurs ou créanciers,
– le risque de faillite…

Notre Pays est en lambeaux et en crise. Qui va payer la note? Nous, Nos enfants ou Petits-Enfants.
« Mal nommer les choses, c’est ajouté au malheur du monde » disait Albert Camus.
Dans la vie, il faut être dans la réalité des choses. La politique et la macro-économie voire la finance sont 2 domaines extrêmement différents.
Nos politiques ont déçu ; d’autres ont à la fois déçu et échoué. On note une déconnexion absolue des hommes politiques. Ce ne sont pas les hommes qui comptent, ce sont les idées.
Il s’agit de sortir notre Pays de l’économie Facebook pour s’ouvrir non pas la voie d’une révolution mais d’une évolution de notre Société.

Cela passe par :
– la remise en cause du modèle économique et social,
– la mise à plat des dépenses et des recettes,
– les réformes institutionnelles,
– les réformes structurelles,
– assurer et assumer notre souveraineté au niveau du secteur bancaire et financier.

Nous devons nous affranchir de l’archaïsme du PIB et du taux de croissance qui n’est autre que la variation positive du PIB entre 2 années consécutives et qui induit la politique de ruissellement, chère à l’actuel exécutif.
Savez-vous que le PIB est un indicateur de l’après-guerre ! Ces limites et particularités ont été identifiées par les Grands de ce Monde.
A ce propos, les récentes mutations remettent en cause ces mesures traditionnelles de la production, de l’inflation et du chômage.

« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées », s’amusait Sir Winston Churchill.

AE

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