François Compaoré: « Le gardien de son frère », poursuivi par le fantôme de Norbert Zongo

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(Ecofin Hebdo) – Parfois, une plume bâillonnée peut devenir une véritable épée de Damoclès. Alors qu’il a été pendant plusieurs années l’éminence grise du palais présidentiel Burkinabè, François Compaoré est désormais poursuivi par le fantôme de Norbert Zongo. L’enquête sur la mort de ce journaliste, assassiné en 1998, pourrait conduire le frère du président devant les tribunaux de son pays. Pour lui, Ouagadougou ne répond plus. Normal, son frère n’est plus roi dans la capitale.

Le 4 décembre, la justice française a autorisé l’extradition de François Compaoré, le frère de l’ancien président du Burkina Faso, renversé en 2014 par un soulèvement populaire. La cour d’appel de Paris s’est déclarée favorable à l’extradition du frère de Blaise Compaoré, mais doit quand même attendre un décret présidentiel pour qu’elle soit effective.

Il est accusé « d’incitation à l’assassinat » de Norbert Zongo, le journaliste, devenu tristement célèbre, alors qu’il enquêtait sur la mort du chauffeur de François Compaoré.

Au nom du frère

Avant 2014, François Compaoré était considéré par beaucoup comme la seconde personnalité de son pays. « Son avis était consulté pour tous les grands dossiers politiques. Mais il n’a jamais pensé à la présidence. Il était soucieux d’une seule chose, c’était de protéger les arrières de son frère », explique Alpha Yago, membre du parti fondé par Blaise Compaoré. Effectivement, François Compaoré a toujours donné l’impression d’être « le gardien de son frère ». Ceci, peut-être pour remercier un frère qui s’est battu pour sa fratrie qui ne pouvait plus se reposer sur ses géniteurs.

Né le 11 janvier 1954, à Ouagadougou, François Compaoré est d’environ trois années le cadet de Blaise. L’enfance heureuse des deux frères tourne court, lorsqu’ils perdent leurs deux parents alors que François Compaoré n’est encore qu’un enfant. A cette époque, Blaise Compaoré se battra pour aider sa famille, son frère notamment, à poursuivre ses études. Résultat, François Compaoré se révèle être un brillant élève, comme son frère à qui il ressemble, tellement qu’on en arrive parfois à les confondre.

L’enfance heureuse des deux frères tourne court, lorsqu’ils perdent leurs deux parents alors que François Compaoré n’est encore qu’un enfant. A cette époque, Blaise Compaoré se battra pour aider sa famille, son frère notamment, à poursuivre ses études.

Après avoir obtenu son baccalauréat scientifique en 1976, François Compaoré obtient en 1982 une maîtrise de sciences économiques, avant un master en agroéconomie de l’université américaine de Purdue. Pendant que son ainé opte pour le métier des armes, François Compaoré, complémentaire du binôme qui dirigera quelques années plus tard le Burkina Faso, étudie l’économie.

En 1982, il intègre le Fonds de l’eau et de l’équipement rural (FEER), avant de devenir, l’année suivante, le chef de service chargé du suivi des unités économiques au ministère de l’eau. A cette époque, son frère est capitaine et combat aux côtés de Thomas Sankara lorsque ce dernier s’empare du pouvoir, à la faveur d’un coup d’État. Pourtant, 4 ans plus tard, Blaise Compaoré organise un autre coup d’État au terme duquel il prend le pouvoir. Désormais son cadet est le frère du président.

Le petit président et les intrigues de l’entourage présidentiel

Alors qu’il n’a aucun mal à prospérer seul, François Compaoré songe, malgré tout à aider son frère dans la lourde tâche que constitue la gestion du Burkina. Ses proches lui déconseillent. « Nous avons tenté de l’en dissuader. Il pensait qu’il fallait nécessairement entrer dans le système présidentiel pour aider son frère. Mais il fallait l’aider de l’extérieur, en restant au FEER. Il aurait été plus accessible et aurait mieux saisi les attentes des Burkinabés », confie au journal Le Monde, Achille Tapsoba, proche des Compaoré. Pourtant, l’appel du sang sera plus fort que la voie de la raison.

En 1989, François Compaoré devient conseiller économique à la présidence du Burkina-Faso. L’arrivée du frère du président, ne fera pas que des heureux dans son camp. L’un des hommes les plus menacés par le frère cadet de Blaise Compaoré est, à cette époque, Salif Diallo, l’homme de confiance du président, devenu président de l’Assemblée nationale en 2015. « Il était contre cette gestion clanique du pouvoir, ce qu’il appelait la patrimonialisation de la vie politique », se rappelle Antoine Zong-Naba, un des conseillers de Salif Diallo à l’Assemblée nationale. Naturellement, le courant ne passe pas entre Salif Diallo et François Compaoré. Mais, la résistance de l’homme de confiance de Blaise Compaoré est vaine. Il ne peut lutter contre ce qui lie les deux frères. Salif Diallo, ami de longue date du président qu’il a d’ailleurs encouragé à « crever l’abcès avec Thomas Sankara », est démis de ses fonctions, en 2008, après avoir enchaîné les postes ministériels. Il est « exilé » en Autriche où le président l’envoie en tant qu’ambassadeur. Il aurait demandé à Blaise Compaoré que l’élection présidentielle de 2005 soit sa dernière; mais d’après les bruits de couloirs, celui qui décèdera en août 2017 ne s’entendait pas avec François Compaoré.

Salif Diallo, ami de longue date du président qu’il a d’ailleurs encouragé à « crever l’abcès avec Thomas Sankara », est démis de ses fonctions, en 2008, après avoir enchaîné les postes ministériels. Son frère, le président, ne le sait pas encore, mais le départ de Salif Diallo sera le prologue d’une série d’évènements défavorables sans précédents.

François Compaoré prend le pouvoir dans l’entourage du président, après l’éviction de Salif Diallo. « J’étais à la fois son frère et son conseiller. Je dirigeais le bureau économique et du développement de la présidence. Nous suivions tous les grands dossiers et nous avions un collaborateur dans chaque conseil d’administration des grandes sociétés d’État. Rares sont les grandes questions que l’on abordait sans me demander mon point de vue », confie François Compaoré à Jeune Afrique. En retrait lors des premières années du long règne de son frère, François Compaoré est de plus en plus visible sur la scène publique, aux côtés de son frère. Mais le frère du président n’a pas que des amis.

François Compaoré se tuera à répéter qu’Alizéta Ouédraogo était déjà riche et qu’il ne lui a rien facilité. Rien n’y fait. Les burkinabé lui en veulent.

Le départ de Salif Diallo et surtout la présumée mainmise d’Alizéta Ouédraogo, femme d’affaires et belle-mère de François Compaoré, sur le secteur privé vont faire du frère cadet du président une personnalité crainte, mais surtout peu appréciée dans le pays.

François Compaoré se tuera à répéter qu’Alizéta Ouédraogo était déjà riche et qu’il ne lui a rien facilité. Rien n’y fait. Les burkinabé lui en veulent. Cela, surtout à cause de sa présumée implication dans la mort du journaliste Norbert Zongo.

La sinistre affaire Zongo

Le 13 décembre 1997, Norbert Zongo, journaliste Burkinabé, fondateur de l’hebdomadaire L’Indépendant, est retrouvé mort avec trois autres personnes. S’ils semblent avoir péri à cause d’un accident de la route, l’autopsie révèle qu’ils ont plutôt été tués par balles. L’affaire aurait peut-être pu être étouffée si Norbert Zongo n’était pas l’une des figures les plus importantes de l’opposition à Blaise Compaoré. Aussi, quelques jours avant sa mort, Norbert Zongo travaillait sur celle de Cédric Ouédraogo, l’ancien chauffeur personnel de François Compaoré. Pour beaucoup d’opposants, ce dernier et son frère sont responsables de la mort du journaliste.

« J’étais à Paris pour représenter la présidence aux Journées économiques du Burkina. Mon vol a quitté Ouagadougou le 13 décembre à 20 h 30. J’ai appris le décès de Norbert Zongo le lendemain matin, une fois arrivé à destination. J’ai aussi appris qu’une certaine rumeur me mettait en cause. J’ai donc couru toute la journée pour pouvoir rentrer rapidement au pays, en vain », raconte François Compaoré. Le frère du président nie totalement être impliqué dans cette affaire et encore moins dans la mort de Cédric Ouédraogo. « J’ai témoigné trois fois devant la commission d’enquête internationale et trois fois devant le juge d’instruction burkinabè pour dire ce que je vous redis aujourd’hui : je n’ai jamais été impliqué dans la mort de Norbert Zongo », se défend François Compaoré.

« J’ai témoigné trois fois devant la commission d’enquête internationale et trois fois devant le juge d’instruction burkinabè pour dire ce que je vous redis aujourd’hui : je n’ai jamais été impliqué dans la mort de Norbert Zongo ».

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1 réflexion au sujet de « François Compaoré: « Le gardien de son frère », poursuivi par le fantôme de Norbert Zongo »

  1. Chaque homme politique au pouvoir a toujours son/ses gardien(s) pour le sauver des dangers et couvrir ses crimes.

    Un disait : « quand un roi t’envoie, tu dois savoir t’envoyer… »

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