Trois organisations de défense des Droits de l’Homme ont annoncé jeudi avoir déposé un recours contre l’amnistie accordée par le président Alassane Ouattara à quelque 800 Ivoiriens, dont l’ex-Première dame Simone Gbagbo, selon un communiqué parvenu à l’AFP.
Ces Ivoiriens étaient poursuivis ou condamnés dans le cadre de la crise ivoirienne.
La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH, ONG française), le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), et la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) « demandent aux autorités ivoiriennes de revenir sur » l’amnistie pour « garantir le droit à la justice des victimes », selon les termes du communiqué.
Le document précise que le recours a été déposé le 5 octobre mais qu’il a été decidé de le rendre public à l’occasion de « la journée de la paix » en Côte d’Ivoire, le 15 novembre, jour férié dans le pays.
Le président Ouattara avait au nom de la « réconciliation nationale » amnistié le 6 août quelque 800 prisonniers en lien avec la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait environ 3.000 morts au terme d’une décennie d’instabilité.
« Les précédentes amnisties de 2003 et 2007, selon le communiqué, n’avaient pas empêché la perpétration de nouveaux crimes graves. La paix durable en Côte d’Ivoire passe par la poursuite des auteurs des crimes les plus graves ».
Ces organisations jugent que l’amnistie « est inacceptable » et « vise à anéantir les espoirs de justice des victimes qui ont participé depuis 2011 aux procédures judiciaires engagées ».
« Plusieurs dizaines de responsables présumés ont déjà été inculpés. Tirer un trait sur les responsabilités, ce n’est pas consolider la paix, comme cela a été déclaré, mais plutôt préparer les tensions de demain », a notamment déclaré Me Yacouba Doumbia, avocat des victimes et président du MIDH, cité dans le communiqué.
« La FIDH, le MIDH et la LIDHO accompagnent 250 victimes de la crise post électorale de 2010-2011 devant les tribunaux nationaux », souligne le communiqué.
Sur un plan légal, les avocats estiment que « le président de la République ne peut prendre d’ordonnance en matière de justice ou d’amnistie sans y avoir été habilité par l’Assemblée nationale ».
Ils soulignent que le recours est « fondé sur l’obligation de l’État de Côte d’Ivoire de garantir le respect des droits humains et ainsi de poursuivre les auteurs des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité » alors que « plusieurs traités internationaux ratifiés par la Côte d’Ivoire (…) excluent toute mesure d’amnistie ».
« Nous envisagerons tous les recours, en Côte d’Ivoire, mais aussi devant les juridictions régionales et internationales, voire devant des juridictions nationales étrangères. Les auteurs des crimes de 2010-2011 ne sauraient rester impunis. Et, dans tous les cas, cette amnistie contraire au droit international ne serait pas opposable aux poursuites devant la Cour pénale internationale ni devant d’autres juridictions », a déclaré M. Pierre Adjoumani Kouamé, président de la LIDHO.
Simone Gbagbo, l’ancienne « Dame de fer » de Côte d’Ivoire – épouse de l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, actuellement jugé par la justice internationale – a été libérée en août 2018 après sept ans de détention.
Elle a bénéficié d’une amnistie du président Ouattara, alors qu’elle purgeait une peine de 20 ans de prison dans son pays pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » prononcée en 2015.
VOAAfrica/AFP/AIP
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