On s’arrache les tablettes de chocolat de l’ivoirien Axel Emmanuel au salon du Chocolat qui se tient actuellement à Paris. Ouvert mardi soir, et victime de son propre succès, les tablettes « aux saveurs ivoiriennes » prévues pour le Salon étaient déjà vendues hier soir….
Interview exclusive du premier chocolatier ivoirien en Côte d’Ivoire, Axel Emmanuel, par CommodAfrica.
Vous avez un parcours assez atypique, banquier hier, chocolatier aujourd’hui. Pouvez-vous nous décrire votre parcours?
J’ai fait sciences politiques avant de faire un master en fiscalité et je suis devenu banquier en Côte d’Ivoire. J’ai démissionné pour devenir chocolatier après avoir été formé par un chocolatier ivoirien, Chef Koné, qui est maître d’hôtel du plus grand hôtel de Côte d’Ivoire, le Golf Hôtel. Il est chef pâtissier et chef boulanger. Il a même participé à la Coupe du monde de pâtisserie. Il a participé à l’European Catering Cup. C’était la première fois que je voyais un chocolatier africain. Je lui ai demandé de me former et, quelques années plus tard, j’ai été champion de Côte d’Ivoire et vice champion d’Afrique chocolat pâtisserie.
Mais comment passe-t-on de banquier à chocolatier ?
Mes parents se sont lamentés et ont pleuré, avec la précarité de l’emploi et du salaire… Mais mon objectif était de devenir chocolatier et aujourd’hui, ils sont très fiers!
Vous avez des boutiques, une usine?
On a un laboratoire à Abidjan qui traite environ une tonne par mois, c’est-à-dire 10 000 tablettes et maintenant nous avons mis en œuvre un process pour faire une petite unité qui sera la première usine de chocolat origine Côte d’Ivoire qui traitera 150 tonnes de chocolat par an. Pour cela, nous avons ouvert le capital à tous ceux qui sont intéressés à investir.
Car nous sommes en 2018 et le premier producteur mondial de cacao n’a jamais vu un Ivoirien avoir une usine de fabrication de chocolat. C’est paradoxal avec 2 millions de tonnes (Mt) de cacao par an, un million de planteur de cacao ; il n’y a même pas beaucoup de marques de tablette de chocolat en rayon. Et nous, nous venons de le faire : nous avons une tablette de chocolat de bonne facture en rayon de supermarché, à côté des tablettes Milka, Lindt, Côte d’Or, etc…
C’est une tablette aux saveurs ivoiriennes, avec une forte teneur en cacao sans OGM et sans pesticides. C’est une première.
Il y a Cemoi…
Cemoi, c’est la plus grande usine de chocolat de France qui est basée à Perpignan…! Elle a une usine en Côte d’Ivoire. Moi, je parle d’un Ivoirien qui a une usine de chocolat. Cela n’existe pas.
Pour réaliser vos projets, combien devez-vous lever comme fonds ?
€ 100 000 pour la petite usine. On a déjà levé 25% et cela continue ; on bouclera le mois prochain. On est sur la bonne voie.
Comment sourcez-vous votre cacao ?
Après mon premier challenge de devenir chocolatier, mon deuxième challenge était de former des femmes planteurs de cacao. J’en ai formé 1 000 à la transformation du cacao et à connaître la chaîne de valeur du cacao, afin qu’elles puissent avoir un revenu complémentaire à celui de leur mari. Je compte en former 25 000 en trois ans car celles qui sont formées, forment les autres.
Est-ce la première fois que vous êtes au Salon du Chocolat à Paris?
Non. En 2016, nous avions un stand grâce au crowdfunding chez Kisskissbanbank. Donc c’est ma deuxième fois, mais c’est ma quatrième fois en tant que prestataire sur d’autres stands.
Quel est le profil type du consommateur ivoirien? Quelle est votre cible de client ?
Notre chocolat a vraiment pour cible aujourd’hui la classe moyenne qui est émergente en Afrique et en Côte d’Ivoire. Parallèlement, vous avez les expatriés, etc.
Les femmes auprès desquelles j’achète mon cacao, dégustent dans les villages le chocolat et le font goûter à leur famille. A un moment ou un autre, on passera à un chocolat « démocratique » disponible pour toutes les bourses et les couches sociales.
Les Africains en général -et les Ivoiriens en particulier- aiment le chocolat au lait. C’est bien dommage car le chocolat au lait est le moins intéressant, ne serait-ce que pour la santé. En outre, il n’y a pas d’industrie laitière en Côte d’Ivoire.
Mais il y a tout de même des gens qui préfèrent le chocolat noir. On fait des tablettes à 75-80% de teneur en cacao. On essaie de développer du chocolat aux saveurs locales : chocolat au gingembre, noix de cajou, mangue séchée, ananas séchée, sésame, etc. Nous avons une centaine de saveurs.
Les Ivoiriens sont-ils sensibles à ce que ce soit du chocolat ivoirien ?
Absolument ! C’est un sentiment de fierté et c’est vendeur. Car on ne conçoit pas d’avoir 2 millions de tonnes de cacao et pas de tablette ivoirienne. Le cacao est rien dans la matrice de la transformation ; même le sel est importé en Côte d’Ivoire. Il faut inciter les Ivoiriens à consommer leurs matières premières transformées. Il faut donner l’exemple.
Quelle est votre fourchette de prix de la tablette ?
Actuellement, nous sommes autour de FCFA 2 000 la tablette. C’est vraiment abordable. En Afrique, c’est incroyable ce qui se passe, le décollage, avec les magasins Carrefour, Auchan, Decathlon, KFC, Burger King dans la seule ville d’Abidjan ; Pizza Hut arrive bientôt. Les classes moyennes émergentes sont bien là. Donc, FCFA 2 000 est abordable.
On a vendu 10 000 tablettes en un mois donc on doit être dans la bonne fourchette de prix. Ceux qui revendent nos tablettes à Paris, notamment les tablettes bio dans le quartier du Marais à Paris, sont vendus aux alentours de € 6 à 8
Vendez-vous dans le reste de l’Afrique de l’Ouest ?
Oui, nous sommes dans 12 pays d’Afrique. Par exemple, nous sommes dans les boutiques des stations Total au Sénégal, au Burkina Faso, etc. jusqu’au Kenya.
On a 54 Etats en Afrique et bientôt 2 milliards d’habitants sur le continent, en 2025.Pour les Africains, c’est une manne ! C’est du chocolat béni…
https://www.commodafrica.com/02-11-2018-au-salon-du-chocolat-les-tablettes-de-livoirien-axel-emmanuel-font-fureur
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