Le chef d’État africain et notre temps

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Si nos pays africains sont totalement en état de délabrement économique et social, ce n’est pas parce que nous n’avons pas de ressources ni d’intelligences. C’est le type de pouvoir qui est exercé chez nous qui est la cause de nos malheurs. A part Nelson Mandela, Léopold Sédar Senghor, Abdul Diouf, ou bien John Jerry Rawlings nous n’avons eu droit du nord au sud à des minables roitelets qui n’ont que le souci de leur clan et leur enrichissement personnel comme projet de société.

La situation économique, sociale et politique de nos pays est la résultante du type de pouvoir qui est exercé dans nos différents pays. La nature des hommes détermine toujours le résultat de la gouvernance qui est sous nos cieux. Nous faisons ici le pari que dans trente à quarante ans nous serions encore là avec des grandes ville privées d’électricité et d’eau potable, des salaires non payés, des mutineries, des arrestations arbitraires, des emprisonnements sans jugements, dans un marécage de corruption et le tribalisme comme institution dans le fonctionnement de l’Etat.

Nous ne parlons même pas des écoles qui sont un peu partout des dépotoirs. Les hôpitaux devenus des mouroirs un peu partout en Afrique et des grandes prisons concentrationnaires bondées jusqu’aux toits de tous ceux qui ont osé exprimer une opinion contraire à la gouvernance en place.

Ainsi une simple ménagère ou une servante de maison peuvent être jetées en prison sans jugement pendant des années parce qu’elles travaillaient au domicile d’un opposant. Le motif de trouble à l’ordre public ou l’atteinte à la sureté de l’Etat permet d’arrêter n’importe quel citoyen et de le jeter en prison pour rien.
Ne parlons même plus des universités qui manquent de tout et qui ne servent plus à rien. Le gouvernement en Afrique donne rarement un horizon aux citoyens. Laisser végéter les peuples dans la boue, la pauvreté, la crasse, la peur, la misère, la faim, la soif, la maladie et la désespérance, telle est la réalité quotidienne de nos populations.

II – Observons les dirigeants que nous avons

Des hommes d’affaires européens qui ont mangé à la table de nos présidents africains, nous racontent à leur retour d’Afrique, qu’il y a toujours du caviar au jus de citron, du champagne rosé qui coule à flot, des homards, des petits fours, du riz des plaines fertiles de l’Himalaya, des grillades de pintades, des haricots verts et surtout de la viande très tendre et des délicieux poissons d’eaux douces, bien servis par des domestiques avec des gants blancs. Voilà leur vie de nabab sans égard pour les peuples qui crèvent de faim.
Sincèrement quel était le projet de société des gens comme : Mobutu, Eyadema, Samuel Doe, D’Omar Bongo, Alassane Ouattara, Denis Sassou Nguesso, Paul Biya ou de Blaise Compaoré et consorts ? Gouverner pour s’enrichir, gouverner pour embastiller. Gouverner pour tuer. L’épanouissement collectif n’a jamais été au cœur de la gouvernance chez nous. Telle est l’origine de nos souffrances et du choix douloureux de l’exil par notre jeunesse qui n’hésite plus à braver les flots de la haute mer à la recherche d’un simple droit d’exister dignement sous d’autres cieux.
C’est ainsi que nous avons eu les pouvoirs les plus cruels de la terre. C’est même un miracle que les africains existent encore sur cette terre. Après toutes les tragédies que nous avons connues : De l’esclavage à la colonisation, des indépendances tronquées à la race des pères fondateurs, des timoniers, des pères de la nation, aux grands bâtisseurs. Des pacificateurs, au rédempteur, de la coopération servitude au bénéfice de la France, à la corruption comme institution et surtout des choix faits par les autres pour nous faire crouler sous des montagnes de dettes que vingt générations d’africains n’arriveront pas à éponger.
Pour dire la vérité de toutes les souffrances que les africains ont enduré depuis la nuit des temps, la cupidité et le caractère sanguinaire de nos dirigeants politiques, restent la plus inacceptable de la grande nuit de peur et de honte dans laquelle il est impossible de bâtir collectivement du positif pour nos peuples africains.
Figurez-vous qu’un jour dans un pays africain producteur d’hévéa, un président de la république, sachant que l’hévéa ne pousse pas dans sa région et que cette plante représente une grosse part des revenus de ses adversaires politiques.
Il fait bloquer les prix et en accord avec ses amis armateurs détenteurs des concessions portuaires dans son pays. Les bateaux refusent du jour au lendemain de transporter la production du pays et s’ils acceptent c’est en petites quantités dans l’unique but d’appauvrir ses adversaires politiques, qui comme par hasard n’ont plus aucune ligne de crédit auprès des banques à la veille d’une consultation électorale. Cela est inimaginable pour un européen ou un nord-américain mais une triste réalité en Afrique noire. Telle est le visage hideux, monstrueux totalement négatif et nocif dont est capable un chef d’Etat africain vis-à-vis de son propre pays.

III – Le mal au sommet de l’Etat

Pour qu’un pays émerge de la pauvreté et organise une vie nationale qui donne le minimum à sa population. Il faut à sa tête des hommes et des femmes ayant le sens de l’honneur et qui sont profondément convaincus que le bien-être commun est leur mission. Il ne faut plus rien attendre des gens qui arrivent au pouvoir en connivence avec la France dans l’unique but de privatiser leur pays au profit de l’ancien colonisateur et de ses multinationales.
Le chef d’état africain a le droit de vie et de mort sur ses concitoyens. Il gouverne pour sa tribu et son clan. Il se considère comme le propriétaire du pays. Il n’a de compte à rendre à personne. Celui qui est proche de lui peut te dire ouvertement avec son pistolet sur ta tempe qu’il peut te tuer et il n’y aura rien. La justice étant couchée à plat ventre devant le pouvoir qui est exercé par son groupe ethnique.
Le président de la république en Afrique peut par son minable esprit de clan nommer sa nièce pour gérer une filière de produits agricoles qui ne pousse même pas dans sa zone tribale. Des années après on découvre plusieurs milliards de détournement et il n’y a aucune poursuite. Cet argent va finir dans une caisse noire tribale pour le bien être du clan. Chez nous le chef de l’Etat peut construire aux frais du pays une ligne de chemin de fer pour relier son village à la capitale sans tenir compte de la rentabilité de la ligne.
Un chef d’Etat africain peut à tout moment inventer un faux complot et emprisonner des innocents pour son plaisir personnel. Un chef d’Etat africain peut bloquer les comptes bancaires de ses opposants les privant ainsi de ressources pour vivre de manière à les voir pauvres, malades et obéissants.
Un chef d’état africain peut faire attribuer le marché de construction d’une infrastructure à une entreprise française même si les japonais, les allemands les indiens et les chinois proposent la construction de cette infrastructure à la moitié du prix proposé par les français. Ne parlons même pas des surfacturations qui viennent alourdir l’ardoise de la dette de nos malheureux pays africains.
Un chef d’Etat africain peut faire déguerpir des centaines de familles propriétaires de leur maison et vendre le terrain à un investisseur libanais ami du président. Les plaintes en justice jusqu’à la cour suprême ne serviront à rien. – un chef d’Etat africain ne se préoccupe pas des souffrances et des décès massifs de sa propre population suite à une épidémies de choléra ou de peste, mais il se précipitera à Paris pour pleurer des français décédés dans un attentat. Le chef d’Etat africain aime la France plus que lui-même.
Alors que toutes nos traditions et notre foi religieuse nous obligent à protéger la veuve et l’orphelin. Un chef d’Etat africain peut pousser par méchanceté la femme et les enfants de son prédécesseur durablement en exil. Mobutu face à Pauline Lumumba et ses enfants. Compaoré face à Mariam Sankara et ses enfants. N’évoquons même pas le sort que Samuel Doe, réserva à Mme Victoria Tolbert et ses enfants. Quant à la femme et au fils de Laurent Gbagbo, Mme Simone Gbagbo et Michel Gbagbo c’est un miracle s’ils respirent encore.
Pourquoi du Togo, à la Côte d’Ivoire, du Gabon, au Cameroun en passant par les deux Congo, il est pratiquement impossible d’organiser des élections sans violences ? Parce que les dictateurs savent que s’ils perdent les élections, ils seront traités avec la même cruauté dont ils ont fait montre durant leur règne.

IV – L’Armée et l’ethnie en Afrique

L’une des erreurs de nos dictatures cruelles, pourries, hautaines et médiocres, est de croire que si l’armée nationale est composée à 95% des membres du groupe ethnique présidentiel, elle saura mieux défendre le régime et son président. C’est un raisonnement mesquin de politicard de très courte vue.
Où est l’armée HUTU du sinistre général Juvénal Habyarimana ? Où est l’armée krahn de Samuel Doe ? Où est l’armée Ngbandi de Mobutu ? Faut-il rappeler que dans toutes ces armées les brillants officiers bien formés dans les grandes académies militaires, ont été écartés pour laisser la place à des soldats au rabais de l’ethnie du président. Des médiocres formés pour la répression intérieure près à tirer sur les foules aux mains nues qui demandent du pain ou un salaire digne de ce nom.
Ils n’ont pas été formés pour des missions de défense des frontières et du territoire national. Il suffit de les observer pour comprendre que la nullité est incrustée en eux. Les voilà et les voici pour une dernière fois paradant avec leurs décorations de pacotilles sur leur poitrine de coq, tout endimanché dans leurs tenues militaires et leur voiture de luxe avec chauffeur. Ils aiment rire aux éclats pour qu’apparaissent leurs molaires en or.
Observez toujours leur poignet pour constater la montre de prestige qu’ils affichent comme symbole de leur réussite. Ces officiers de bureaux qui n’ont aucun fait d’arme à leur actif. Ne soyez pas étonnés de les voir prendre la fuite à l’éclatement d’un simple pétard. Le général BARAMOTO était l’oncle de Mobutu. Le général NZIMBI, était le neveu de Mobutu, le général Likulia était un Ngbandi comme Mobutu, sans parler de l’Amiral MAVUA de la Marine et du dernier chef d’Etat major le général Mahelé. Tous étaient du groupe ethno tribal du président Mobutu. Ceux qui pensent que l’ethnie protège et ne peut pas trahir se trompent d’époque.
V – La cruauté dans l’exercice du pouvoir
Dans un pouvoir tribaliste, 95% des candidats admis à un concours administratif, peuvent être des personnes issues du groupe ethnique du président. Le président peut nommer un préfet totalement illettré issue de son clan alors que des personnes diplômées de l’école nationale d’administration sont assis à la maison et sans affectation. Les ivoiriens ne démentiront pas cette affirmation.
Un président de la république en Afrique peut prendre l’argent de l’Etat pour créer des entreprises au nom des membres de son clan afin de rafler tous les marchés publics en faveur du camp présidentiel. Les parents d’un africain résidant aux USA, au Canada ou en Europe peuvent être arrêtés et jetés en prison pour des propos tenus par un de leur fils à l’étranger. Voilà jusqu’où l’imbécilité et la mesquinerie du pouvoir politique peut nous conduire en Afrique.
Un président africain peut vous faire jeter dans une mare aux crocodiles et personne n’entendra plus parler de vous. La police n’y effectuera aucune recherche, aucun témoin ne se manifestera et aucun magistrat ne s’amusera à élucider ce crime crapuleux. En Europe les citoyens peuvent descendre dans la rue pour protester contre l’augmentation de l’âge de la retraite, du prix du gaz, des loyers ou de l’essence. Chez nous si vous vous amusez à descendre dans la rue pour une violation de la constitution par le dictateur qui sollicite un cinquantième mandat. Vous seriez en face d’une armée tribale prête à tuer pour faire perdurer la dictature. Suivez notre regard.
En Europe vous pouvez porter plainte en justice contre l’Etat et gagner le procès. En Afrique c’est un rêve inatteignable dans un environnement de corruption généralisé ou le verdict est connu à l’avance. Tuer le citoyen est la seule réponse du pouvoir politique en Afrique. Comment voulez-vous que la paix, le progrès social et démocratique s’enracinent chez nous dans un tel climat de peur et de honte ? Comment pouvons-nous nous épanouir collectivement dans un pays ou la dignité et la fraternité humaine ne poussent plus ?

VI – Postulat de conclusion générale

À tous ceux qui sont donneurs de leçons quant-il s’agit de l’Afrique. Nous leur disons ici qu’ils n’ont pas affronté le quart de nos souffrances. Ils ne savent même pas que les choses simples comme se soigner, mettre son enfant à l’école, trouver du travail, se loger ou se vêtir, avoir un frigidaire pour conserver les aliments au frais ou un simple ventilateur en pays chaud. Ces choses simples sont des rêves inaccessibles à nos populations.
La couverture maladie pour tous est un rêve, le lobby pharmaceutique a déjà corrompu les chefs d’État pour empêcher la réalisation d’un tel projet qui lui sera préjudiciable. Que les occidentaux donneurs de leçons qui traitent nos peuples de fainéants et de bons à rien se rendent une fois sur nos marchés en Afrique.
Ils y verront en vente des pattes, des petites ailes de poulets et des gésiers venant des abattages d’autres pays en vente sur nos marchés. Il y a des pays qui exportent du café et du cacao mais qui importent du riz pour se nourrir et les juteuses licences d’importations sont aux mains des membres du clan présidentiel. Quel avenir y a-t-il sur cette terre pour un peuple qui sans horizon importe des croupions de dindes et les pattes de poulets des autres pour se nourrir ? Quel avenir y a-t-il dans un pays où l’espérance des retraités se trouve tous les matins devant les kiosque du PMU dans des jeux du hasard sur des chevaux qui courent en France ?
Les dirigeants politiques ne se rendent pas compte que progressivement le pays se vide du sentiment national poussant le citoyen à retrouver son animalité en poussant son propre pays dans le vide. De la Somalie au Libéria, du Congo qui se dit démocratique à la république Centrafricaine en passant par la Côte d’Ivoire, le Mali ou la Guinée Bissau, tous ces pays doivent remettre l’égalité de tous au cœur de la citoyenneté au risque d’y perdre leur propre âme. Le fait que 60% de nos populations n’ont pas accès à l’eau potable n’interpelle même pas nos gouvernements soixante ans après les indépendances, quelle aberration ?
Que pouvons-nous attendre sincèrement de ce type de gouvernance ? Le temps du champagne pour un petit groupe et moins d’eau potable pour le reste doit cesser ici et maintenant. Maximilien de Robespierre, résume mieux notre propos en votant la mort du roi : «Je suis inflexible pour les tyrans parce que je suis compatissant pour les opprimés. »

Mesdames et messieurs, merci pour votre aimable attention.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication-Tel. 0041792465353 Lugano (Suisse)
Mail. nicolasnzi@bluewin.ch

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