C’est le lieu, l’endroit et le moment le plus indiqué en cette rentrée des classes de relever le rôle prépondérant de nos instituteurs dans la diffusion de l’éducation de base dans nos pays africains. N’oublions pas qu’aujourd’hui les instituteurs et institutrices, représentent un corps de métier majoritaire dans la fonction publique de tous nos pays africains.
C’est elles et eux qui sont le plus souvent affectés dans des petits villages sans eau ni électricité, des villages ou le camion vient une ou deux fois par semaine pour y porter des choses simples comme le lait, la cigarette, des piles, de l’huile, de la bière, du pétrole, de l’eau minérale et parfois des étoffes ou du poisson.
L’éloignement à un prix et nos instituteurs ont donné beaucoup d’eux même en allant dans les villages les plus reculés pour apporter le savoir vers les apprenants. Nous voulons rappeler ici avec respect et considération que ce corps de métier était au-devant des luttes de libérations africaines.
La toile de leur contribution est aussi longue et nous impose le respect de leur métier. Le président Philbert Tsiranana de Madagascar, était un instituteur avant d’entrer en politique. Le président Milton Obote de l’Ouganda, était un instituteur. Le Muwalimu président Julius Nyerere de Tanzanie était un instituteur. Muwalimu est le terme swahili pour désigner l’instituteur. Alphonse Massamba Débat du Congo Brazzaville était un instituteur avant son entrée en politique.
Non loin de là le président, David Dako de la République Centrafricaine était aussi un instituteur. Le président François Tombalbaye du Tchad, il était aussi un instituteur, le premier président du Niger Mr Hamani Diori, fut aussi un instituteur, ainsi que son opposant Djibo Bakary. Feu Boubou Hama qui présidait l’Assemblée Nationale du Niger, était aussi un instituteur de formation.
Le président Modibo Keita du Mali était Directeur d’école, autour de lui des hommes comme le président Mamadou Konaté, Fily Dabo Cissoko, Jean-Marie Koné ou Hamadun Diko étaient des instituteurs. En Guinée on retrouve de nombreux instituteurs parmi les fondateurs du PDG. De Naby Youla à Sidiki Boubacar Keita et passant par Tibou Tounkara, Mamadou Traoré dit Ray Autra, sans parler de Fodéba Keita, qui fut ministre de l’intérieur de Sékou Touré, son célèbre roman le maitre d’école témoigne en sa faveur du métier d’instituteur qui est resté en lui jusqu’à sa mort.
Dans l’ancienne Haute Volta aujourd’hui Burkina Faso, Daniel Ouezzin Coulibaly, était instituteur avant de devenir surveillant général de l’école normale William Ponti. Mathias Sorgho, Nazi Boni et Moussa Kargougou étaient tous des instituteurs avant leur entrée en politique. Dans l’ancien Dahomey devenue le Benin d’aujourd’hui, le président Hubert Maga, Paul Hazoumé, Louis Hounkourin et Guy Ossito, étaient tous des instituteurs avant d’épouser la lutte politique dans leur pays.
Au Sénégal, autour du président Léopold Sédar Senghor, il y avait des nombreux instituteurs, avec à leur tête le président Mamadou Dia, Joseph Mbaye et Demba Diop qui fut ministre de la jeunesse et des sports du président Senghor, l’un des stades de Dakar porte son nom, ils étaient tous des instituteurs avant d’aller en politique.
En Côte d’ivoire, il y avait de nombreux instituteurs autour du président Felix Houphouët-Boigny. Le président Philippe Yacé, le président Mamadou Coulibaly, Allot Jérôme Batafoué, Mbahiablé Kouadio, Etienne Djaument, Satigui Sangaré, Tiécoura Diawara etc.
Tous ceux-là étaient des instituteurs avant d’entrer dans la vie politique.
En un mot le corps de métier des instituteurs a donné beaucoup à nos luttes d’hier et il est juste de le relever aujourd’hui afin que nos enfants sachent que le maître d’école est le point de départ de leur ouverture sur le monde ainsi que de leur libération des chaines de l’obscurantisme et de l’ignorance.
Pourquoi les instituteurs étaient-ils si nombreux dans nos luttes d’hier. La réponse est simple, on ne peut pas instituer les êtres humains dans leur société et les conduire à la citoyenneté sans les libérer de la servitude du système colonial.
L’instituteur et les difficultés d’aujourd’hui
Ils sont les plus nombreux, nos instituteurs qui sont affectés dans le milieu rural, dans des villages sans eau potable ni électricité avec des enfants qui n’ont jamais vu la couleur du bitume. Des localités ou un vieux camion vient une fois par semaine. Il n’y a ni dispensaire encore moins une maternité. L’école a précédé les autres infrastructures.
-Travailler dans un village sans électricité ou il est impossible d’utiliser son ordinateur pour préparer ses cours est aujourd’hui impensable au XXIème siècle. L’instituteur de village est certain de ne pas bénéficier d’une formation continue.
– L’instituteur avec des effectifs de classes pléthoriques, des CP1 de 95 élèves, des CP2 de 75 élèves, des CE1 de 65 élèves. Comment porter le savoir vers ces jeunes esprits assis par terre dans des conditions aussi lamentables ? – De longs trajets le matin pour les enfants pour venir vers l’école.
– l’inconfort dans des classes parfois sous un arbre ou sous un hangar de fortune construit à la hâte par les pauvres parents d’élèves. Il manque de tout exposant ainsi les enfants à la merci des reptiles, scorpion, serpents et autres lézards, tout cela fait qu’aller enseigner dans le milieu rural relève du défi. Certains enseignants abandonnent carrément les élèves pour aller se faire affecter ailleurs.
– Comment peut-on ouvrir une école en sachant que de nombreuses classes n’ont pas de maîtres, de tables bancs ? Ou alors doit-on demander aux élèves et à leurs parents d’en fournir à l’école ? L’image de nombreux enfants assis à même le sol n’honore pas l’esprit de l’école comme lieu d’apprentissage du savoir.
– Sous nos cieux, la lutte des instituteurs pour quitter nos villages est telle que les affectations se vendent et s’achètent auprès de certains inspecteurs de l’enseignement primaire qui sont aujourd’hui les véritables manitous dans un système scolaire qui a déjà perdu son âme dans un environnement de copinage et de corruption.
– Les conditions de nutrition des enfants habitants loin de l’école et qui ne rentre pas à la maison à midi. Les cantines scolaires inexistantes dans le milieu rural. Sans parler du manque de matériels didactiques. Toutes ces choses dégradent l’esprit de l’école.
– Du côté des parents d’élèves les frais d’inscriptions et autres cotisations épuisent terriblement un milieu rural loin des centres de décisions qui se considère comme abandonné au milieu de nulle part dans un système éducatif inadapté à nos réalités ou il n’y a que les enfants de ceux qui ont de l’argent qui seront dans les bonnes écoles.
-Ils ont le sentiment que l’école aujourd’hui ne sert à rien car ne débouchant pas sur une orientation et une formation qui permet à leurs enfants de se prendre en charge pour affronter la vie et se réaliser comme citoyen.
L’ensemble de tous ces facteurs concourent à réduire la scolarisation des enfants et des jeunes filles en particulier car les parents dans nos régions isolées voient dans l’école un danger, celui de la remise en cause de leur autorité naturelle sur leurs enfants.
Le plus grave vient de l’état lui-même. Il y a des pays ou l’Etat doit trois ou quatre mois d’arriérés de salaires aux fonctionnaires. En Côte d’Ivoire, Les instituteurs après leur formation arrivent dans des écoles où ils sont confrontés à vivre et à travailler pendant un ou deux ans sans salaire. Ils mangent soit chez un collègue ou des parents d’élèves qui leur offrent le couvert du soir, car dans les villages du milieu rural ils sont tous au champ le matin.
Quel est donc la liberté morale et intellectuelle de celui qui fonctionnaire de l’Etat est nourri par nos populations plus pauvres que lui ? Le plus grave est le rappel des salaires impayés. Après la titularisation, le trésor de l’état paye 6 mois de salaire ou un an et vous attendez encore des mois et des mois pour avoir le reste dont vous ne savez même pas quand il vous sera versé. C’est ce que les syndicats appellent les stocks d’arriérés de salaires. Il y a ici des conditions de découragement, de maltraitance et de rabaissement qui font que de nombreux instituteurs quittent l’enseignement.
Ils vont vers la douane, la gendarmerie ou le service des impôts qui sont mieux rémunérés ou alors avec leur rappel, ils jettent l’éponge et vont carrément poursuivre leurs études à l’étranger en France, en Angleterre ou au Canada. Telle est par la faute de l’état lui-même la situation aujourd’hui du métier d’instituteur et de son exercice sous nos cieux
Postulat de Conclusion générale
Une nuit dans un petit village de la savane ivoirienne qui n’avait que quatre classes, une femme qui marchait dans l’obscurité fut piquée par un scorpion. Par bonheur un homme eu l’intelligence de poser un garrot sur le pied de la malheureuse dame et elle fut transportée à moto vers le dispensaire le plus proche à quinze kilomètres du village. Le médecin eu le temps de lui faire une injection d’antivenimeuse et de lui prescrire des analgésiques et des antidouleurs.
Il demanda aux accompagnants de lui donner les analgésiques le matin pour calmer la fièvre et les antidouleurs le soir après le repas et cela sur trois jours. À leur retour au village par ignorance car aucun des accompagnateurs ne savaient lire et personne ne se rappelait de quel médicament donner le matin ni le soir.
Une dispute éclatât entre eux et un notable du village fit la proposition de prendre les médicaments et d’aller demander au directeur de l’école. Toute la famille se déporta à l’école du village auprès de l’instituteur directeur de l’école du village.
Celui-ci après avoir lu attentivement la posologie des médicaments indiqua aux uns et aux autres ce que la malade devait prendre le matin et celui du soir. Voilà le maître d’école en mission d’éducation vers les familles du village. Comment ne pas être émus par de telles situations qui font de l’instituteur le porteur de lumière au service de nos communautés villageoises de la brousse africaine.
À tous nos jeunes gens qui affrontent aujourd’hui une carrière de maître d’école dans nos villages reculés de la brousse africaine. Sachez que vous êtes des éclaireurs, des porteurs de lumière, celle qui doit nous illuminer nos esprits et aider nos peuples à sortir de la nuit noire de l’ignorance, de l’obscurantisme et de la désespérance.
L’instituteur qu’on appelait hier le maitre d’école doit accompagner l’enfant aux portes de la citoyenneté en lui permettant d’aller vers la lumière de la vie. Nous n’avons pas nié les souffrances de votre métier. C’est tout à fait en votre honneur que les noms de vos illustres devanciers soient égrenés plus haut ici pour que vous sachiez que le chemin que vous avez emprunté est une échelle sans fin.
En ce qui concerne l’Etat et sa relation avec l’instituteur, bien qu’ayant fait des efforts pour construire les écoles et fournit les maîtres d’écoles, nous constatons qu’il est en train d’abandonner l’école public sur la route de sa propre cupidité et une incapacité déconcertante. Aujourd’hui l’excellence se trouve vers les écoles privées qui coûtent chères, ou le maître à des obligations de rentabilité, avec des classes de 25 à 35 élèves, disposants de tables bancs et ou un enseignement de qualité y est dispensé.
Mieux les parents riches peuvent en plus se payer des maîtres à domicile qui viennent à la maison pour aider l’enfant à faire ses devoirs et à réviser ses précédentes leçons.
Nous appartenons à une génération qui n’a pas eu ce luxe. Sommes-nous sur la voie de la privatisation de l’école dans nos malheureux pays africains couverts de dettes ? Telle est la grande interrogation en ces instants de douleurs et d’amertumes face à un horizon de plus en plus inatteignable.
Voilà pourquoi les états généraux de l’éducation de base rassemblant tous les partenaires de l’école avec une capacité de se donner les moyens pour appliquer ses résolutions s’imposent à notre système éducatif. Il s’agit ici d’une urgence entre l’état et les partenaires de l’école pour affronter les problèmes réels de l’éducation de base et y remédier.
C’est dans cet esprit que nous saluons nos instituteurs car finalement il n’y aura plus d’école dans nos localités les plus reculées sans eux.
L’écrivain brésilien Paulo Coelho résume mieux notre propos dans : le pèlerin de Compostelle. «Enseigner, c’est montrer ce qui est possible ; apprendre, c’est rendre possible à soit même.»
Tel est le message dont nous sommons porteur vers le maître d’école que nous appelons instituteur aujourd’hui.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Tel. 0041792465353 (Lugano) Suisse
Mail : nicolasnzi@bluewin.ch
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