Si l’usage d’éléments de langage militaires est récurrent de la part de la JFPI et du FPI, trois choses interpellent en la circonstance dans les derniers propos de la JFP, marqués du sceau de l’incivilité et d’une violence excessive, totalement inadmissibles :
1- La méthode invariable du FPI, dans un jeu de rôle suivant une distribution bien réglée qui lui est désormais coutumière, vient contredire hélas, l’espérance soulevée par la dynamique de réconciliation initiée récemment.
2 – La participation de la jeunesse rurale du PDCI-RDA à ce discours, sans que la Direction de ce parti ne rappelle à l’ordre ses dirigeants. Ce basculement dans la radicalité violente et le registre des attaques personnalisées de rejet, donne la mesure de la compromission et de l’inconsistance de l’attitude du PDCI-version BÉDIÉ.
3 – Le point le plus significatif et le plus condamnable, est le silence abasourdissant de la société politique dans son ensemble, devant ces dérives qui portent atteinte à la vie institutionnelle de la République et s’inscrivent dans une logique insurrectionnelle de désordre et de chaos. Celui-ci traduit le degré d’irresponsabilité de nos entrepreneurs politiques.
Complicité, compromission, petits calculs électoralistes à courte vue, tartuferie, irresponsabilité, contradictions, et surtout amnésie et populisme, semblent bien caractériser notre classe politique. Je le dis et le répète, les nouveaux démocrates doivent êtres frappés d’une amnésie de type rétrograde, résultant de la perte partielle ou sélective de la mémoire de leur gouvernance, mais les Ivoiriens qui s’en souviennent encore, disposent d’éléments comparatifs pour fonder leur propre appréciation des choses. Je ne discuterai donc pas le bien fondé de leurs attitudes. La gouvernance étant toujours à parfaire et la démocratie n’étant pas un système abouti, tout exercice du pouvoir est par nature imparfait, exposé à la critique, et comporte des faiblesses et des défauts. Ceux qui l’ont exercé devraient s’en souvenir, et ceux qui l’exercent devraient l’accepter et s’appliquer à les corriger, autant que possible. Cependant, dans une République démocratique avérée, on ne saurait tolérer des propos guerriers, des attitudes délinquantes et anti-républicaines, sans réagir. Cette réaction doit être celle de toute la société démocratique et républicaine, car l’Etat est l’incarnation et l’expression de celle-ci. Ce n’est pas la prérogative ou le domaine exclusif du pouvoir central, que de protéger la vie institutionnelle, la paix publique et la cohésion sociale dans une Nation. Elle doit s’élever contre ce qui les menacent et exprimer fortement sa désapprobation. Pour une société sortant d’un phénomène de violence massive, cela devrait être un mécanisme naturel de défense contre l’anxiété, l’angoisse et le traumatisme de souvenirs douloureux, dont certains comportements peuvent conduire à leur reproduction. Les élections doivent cesser d’être précédées et suivies d’une tension en Côte d’Ivoire. La conquête de la démocratie est un combat, mais pas une guerre. Lorsque que les politiques et leurs sous-traitants qui veulent nous y conduire à nouveau, réaliseront qu’ils ne sont pas suivis dans ce type de discours guerrier et de comportement irresponsable, ils changeront eux aussi, naturellement de conduite. Ces attitudes ne prospèrent que dans la mesure de ce que nous les acceptons, voire de ce que nous y adhérons ou que nous cautionnons de différentes manières. L’une d’elle est notre silence et notre complaisance.
CONCLUSION
Le problème de notre classe politique réside dans cette complaisance, voire cette compromission avec la négation des valeurs et des principes républicains. Quel que soit le pouvoir et quelle que soit l’opposition du moment dans un système démocratique, l’on ne doit jamais oublier que cette position n’est pas figée dans un système qui permet l’alternance, la succession, le changement, les uns pouvant se retrouver à la place des autres et vis versa. Autrement dit, la tolérance de ces déviations nous concernent directement en tant que potentiels pouvoirs de demain, car ils peuvent nous rattraper un jour, à la faveur du jeu démocratique des mécanismes d’alternance. En permettant avec obstination pour les uns et irresponsabilité pour les autres, leur existence et leur persistance, nous participons à l’installation d’une tradition et d’une culture, qui desservent une démocratie apaisée, détruisent la civilité, et menacent les fondations de la République, mais nous validons aussi des comportements que nous pouvons nous-mêmes subir dans le temps et qui préparent des lendemains orageux. Preuve que l’amnistie ne doit encourager ni l’irresponsabilité politique, ni la criminalité politique. La colonisation. a été rendue plus facile par l’absence de solidarité des communautés africaines, chacune estimant lorsqu’elle n’était pas directement et personnellement attaquée, qu’elle n’était pas concernée. Cette attitude de désengagement vis à vis de l’inacceptable, les a toutes rattrapé et créé une situation généralisée dont elles ont toutes souffert et pour longtemps, en ayant compromis leur avenir, au prix de leurs nombreuses compromissions et contradictions. C’est cette expérience historique négative que reproduit avec inconscience et irresponsabilité nos partis politiques. Lorsqu’on a pour objectif stratégique la conquête du pouvoir, on devrait y réfléchir très sérieusement, avant de se rendre complice de l’inacceptable, par une sorte de conspiration du silence. La fin ne justifie pas tous les moyens. Le PDCI-RDA d’HOUPHOUET-BOIGNY en a l’expérience. Il ne peut pas approuver aujourd’hui, ce qu’il a condamné hier avec véhémence, sans se contredire. Cautionner le désordre, l’incivilité et la violence, c’est trahir l’esprit et la la conception de l’État du Président Houphouet-Boigny. C’est plus qu’une contradiction interne et historique, C’est plus qu’une contradiction interne et historique. C’est une compromission certaine pour le PDCI-RDA, peut être pas pour le PDCI, notamment dans sa nouvelle version (compromission avec tous les pouvoirs qui lui ont succédé et les concepts de rassemblement, de solidarité et de panafricanisme qui caractérisent le RDA). L’absence de solidarité de toute la société politique contre les risques et les menaces qui peuvent peser sur la République, est une compromission qu’elle peut payer cher dans son entier ensemble. Ensuite, il y a la constance des convictions, la permanence des valeurs qui guident ou doivent guider notre action politique, notre conception de l’État, sans dépendre de notre position du moment sur l’échiquier politique ou de notre stratégie de conquête du pouvoir. Cette relativité réduite à nos propres intérêts, à notre ambition (soif du pouvoir), est en total désaccord avec les valeurs transversales, les règles « transpartites » et les principes fondamentaux qui participent à la construction idéologique d’un « État républicain, laïc et démocratique » (Cf. notre Constitution). La variabilité ou les mutations successives de ceux-ci dans le temps, basé uniquement sur notre position dans les rapports de force du moment, démontrent à loisir nos contradictions, notre inconsistance et nos trahisons. Enfin, notre rapport à la politique ne doit pas obéir à une stratégie de conquête ou de renversement de pouvoir ou encore de sa conservation, mais être subordonné à l’expression d’une vision politique, d’un projet de société et d’un programme de société, offrant à celle-ci un véritable choix pour la conduite de son destin, dans le cadre d’une compétition démocratique ouverte et transparente, où la violence, le désordre, l’incivilité, la menace et l’invective doivent être bannis et unanimement condamnés, comme étant des déviations inacceptables et un comportement délinquant.
Tout le monde sait, que les délais nécessaires à la mise en place d’une nouvelle CEI, absorberont beaucoup de temps pour parvenir à un consensus plus étendu. La dernière a pris plus d’une année, et c’est le FPI canal historique, qui refuse aujourd’hui d’assumer les conséquences de ses choix, est celui-là même qui a délibérément refusé de participer au processus de mise en place de la CEI actuelle, au motif que le faire équivaudrait à reconnaître la légitimité du pouvoir en place en rentrant dans la République qu’il dirige, et contredirait l’exigence de la libération préalable du Président GBAGBO, comme condition à sa participation à la vie politique et institutionnelle du pays. C’est la logique du « après moi, le déluge » ou du « GBAGBO ou Rien ». Aujourd’hui, qu’il a évolué par rapport à sa position initiale, il veut qu’on recommence tout et tout de suite. Ce n’est ni raisonnable, ni techniquement possible, sans bouleverser profondément la vie institutionnelle de la Nation. La position du PDCI qui a évoluée en sens inverse, est le parti politique dont le représentant préside la CEI actuelle, qu’il a toujours approuvé tant qu’il partageait le pouvoir et même sous la refondation qui l’y a installé au détriment du Ministre MEMBRÉ. Le maintien de M. BAKAYOKO à cette fonction après le reformatage de la CEI en violation des textes qui la régissent, selon moi, est la résultante de la proposition du Président BÉDIÉ lui-même, au motif de son expérience. Le PDCI qui a participé à toutes les élections organisées par cette CEI, change au tard de position vis à vis d’elle, dès lors qu’elle doit aller désormais tout seul à la compétition, et que ses intérêts partisans ne lui paraissent plus être équitablement garantis par le système électoral tel qu’il est. Autant on peut comprendre la logique du FPI, plus ou moins constante, même si l’on peut ne pas la partager, autant celle du PDCI, version BÉDIÉ, est difficilement compréhensible, sauf à avouer qu’il a bénéficié soit d’une rente de situation, soit d’irrégularités par le passé, dont il s’accommodait bien, tant qu’elles répondait à ses intérêts. Cette position n’est pas défendable, et constitue une injure tant au pouvoir central qu’à la Nation. Ceci dit, il faut engager la réforme sans peser sur le fonctionnement régulier de la vie institutionnelle, sans la perturber outre mesure (rupture de fonctionnement). Pour ce qui est de la situation socio-politique, les lignes bougent et vont dans la bonne direction. Le principe de la réforme est acquis, la libération des détenus en lien avec la crise post-électorale a été obtenue, les prochaines élections présidentielles sont ouvertes et inclusives. C’est une avancée remarquable, pourquoi vouloir coûte que coûte bloquer cette dynamique, plutôt que l’encourager pour l’approfondir ? Qui ça gène et pourquoi ? On peut regretter sa lenteur, son retard, voire ses insuffisances ou encore qu’une expérience du nouveau système électoral avant 2020 ne soit pas tentée, en guise de test. Dans tous les cas, ceux qui ne se sont pas inscrits sur les listes électorales, ne pourront pas voter quelle que soit la CEI, ancienne ou nouvelle. Conséquence prévisible, cette revendication isolée, n’est que la première de toute une série à venir (révision des listes électorales, révision du découpage électoral, reforme de la Loi électorale, etc. ….). Il faut donc du temps pour y répondre pleinement avec satisfaction. Pendant ce temps, la Côte d’Ivoire n’a elle pas d’autres préoccupations et défis à relever ? Doit elle toujours se focaliser sur la politique politicienne (terrain passionnel et conflictuel par excellence), se soumettre aux errements stratégiques et idéologiques d’une section du peuple (partis politiques), dont les positions évoluent constamment, sans qu’elle ne veuillent assumer ses responsabilités et reconnaître ses erreurs ? Sous le prétexte d’une revendication légitime (application d’une décision de justice), il ne faut pas que ce qui est réellement recherché, soit le renversement du pouvoir par la rue (objectif caché d’une faction), mais la réforme effective de la CEI dans des conditions optimales (sécurité et paix) et des délais raisonnables permettant une remise à plat de tout le système électoral et de fixer également l’expertise et la technicité accumulée sur une décennie, car le pays a besoin d’avancer dans tous les domaines de la vie nationale, en s’appuyant sur son expérience et les compétences qu’il a développées. L’aventure et surtout les bouleversements permanents ne sont pas nécessairement des garanties de progrès, au contraire. L’instabilité chronique est l’un des facteurs qui a le plus retardé le Afrique, à force égale avec la médiocrité des leaderships et la mauvaise gouvernance. Nous devons nous en garder.
Pierre Soumarey
Commentaires Facebook