Litige soldé à 8,3 millions d’euros Niger/Africard: La société civile veut des poursuites, le régime de Mahamadou Issoufou accusé

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Connectionivoirienne | Par Hervé Coulibaly

La société civile au Niger a haussé le ton depuis l’annonce de l’accord amiable signé à Washington, entre l’État du Niger et la société Africard, contre le paiement 8,3 millions d’Euros. Pour rappel l’État du Niger avait rompu de façon unilatérale en 2011 un contrat de fabrication de passeports biométriques signé avec Africard, portant sur un montant de 16 milliards de Francs cfa. Suite à cette rupture, l’État du Niger avait été condamné par plusieurs tribunaux dont la Cour d’arbitrage de l’OHADA à Abidjan, à verser le montant colossal de 27 milliards de Fcfa à Africard en guise de réparations, dommages et intérêts. Dans l’attente de l’exécution du paiement, Africard avait fait saisir plusieurs biens du Niger en France et aux États-Unis d’Amérique, dont des immeubles et l’avion présidentiel. L’accord amiable annoncé pompeusement par les autorités de Niamey, soulève la colère de la société civile nigérienne. Celle-ci accuse en effet le pouvoir de Mahamadou Issoufou [photo] d’avoir dilapidé des fonds publics, conséquence des erreurs commises par certains hauts responsables pays. Ces derniers devraient donc être poursuivis devant les tribunaux, selon des membres de la société civile. Niamey n’ayant pas selon ceux-ci dit toute la vérité sur les dessous d’une rupture de contrat qui au final aura coûté plusieurs milliards au pays. Car en plus des 8,3 millions d’euros officiellement payés par le pays, plusieurs autres millions d’euros auraient été dilapidés sous formes de dessous de tables, de lobbying et de frais d’avocats. «Notre pays aurait pu éviter toutes ces sorties de fonds publics, qu’on peut aisément estimer au double du montant annoncé dans l’accord amiable signé, après plusieurs années de procédures farfelues et budgétivore. Nous demandons une commission d’enquête parlementaire suivie de sanctions pour nos responsables corrompus», indique un membre influent de la société civile interrogé à Niamey.
Hervé Coulibaly

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Conférence 11 août 2018: Les Conseils de l’État du Niger le Bâtonnier Gabriel DOSSOU, avocat au barreau du Bénin, Illo Youssouf, avocat au barreau du Niger avec à leurs côtés M. Maidadji Manaissara (magistrat à la retraite), Directeur de l’Agence Judiciaire de l’État

Lu pour vous dans la presse nigerienne

Arrangement à l’amiable entre L’Etat et la société Africard pour solder un vieux litige

Par Aboubacar Yacouba Barma in Latribune.fr

L’Etat du Niger et la société Africard ont finalement trouvé un arrangement à l’amiable qui met définitivement fin au litige à multiples rebondissements qui les oppose depuis 2013 et qui est relatif à la rupture d’un contrat de production de passeport biométrique. En contrepartie du versement par l’Etat du Niger, d’une somme de 8,3 millions d’euros, Africard s’engage à opérer une main levée sur les saisies qu’elle a effectué sur des biens appartenant au pays. Les deux parties ont également décidé de se désister mutuellement de toutes les procédures judiciaires qu’elles ont engagées, ce qui n’est pas du goût de la société civile.

Cette fois, c’est le bon arrangement entre l’Etat du Niger et la société libanaise Africard CO, spécialisée dans la conception de documents d’identité biométrique. Au terme de nouvelles négociations, les deux parties sont parvenues à un accord transactionnel qui met fin et de manière définitive, au contentieux qui les oppose depuis 2013, à la suite de la rupture d’un contrat de production de passeport biométrique. L’accord a été signé le 27 juin dernier, mais il a fallu attendre ce samedi 11 Août, pour qu’il soit rendu public à l’occasion d’une conférence de presse, des avocats de l’Etat du Niger.

« Au terme des négociations engagées, les deux parties ont convenu de mettre un terme, à l’amiable et de manière définitive, à leur litige. Pour ce faire, un protocole d’accord transactionnel a été signé, aux fins de préciser les concessions réciproques que les deux parties se sont mutuellement consenties, et ce sans aucune reconnaissance de responsabilité de l’une des quelconques des parties » a expliqué, Mainassara Maidadji, le directeur général de l’Agence judiciaire de l’Etat (AJE) en charge de la gestion du contentieux de l’Etat.

Concessions réciproques

Ainsi, selon les termes de l’accord, l’Etat du Niger a payé depuis le 19 juillet et comme il s’est engagé, la somme de 5 millions d’euros à titre de règlement forfaitaire, transactionnel et définitif de toutes les réclamations de Africard CO. Cette somme s’ajoute aux déjà 3,3 millions versés par le Niger en 2016 au titre d’un précédent accord amiable partiel, ce qui porte le montant total de la contrepartie financière versée par le Niger à 8,3 millions d’euros soit quelques 5,4 milliards de FCFA. Par ailleurs, ont expliqué les avocats, leur client s’est désisté de sa constitution de partie civile au près du tribunal de Niamey depuis le 27 juillet 2018, et « sans attendre la mainlevée complète des saisies ». Egalement, l’Etat du Niger s’est engagé à ne pas porter plainte ou se constituer partie civile contre Africard CO devant toute juridiction n’importe où dans le monde en relation avec ce litige.

De son côté, la société Africard s’est engagée à donner main levée, à ses frais, de l’intégralité des mesures d’exécution qu’elle a engagée sur les biens et avoirs, de toute nature que ça soit, de la République du Niger. Selon les avocats du Niger, Africard a déjà mis à la disposition du Niger, 70 PV de main levée de saisie portant sur divers immeubles et la société s’est également engagé « à ne pas procéder à aucune nouvelle mesure ou procédure d’exécution ou de contrainte, quelle que soit, sur un quelconque bien ou avoir du Niger quelque pays que ce soit en lien avec le présent litige ».

Un contentieux à multiples rebondissements

Tout est bien qui finit bien donc, à en croire les avocats de l’Etat du Niger qui se réfèrent aux dispositions du code civil, lesquels stipulent que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou la poursuite entre les parties en vue d’une action ayant le même objet ».

Le contentieux qui oppose le Niger à Africard remonte à 2011 avec un marché de production de passeports biométriques signé entre les autorités nigériennes de l’époque et l’entreprise libanaise dirigée par Dany Chacour. Le marché portait sur 16 milliards de Fcfa mais alors que son exécution n’a pas encore commencé, les autorités qui viennent de prendre fonction à la suite de l’élection de Mahamadou Issoufou, ont résilié unilatéralement le contrat qui d’après elle, contrevenait à la loi sur les Partenariat Public Privé (PPP) que le pays vient de se doter.

Pour Africard, il s’agit d’une « rupture unilatérale et abusive de contrat » et l’entreprise avait d’abord saisi les tribunaux nationaux, où elle a obtenu gain de cause, puis avait porté l’affaire, en avril 2013, devant la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA à Abidjan. Là aussi, l’Etat du Niger a été condamné à verser quelques 27 milliards de Fcfa à titre de dommage et intérêts pour Africard.

Le gouvernement nigérien s’est bien sûr opposé à ce premier arbitrage et sur la base des décisions de justice, les avocats de Africard CO avaient opéré des saisies de biens et des avoirs du Niger en France et aux Etats Unis notamment des résidences à usage diplomatique à Paris et à New York, des créances destinées au financement des projets de développement auprès de Areva ainsi que le Mont Greboun, l’avion présidentiel.

Le contentieux a pris, à plusieurs reprises, des relents politiques car le gouvernement nigérien n’a eu de cesse de contester la décision des arbitres, accusant même certains magistrats de corruption. Au plus fort du litige, le ministre nigérien des finances, Hassoumi Massaoudou, a même qualifié Africard et ses avocats de « bande d’escroc », tout en promettant que « le Niger ne versera pas un kopeck à cette société ». L’arrangement entre les deux parties est d’ailleurs intervenu alors que plusieurs dossiers sont en instance devant des juridictions nationales, auprès de la CCJA ainsi qu’en France où le Niger avait, il y a quelques mois, pu obtenir par décision judiciaire, la levée de la saisie de certains de ces biens.

Pour les avocats de l’Etat du Niger, c’est une bonne affaire au regard de la somme payée, 5,44 milliards alors qu’Africard réclamait plus de 24 milliards de Fcfa sans compter les frais inhérents aux différentes procédures judiciaires. « Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », a d’ailleurs commenté, Me Illo Issoufou, avocat de l’Etat du Niger qui fait remarquer qu’en plus de l’économie pour les caisses de l’Etat, ce procès a permis au pays de mettre à jour son patrimoine immobilier avec la découverte d’au moins deux (2) immeubles à usage diplomatique actuellement utiliser par deux missions consulaires de deux pays voisins, le Mali et le Bénin. Cependant, le deal n’est pas du goût de la société civile pour qui le pays a perdu des fonds en raison des erreurs commises par certains responsables qui devraient être poursuivi pour répondre de leurs actes.

Les grandes lignes de l’accord

La République du Niger s’engage, entre autres :

Pour solde de tout compte, à payer à AFRICARD Co LTD la somme de 5.000.000 Euros à titre de règlement forfaitaire, transactionnel et définitif de toutes les réclamations d’AFRICARD Co LTD au titre du litige, somme qui s’ajoute à celle de 3.300.000 Euros déjà perçue par AFRICARD Co LTD le 1er Septembre 2016 au titre de l’Accord Amiable Partiel. Le règlement de cette indemnité transactionnelle doit se faire par virement bancaire sur le compte CARPA du Conseil d’AFRICARD Co LTD au plus tard trente (30) jours après la signature du Protocole d’Accord Transactionnel. Il faut préciser à ce niveau que les 5.000.000 Euros ont été virés le 19 Juillet 2018 alors que le protocole a été signé le 27 juin 2018.

Au plus tard quinze (15) jours après l’accomplissement complet des formalités de main levée et d’extinction de l’intégralité des mesures d’exécution, à se désister de sa constitution de partie civile dans le cadre de la procédure pénale pendante devant le Tribunal de grande Instance Hors Classe de Niamey et le cas échéant à se désister de toute autre plainte et constitution de partie civile n’importe où dans le monde en relation avec le présent litige. Sur ce point, la République du Niger s’est désistée de sa constitution de partie civile devant le Doyen des Juges d’instruction de Niamey par lettre en date du 27 Juillet 2018, lettre reçue le même jour sous N° 95, au Cabinet du Doyen des Juges d’instruction. A ce niveau, il importe de souligner également que la République du Niger n’a même pas attendu la mainlevée complète des saisies avant de se désister de sa constitution de partie civile.

Par ailleurs à ne pas déposer plainte ou à ne pas se constituer partie civile contre AFRICARD Co LTD, ni l’un quelconque de ses dirigeants, associés, salariés, ses conseils ou le tiers financeur du Litige, devant toute juridiction n’importe où dans le monde en relation avec le présent litige.

Quant à AFRICARD Co LTD, elle s’engage :

à donner mainlevée, à ses frais, de l’intégralité des mesures d’exécution qu’elle a engagées sur des biens et avoirs, de quelque nature que ce soit de la République du Niger dans le cadre du présent litige, qu’elles soient dénoncées ou non. Dans ce cadre, les Conseils d’ AFRICARD Co LTD ont déjà communiqué au conseil de la République du Niger près de soixante-dix (70) procès-verbaux de mainlevée de saisies. Mais s’agissant plus particulièrement des immeubles saisis à Paris, il y a lieu de rappeler que la République du Niger avait déjà obtenu la mainlevée des saisies à la suite de plusieurs décisions rendues par le Tribunal de grande Instance de Paris. Le Conseil de la République du Niger effectuera les formalités nécessaires auprès des services comptent français. S’agissant de l’immeuble de New York, les formalités ont déjà été faites.

expressément et irrévocablement, pendant une durée de trente (30) jours après la signature du protocole, et sans limitation de durée si l’indemnité transactionnelle est payée et en tout état de cause sous réserve des points 6.2 et 6.3 relatifs à la portée de la transaction, à ne procéder à aucune nouvelle mesure ou procédure d’exécution ou de contrainte, quelle que soit, sur un quelconque bien ou avoir de la République du Niger quelque pays que ce soit, en lien avec le présent litige, au titre des sentences arbitraires ou de toutes décisions donnant effet aux sentences arbitrales ou de toutes décisions donnant effet aux sentence arbitrales, ni à chercher à se faire payer une quelconque somme en lien avec les mesures d’exécution auprès d’un quelconque tiers, ni à réaliser aucune des mesures d’exécutions.

Il s’ensuit que lorsque l’intégralité des mesures d’exécution auront été levées ou retirées, les deux parties se sont également engagées à prendre les dispositions nécessaires pour mettre fin, dans les meilleurs délais, aux procédures en cours selon les modalités prévues dans ce Protocole d’Accord Transactionnel entre l’État du Niger et AFRICARD Co LTD,

Portée juridique du Protocole d’Accord Transactionnel

A la lumière de tout ce qui précède, Me Gabriel DOSSOU, Me Illo Yossouf et le Directeur général de l’AJE, M. Maidaji Mainassara, ont conclu que l’une des plus grandes portées du Protocole d’Accord Transactionnel entre l’État du Niger et AFRICARD Co LTD est que la transaction règle définitivement le litige intervenu entre les parties et ce conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du Code Civil et notamment de l’article 2052 dudit Code qui dispose que « la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entres les parties en vue d’une action ayant le même objet ».

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