L’intelligent d’Abidjan est en mesure d’affirmer que la volonté du Président Bédié d’être candidat à l’élection présidentielle de 2020, est la raison profonde et principale de son divorce en cours d’avec le chef de l’État, Alassane Ouattara.
Alassane Ouattara qui a accepté la requête du Président Bédié de faire supprimer la limite d’âge dans la Constitution de la troisième République adoptée par référendum, estime à priori qu’il ne lui revient pas de contester le droit de son aîné Bédié, à être candidat. Toutefois le Président ivoirien ne trouve pas l’idée opportune et géniale. C’est même cela qui explique le fait que dans une interview à Jeune Afrique, Alassane Ouattara a dit clairement qu’il était prêt à renoncer à ses principes, et à son engagement de n’être pas à nouveau candidat en 2020, si la stabilité du pays, exigeait cela. Selon de bonnes sources, il s’agissait de lancer un message au Président Bédié : « Si tu es candidat en 2020, je suis candidat ».
L’interpellation n’a pas calmé les ardeurs du Président du Pdci, qui rêve de plus en plus d’un come-back historique à plus de 85 ans, en 2020. Certes Bendjo et surtout Billon parlent souvent de l’arrivée d’une nouvelle génération au pouvoir en 2020, mais Guikahué semble lui être plutôt bien en phase avec les plans de Bédié. Il se voit même Premier ministre, chef de gouvernement en cas de victoire en 2020.
Alassane Ouattara et le Rdr n’avaient pas prévu l’équation d’une candidature de Henri Konan Bédié, en 2020. Ils estiment de plus en plus avoir été « abusés » ou « piégés », par l’appel de Daoukro, dont ils comprennent désormais et de plus en plus, les motivations complètes, ainsi que les calculs et intentions non clairement avoués au départ. Selon eux, Henri Konan Bédié n’a sacrifié les ambitions au Pdci, les velléités de candidature de Banny, Essy et Kkb, que dans son propre intérêt. Ils estiment qu’il ne l’a fait qu’en pensant à lui-même, et non pas au Pdci, ni encore moins pour faire plaisir à Alassane Ouattara. Pour la Rue Lepic (nom de la rue du siège du Rdr ), il est désormais clair qu’il n’a jamais été question pour Henri Konan Bédié, Président du Pdci de propulser un candidat quelconque, au nom de l’alternance .
« Ils disent au Pdci qu’un chef Akan ne désigne pas son successeur. C’est même Houphouët-Boigny qui l’aurait dit. N’empêche que celui-ci a pourtant fini par installer Bédié comme son dauphin. C’est bien parce que le Président Houphouët l’avait plus ou moins adoubé, que Bédié a gagné la bataille de la légalité et de la légitimité face à Ouattara en 1993. C’est donc faux et vain de vouloir justifier ce refus de passer la main, ainsi que cette confusion entretenue à dessein , pour créer le chaos dans le Pdci, par la tradition Akan ou Baoulé », commente un cadre Pdci resté favorable au parti unifié, qui rejette que l’idée que le mystère entretenu autour d’un candidat autre que Bédié viserait à protéger l’homme qui sera choisi.
Dans l’entourage du Président du Pdci, ceux qui se montrent favorables à sa candidature en 2020 avancent leurs arguments : « Même si le Président Ouattara n’est pas candidat ; le système et la machine mis en place, vont aider ses hommes à broyer le candidat Pdci, et tout autre adversaire. Le Président Bédié est le seul qui a la carapace pour résister, pour mener le combat, et pour rassembler. Lorsque démocratiquement nous allons battre le Rdr, nous verrons comment faire après. Soit le Rdr soutient le retour au pouvoir de Bédié et du Pdci, et négocie avec nous ; soit il perd le pouvoir. Il n’y a pas de troisième option, avec notamment la possibilité pour le Rdr de rester au pouvoir après 2020. Le Président Bédié accepte de se sacrifier pour protéger le parti, et les cadres, en envisageant d’être candidat. Il aspire au repos , mais le devoir et le pays l’appellent. Il ne peut pas ne pas répondre à l’appel. Et il ne le fait pas pour lui-même ».
Réagissant à une demande de médiation avec son aîné, le chef de l’État ivoirien qui est averti des intentions de Bédié depuis au moins un an, aurait confié : « Ce que le Président Bédié attend désormais de moi, est difficile. J’ai tout accepté de lui depuis notre réconciliation, mais cette fois-ci, ce qu’il me demande est trop, et je ne peux pas le satisfaire ».
Tout a commencé à la veille du long séjour parisien du Président Bédié en mai-juin 2017. Un séjour durant lequel le Président du Pdci avait accordé des interviews à des médias étrangers. Mais avant, les deux hommes s’étaient sondés à travers des émissaires qui ont passé des messages : et si Ouattara faisait un autre mandat après 2020 ? Et si Bédié était candidat en 2020 ? Ces hypothèses émises à haute voix, ont eu des échos négatifs. Bédié a dit qu’il n’était pas question pour lui de soutenir une autre candidature de Ouattara. Et Ouattara a également dit la même chose au sujet d’une candidature de Bédié. Et alors que le chef de l’État ivoirien s’interrogeait sur les hommes que pourrait soutenir au Pdci le Président Bédié, et lui demandait de proposer des noms pour l’alternance, Bédié se contentait de disqualifier les trois choix présumés de Ouattara ( Duncan, Gon Coulibaly, Hamed Bakayoko), en pointant les faiblesses de chacun, sans jamais parler de leurs qualités éventuelles.
La guerre des nerfs était restée en l’état jusqu’à la fin des travaux du comité de haut niveau, marquée par le refus de Ducan et de Bacongo de faire mentionner dans les conclusions et projets de statut que le Président du parti unifié est Henri Konan Bédié. « C’est à partir de cet échec que l’ordre a été donné par Bédié à Guikahué et à Billon de charger et torpiller le parti unifié au cours du meeting de mars 2018, à Yamoussoukro », révèle un cadre du Rdr, qui rappelle qu’à son retour de France en 2017, le Président Bédié avait déjà averti que 2020 n’est pas négociable pour tout le monde.
Le « tout le monde », avait alors atténué les choses. Mais aujourd’hui il est clair que 2020 et l’alternance sont plutôt non négociables, pour Bédié, don’t l’intention de candidature fait désormais partie des secrets de Polichinelle. Lorsque l’on n’a pas intégré cela, il est impossible de comprendre la crise actuelle au sein de la coalition au pouvoir.
Charles Kouassi
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