Par Connectionivoirienne
Tambours battant, les visages enchantés, transportés par centaines, les partisans du chef de l’Etat Alassane Ouattara ont fait le plein du Sofitel Hôtel Ivoire, lundi, jour ouvrable, pour voir naître le parti unifié Rhdp. Nouvelle parade politique du locataire du Palais d’Eburnie dans sa course inéluctable vers un 3e mandat présidentiel.
Tout son monde était là. De son cercle restreint d’amis et de collaborateurs aux simples cadres de l’administration publique et privée. Aucune excuse n’est valable pour s’absenter à un tel événement où se joue en même temps la conservation des postes juteux. Avec lui également, ses nouveaux amis et alliés qui n’ont pas forcément vécu la réclusion du Golf hôtel en 2011. Mais pour services rendus au cours du long et fastidieux processus de mise en place du Rhdp, ils avaient droit au chapitre. Eux, ce sont les dirigeants des morceaux des partis qui ont apporté leur caution à l’avènement du parti unifié. Siaka Ouattara, le nouveau secrétaire d’état en charge du service civique, le professeur Séka Séka, nouveau ministre de l’environnement pour le compte du PIT, Dr Brou Yao, un illustre inconnu de la scène politique présenté comme le président de l’Upci, parti qui avait dit non et qui a subi une dissidence en réponse, le ministre Mabri Toikeusse pour l’Udpci, le seul parti qui résiste pour l’instant aux tempêtes des divisions. Les nouveaux dissidents du Pdci, membres du mouvement ‘’Sur les traces d’Houphouët-Boigny’’ amenés par l’encore ministre des ressources halieutiques, Kobénan Kouassi Adjoumani n’ont pas manqué à l’appel.
Ces derniers ont joué sur deux fronts ce lundi. Présents dans la matinée à Yamoussoukro, aux obsèques de l’un des derniers dinosaures de l’ère houphouetienne, Jean Konan Banny, ils ont pu rallier Abidjan peu avant 15 heures pour être présents à l’Hôtel Ivoire. Ce sont Jeannot Ahoussou, Amichia François, Diby Koffi, Patrick Achi, Fofana Siandou, Abinan Pascal, Aka Aouélé, Ahoua N’doli Théophile, Jean Claude Kouassi pour ne citer que ceux-ci.
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé »
Tout ce beau monde était là, sauf un. Henri Konan Bédié, président du Pdci-Rda, grand allié d’Alassane Ouattara et partenaire stratégique dans l’alliance des houphouetistes que fut le Rhdp. « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Ce dicton de l’auteur français Lamartine dans son célèbre poème « l’isolement » revêt ici tout son sens. L’ombre de Bédié a hautement plané sur ces assises et Ouattara qui l’a réalisé à ses dépens, tel dans une homélie n’a pas cessé de regretter l’absence de celui qu’il appelle encore son ‘’aîné’’. Pour sûr Ouattara n’a pu se satisfaire de la présence des Siaka Ouattara et consorts, de l’air de suffisance d’Adjoumani and co pour mission accomplie. Il lui fallait son Henri Konan Bédié, celui-là grâce à qui, il a conquis le cœur du peuple baoulé qui le surnomma affectueusement ‘’Allagnissan’’. Celui qui, rappelle Ouattara lui-même, lui a juré fidélité pendant les heures chaudes de la ‘’République du Golf’’ par cette petite phrase « Alassane, je reste avec toi ».
Dans tout son discours fait menaces, de mise au point et de rappel historique, Ouattara, même sur ses grands chevaux, laissait entrevoir qu’un ressort est vraiment cassé. Mais comment peut-il faire revenir le président du Pdci qui, sans avoir prononcé la rupture décide de jouer la carte de la fermeté et de la sourde oreille face aux jérémiades de son principal allié ?
Le temps de l’idylle et de la compromission
Dans les faits, trop de choses secrètes ou indiscrètes lient Bédié et Ouattara depuis la longue marche qu’ils ont entamée pour en arriver au pouvoir et le cogérer. Dans l’imagerie populaire en Côte d’Ivoire Henri Konan Bédié est considéré à juste titre comme le Pca du pays. Sans être aux manettes, il contribuait jusqu’à une date récente à la prise de certaines décisions sensibles pour le pays. Il en a été ainsi du transfèrement de Gbagbo à La Haye.
Dans des négociations souterraines, en 2011, le Fpi qui était allé demander l’aide de Bédié pour obtenir la libération de Gbagbo alors détenu à Korhogo, s’est vu rabrouer à Daoukro. Des cadres du Pdci rappellent même que leur président a suffisamment profité de sa position pour faire la promotion de sa famille, de ses amis et de ceux qui lui sont fidèles au détriment de bien d’autres qui n’ont pas de relations privilégiées avec lui. Pour référence, des gens ne cachent plus leur critique vis-à-vis de l’octogénaire qui dans sa position actuelle ne trouve aucun inconvénient à ce que son fils Patrick reste toujours conseiller à la primature et que d’autres dans son cabinet continuent d’émarger à la présidence de la République.
La petite rébellion contre lui, au sein du Pdci tient sa source de ces frustrations vécues. Et d’autres militants de rappeler que si des cadres du Pdci sont allés aussi loin avec le Rdr et avec Ouattara, c’est bien avec la bénédiction de Bédié et il leur serait difficile de se défaire de ces liens qui, du reste, leur font beaucoup de bien que de mal.
Selon une source bien informée, lors des discussions pour la formation du nouveau gouvernement, une délégation composée de ministres du Pdci qui est allée consulter Bédié peu avant le mardi 10 juillet, jour de la publication de la liste, a entendu Bédié leur dire de ‘’continuer dans la constance avec le Premier ministre Gon’’. Ils sont sortis ragaillardis par ces propos et semblaient rassurés jusqu’à ce que Bédié produise un communiqué disant qu’il n’a pas été consulté. Ces cadres ont accusé le coup d’autant plus que, assure les mêmes sources, certains parmi eux comme Ahoussou, Amichia, Goudou, Diby et Duncan ont mis en garde Adjoumani contre une scission du Pdci. Ceci expliquerait également la longue attente observée lors de la déclaration de naissance du mouvement ‘’Sur les traces d’Houphouët-Boigny’’ et le flou artistique décelé dans le discours d’Adjoumani, ce jour-là. Des paragraphes entiers y auraient été biffés pour prendre en compte les intérêts du Pdci et la loyauté à Bédié mais en même temps à Ouattara.
Une tempête dans un verre d’eau ou un vrai désir d’affranchissement ?
Pour certains observateurs avertis de la scène politique, cette posture du patron du Pdci est l’expression d’un caprice passager qu’un vrai désir de changement de cap de la part de celui-ci. Ils mettent en avant ces précédents coups de colère qui ont fini par s’émousser par la suite dans sa relation avec le chef de l’Etat.
Pourtant cette fois, les choses ont pris l’allure d’une vraie bataille frontale. Henri Konan Bédié, chose inhabituelle, n’a-t-il pas multiplié les communiqués dans cette guerre des nerfs.
Entre tempérer ses ardeurs sous la pression des cadres déjà mouillés parce que jetés à l’eau et aller au front pour faire triompher le Pdci, Bédié devra trancher. Aussi, des sources introduites annoncent-elles un grand bouleversement au sein des organes dirigeants du vieux parti, suivi d’un grand rassemblement qui donnerait le ton pour 2020. A l’occasion, des jeunes loups prêts pour la bataille de survie devraient être propulsés au-devant de la scène.
L’heure de la clarification et du ‘’dernier combat’’ est sans doute arrivée pour le prince des Nambè.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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