Les écailles commencent à tomber des yeux de certains partisans de Ouattara en Cote-d’Ivoire

Il y a quelques jours, des vivants, c’est-à-dire des personnes pas encore mortes, ont dû abandonner maisons et biens pour partager le même territoire que des morts. Depuis quelques jours, des hommes et des femmes sont obligés de dormir dans un cimetière avec leurs enfants. Cela se passe à Port-Bouët, une commune située à l’entrée d’Abidjan quand on quitte l’aéroport international F. Houphouët-Boigny. De mémoire d’Ivoirien, c’est du jamais vu! Qui eût songé à une telle bizarrerie? En tout cas, pas Madame Hortense Aka Anghui qui dirigea la commune de Port-Bouët pendant plus de trois décennies.

L’ancienne maire doit se retourner dans sa tombe et se demander, de là où elle se trouve à présent, pourquoi la vie de ces gens a basculé dans la catégorie des sans domicile, du jour au lendemain. Et ceux qui communiquent avec les morts lui répondront: Parce que Dramane Ouattara a exigé leur déguerpissement, parce que son gouvernement leur a demandé, sans préavis et sans l’assurance d’un nouveau toit, de quitter le quartier dans lequel certains d’entre eux sont nés et ont grandi. Livrés désormais aux caprices du vent et de la pluie, exposés aux moustiques et aux maladies de toutes sortes, ces malheureux pères et mères de famille ne sont cependant pas inconnus du RDR ni du président d’honneur de ce parti. En effet, et c’est l’une des choses qu’ils ont en commun avec les délogés de Cocody Danga, de Gobelet et de Washington, ce sont eux qui ont battu campagne, bataillé, blessé, insulté, voire tué pour que Dramane Ouattara soit au pouvoir. Ils l’ont soutenu et défendu, bec et ongles, parce qu’ils le considéraient comme un des leurs, parce qu’ils croyaient avec d’autres ressortissants de la CEDEAO que l’Éburnie était un no mans’s land ou bien appartenait à tout le monde. Ils le croyaient dur comme fer, tout comme ils étaient persuadés que leurs parents avaient construit ce pays, sué eau et sang pour qu’il soit ce qu’il est aujourd’hui. Pour eux, si ADO, leur “frère”, arrivait au pouvoir, ce serait la fin de leur galère dans ce pays où coulent le lait et le miel. Tout cela, ils le croyaient vraiment et se croyaient intouchables jusqu’à ce maudit jour où des bulldozers rasèrent leurs pauvres habitations. Ils comprirent alors que la méchanceté ou la bonté n’est pas forcément là où on l’imagine et que l’homme en qui ils avaient mis leur confiance n’était guère différent des politiciens menteurs et sans cœur.

Je les ai vus dans mon rêve d’hier, ces hommes et femmes chassés manu militari d’Abattoir. Ils avaient encore les yeux hagards et avaient été rejoints dans le cimetière de Port-Bouët par les déguerpis de Washington, de Cocody Danga et de Gobelet. Tous disaient avoir perdu leurs illusions sur ce faux-frère et sur une Côte d’Ivoire réconciliée. Alors que des femmes essayaient tant bien que mal de calmer leurs rejetons tenaillés par la faim ou la soif, un homme monta sur une tombe. Wédraogo était son nom mais tout le monde l’appelait “Wed”. Il était apprécié et respecté. Pour n’avoir pas dormi quatre nuits durant, il était un peu nerveux. Il demanda le silence, chose qu’il obtint sans trop de difficultés, puis délivra le discours suivant: “’D’abord, nous devons reconnaître notre tort d’avoir laissé un individu ingrat et cruel nous manipuler et nous opposer à des gens qui nous ont ouvert et leurs portes et leurs cœurs. Combien d’entre nous n’ont pas pris part aux meetings et marches du RDR, cotisé et combattu pour ce parti alors que la loi ivoirienne ne nous y autorisait pas? Nous pensions, en agissant de la sorte, défendre une cause juste et noble. Mais ceux que nous avons aidés hier nous ont tourné le dos. Contre nous, ils ont fait ce qu’aucun autre président avant eux n’a osé faire: détruire nos maisons, brutaliser des femmes âgées et des enfants, nous faire dormir dans un cimetière. J’ai appris, ce matin, qu’ils ont commencé à s’en prendre aux serviteurs de Dieu (prêtres, pasteurs et imams) qui les ont interpellés ces jours-ci sur la justice sociale et la bonne gouvernance. Nous devons, ensuite, savoir que ni les pleurs, ni les lamentations ne nous ramèneront ce que nous avons perdu. Si nous voulons sortir vite de cette situation, il nous reste une seule chose à faire: nous solidariser avec tous ceux que ce régime dictatorial et sanguinaire a frustrés, dépossédés, humiliés, roulés dans la farine ou persécutés. Nous-mêmes, malgré tous les sacrifices consentis, nous avons été traités comme des moins que rien; c’est en monnaie de singe que nous avons été payés. Qu’avons-nous encore besoin de preuves pour admettre que ce régime est violent et inhumain et qu’il mérite d’être dégagé le plus tôt possible?” Wed fut longuement ovationné. C’est comme s’il avait dit ce que la foule désirait entendre. Il fut davantage applaudi quand il termina son speech par cette phrase: “Aucune dictature n’est éternelle. La justice et la liberté finiront par triompher et un jour nouveau se lèvera sur ce pays qui a tant donné en Afrique mais dont la générosité n’a pas toujours été appréciée à sa juste mesure”.

Jean-Claude DJEREKE

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