(Ecofin Hebdo) – L’ancienne gloire du tennis a trouvé une idée de génie pour échapper à ses dettes et aux poursuites engagées contre lui en Grande Bretagne : se doter d’un faux passeport diplomatique centrafricain !
Poursuivi par la justice britannique, le champion de tennis Boris Becker a invoqué la semaine dernière l’immunité diplomatique pour tenter de mettre fin à la procédure de faillite. Depuis avril, l’ancienne star mondiale du tennis affirme avoir été nommée ‘’attaché diplomatique de la RCA auprès de l’Union européenne’’ par le président Touadéra en personne. Et brandit un passeport diplomatique. Problème : les autorités centrafricaines démentent cette version.
Tout part d’une photo publiée par Boris Becker sur Twitter le 27 avril. On y voit l’ancienne gloire du tennis mondiale poser avec Faustin Archange Touadéra, et cette mention « S.E. le Président Faustin Archange Touadéra me nommant son attaché pour les affaires culturelles, humanitaires et sportives auprès de l’Union européenne ». L’affaire prend de l’ampleur quand les avocats de l’ancien numéro 1 mondial criblé de dettes invoquent devant la justice britannique le 14 juin dernier son statut de diplomate et son éventuelle immunité, afin d’échapper à des poursuites pour non-paiement de plusieurs millions d’euros de créances.
A Bangui toutefois, personne ne reconnaît sa prétendue nomination comme attaché. « Il n’existe aucun document pouvant attester que Boris Becker a été nommé à un quelconque titre que ce soit par le président de la République Faustin Archange Touadéra, dément Albert Yaloké Mokpeme, le porte-parole de la présidence centrafricaine. Le président de la République a rencontré Boris Becker deux fois. Quand je dis rencontrer, c’est que quand il s’est déplacé à Bruxelles et à Paris, on lui a introduit lors de ses audiences Boris Becker qu’on lui a présenté comme un grand sportif de renommée mondiale, intéressé par notre pays et qui pourrait faire beaucoup de choses pour le sport en République centrafricaine. Et à la fin Boris Becker a demandé à faire une photo, et le président comme à son habitude s’y est prêté, raconte le porte-parole. Il l’a rencontré dix minutes, un quart d’heure. Beaucoup de gens rencontrent le chef de l’Etat, saluent le chef de l’Etat, demandent à faire des selfies avec le chef de l’Etat, ça ne leur donne pas le droit de prétendre à quoi que ce soit. »
Pour justifier de son statut de diplomate, Boris Becker brandit un passeport diplomatique centrafricain établi le 19 mars dernier. Mais ce passeport est un faux, martèle le ministre des Affaires étrangères Charles Armel Doubane, supposé signer personnellement ces documents particuliers. « La signature qui est apposée sur ce passeport n’est pas la signature du ministre des Affaires étrangères que je suis, encore moins le cachet imprimé en mon nom, ni le timbre du ministère. Tous ces éléments ne sont pas bons », clame le ministre.
Autres éléments à charge, le numéro de série du passeport. Il appartient à un lot d’une centaine de passeports diplomatiques vierges volés en 2014 à Bangui. Par ailleurs en date du 19 mars le ministère n’a émis que deux passeports diplomatiques. Aucun au nom de Becker Boris. Enfin, ce genre de passeport obéit à des règles de fabrication simples. Le demandeur doit se rendre dans un centre à Paris ou à Bangui pour que ses données biométriques, empreintes digitales ou fond d’œil soient recueillis. Des centres où jamais Boris Becker ne se serait rendu, selon le ministère.
« Pour qu’une nomination soit faite, ajoute le chef de la diplomatie centrafricaine, il faut que je sois instruit par le président de la République qui m’autorise à prendre un acte administratif de nomination. C’est cet acte administratif qui confère le grade ou le titre du poste à occuper et c’est ce titre ou cet acte administratif qui permettra la délivrance effective d’un passeport diplomatique à l’intéressé », explique à RFI Charles Armel Doubane.
Face au tollé, Boris Becker a donné mardi 19 juin une interview au journal allemand Top Magazin Frankfurt. Dans cet entretien, l’ancien champion maintient sa version. « En avril dernier, j’ai été nommé par Son Excellence le président Touadéra comme attaché pour le sport, la culture et les affaires humanitaires, en présence de l’ambassadeur. Je suis très honoré de cette tâche que l’on m’a confiée », déclare Boris Becker qui promet de prendre ses fonctions prochainement. Quand le journaliste Christian Hiller von Gaertringen lui demande si la fonction l’aurait intéressé s’il n’avait pas d’ennuis judiciaires, Boris Becker reconnaît quelques avantages : « L’un n’a rien à voir avec l’autre (…) Il est vrai que mon statut de diplomate me confère certains privilèges, comme l’immunité dans certains cas. Il faudra vérifier. Mais ce n’est pas ce qui m’importe le plus. Ceci dit, c’est une réalité, un fait : je suis aujourd’hui diplomate de Centrafrique (…) J’ai reçu personnellement le passeport de l’ambassadeur [Daniel Emery] Dede à Bruxelles, au mois d’avril. Je ne peux rien dire d’autre. »
Daniel Emery Dede, ambassadeur de Centrafrique à Bruxelles depuis 2014, ancien ministre, est en effet au cœur de l’affaire. Sur l’antenne de nos confrères de la Deutsche Welle le 18 juin, il confirmait le « recrutement » du sextuple vainqueur en Grand Chelem. « Je confirme qu’il a un passeport diplomatique. Je confirme aussi qu’il a été recruté à ses frais puisque nous n’avons pas d’argent pour le payer pour être notre mobilisant pour les moyens sportifs, des équipements sociaux et tout ce qui est du domaine humanitaire, rattaché ici à l’ambassade. »
Qui a donc fabriqué ou fait fabriquer ce faux passeport ? Sous quelles conditions a-t-il été octroyé à Boris Becker ? Contacté ce mercredi, l’ambassadeur Daniel Emery Dede n’était pas joignable pour répondre aux questions de RFI. De son côté le ministre centrafricain des Affaires étrangères dit avoir saisi son collègue de la Justice pour que des poursuites soient engagées.
http://www.rfi.fr/afrique/20180620-rca-faux-passeport-diplomatique-boris-becker
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