Emportées par des pluies torrentielles, 20 personnes ont été tuées dans le pays, dont 18 à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, dans la nuit du 18 au 19 juin.
Cet éditorialiste ivoirien dénonce l’inaction des responsables de l’urbanisme.
Nos prières ont porté. Il a plu dru sur Abidjan [sur la côte] et sur Bouaké [dans le centre du pays] dans la nuit de lundi à mardi. Si à Bouaké, on jubile car il y a un déficit en eau potable dans le barrage de la Loka qui pourvoit depuis des décennies Bouaké en eau, à Abidjan [métropole de 5 millions d’habitants], la pluie a semé la désolation.
Il y a 20 morts. Les dégâts matériels sont pour l’heure non chiffrés. On tente encore de sauver ce qui peut l’être, les pieds dans les eaux.
À qui la faute ? Dans le flot des larmes, on nous recommandera de finir le deuil avant d’épiloguer, puis quelques semaines plus tard, d’oublier et de reprendre notre train de vie, comme si de rien n’aura été.
Cette pluie drue qui s’est déversée sur Abidjan apparaît comme les larmes de Dieu face […] à nos esprits corrompus, à la méchanceté de nos frères du ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme.
Depuis des années, les fonctionnaires de ce ministère ont contribué à l’anarchie destructrice.
Permis de construire accordés à l’aveugle
Des permis de construire délivrés sans avoir mis les pieds sur les sites, et des documents à la limite falsifiés.
L’État a laissé faire.
Par la corruption, des Ivoiriens ont obtenu des permis de construire sur des voies d’eau, des terrains non habitables, tracés depuis le temps d’Houphouët-Boigny [ex-président ivoirien, 1960-1993]. Les programmes de construction poussent devant tout le monde sans qu’une petite voix ne s’élève.
On dira “yako” [expression locale pour exprimer la compassion], mais à qui la faute ? Tant que tout allait bien, on s’enorgueillissait à la limite du pouvoir conféré par le dieu argent. Et voici que Dieu se rappelle à notre conscience humaine. Un de ses éléments s’est déchaîné et bonjour les dégâts.
“Tous coupables !”
Tout le monde est ainsi coupables ! Tous ! Les structures de lutte contre la corruption dont des hauts responsables, qui habitent la Riviera [quartier touché par les inondations], ont vu mais n’ont rien dit et fait. Aussi le petit fonctionnaire qui affectionne le dessous-de-table au siège du ministère de la Construction. Aux animateurs des antennes de ce ministère. Tous sont coupables !
À l’exception des messages de sensibilisation, qu’a-t-on posé comme acte d’envergure pour sauver ces vies perdues ? Abidjan est-elle en surpopulation ? Est-ce le transfert de la capitale [vers Yamoussoukro] qui résoudra ce problème ? Pas évident face à la règle de l’indiscipline érigée en mode de fonctionnement dans ce pays nôtre.
Il est temps de véritablement marquer pour une fois le pas et diligenter une enquête dont les résultats ne seront pas camouflés. Sortir la carte du grand Abidjan, suivre le plan cadastral préétabli par les ingénieurs d’Houphouët-Boigny et voir ce qui n’a pas marché.
Pleurs et désolation
Des arcanes du ministère de la Construction aux antennes en passant par les citoyens qui ne reculent devant rien, les Ivoiriens exigent des têtes. Car il y a bel et bien des individus qui mangeront ce soir avec l’argent de la corruption. Sans remords et compassion pour ces familles endeuillées par leur cupidité.
On a tous vu mais on s’est tous tu. Ce n’est pas normal et il faudrait le crier haut et fort jusqu’à ce que, les Ivoiriens, dans leur ensemble, changent car ce n’est pas normal.
La pluie, dans toutes nos contrées est source de joie car elle facilite les cultures, apaise la chaleur et rafraîchit la nature.
Chez nous, elle est devenue source de pleurs et de désolation. Yako à toutes ces familles et que Dieu ne pardonne pas aux coupables.
Adam’s Régis Souaga
Courrierinternational
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