Par Mari Tupy
Après la grande crise financière de 2008, l’inégalité des revenus est devenue une obsession pour tous ceux qui se sont sentis abandonnés par l’économie de marché. En 2011, le slogan « Nous sommes les 99 %» (entendons les 99% de la population qui ne supporte plus que la richesse soit entre les mains de 1%) était scandé à l’unisson par le groupe « Occupy Wall Street ».
En 2013, Barack Obama à son tour considérait les inégalités de revenus comme le «défi déterminant de notre époque». Un an plus tard, le Pape François a réclamé une «redistribution légitime des bénéfices économiques par l’État», tandis que l’économiste Thomas Piketty prône une plus grande égalité des revenus dans son livre « Le Capital au 21ème siècle ».
Non, tout le monde n’est pas d’accord avec Marx
Tout le monde n’est pas d’accord avec la thèse de Marx, selon laquelle le capitalisme est une lutte de classe où la minorité de la classe dirigeante s’approprie le profit du travail de la majorité ouvrière. Par exemple, un psychologue de l’Université d’Harvard, Steven Pinker, affirme que l’inégalité des revenus n’est pas le «défi déterminant de notre époque» et que «l’égalité des revenus n’est pas une composante fondamentale du bien-être». Pour comprendre une telle assertion, il est crucial de ne pas confondre les inégalités de revenus et la pauvreté. Les niveaux de vie augmentent, quoique de manière inégale, dans la majeure partie du monde. Les pays en développement, en particulier, ont largement bénéficié de la diminution des obstacles au commerce et à la circulation des capitaux. C’est pourquoi les inégalités entre les pays diminuent. Quant à l’inégalité au sein des pays, l’enrichissement au sommet n’a pas provoqué d’appauvrissement massif.
L’économie de marché n’est pas un jeu à somme nulle, où le gain des uns est obtenu forcément aux dépens des autres. Ce n’est pas parce que les riches deviennent plus riches et les pauvres s’appauvrissent.
Des preuves introuvables
Selon d’autres arguments avancés par ceux qui s’inquiètent de l’inégalité des revenus : le bonheur d’une personne dépendrait de sa position relative par rapport aux autres membres de la communauté. Cette critique de l’inégalité des revenus comprend des préoccupations au sujet des «comparaisons sociales», des «groupes de référence», de «l’anxiété liée au statut» et « la privation relative ».
Encore une fois, les preuves à l’appui, des arguments des critiques sont rares. Selon Pinker, « Contrairement à une croyance selon laquelle les gens sont tellement conscients de l’écart par rapport à leurs compatriotes plus riches qu’ils continuent à redéfinir leur niveau de bonheur interne par rapport à cette base et cela peu importe leur niveau de vie absolu ». Il ajoute que « Les plus riches et les gens des pays riches sont en moyenne plus heureux que les plus pauvres et les populations des pays les plus pauvres ».
Ensuite, il y a la soi-disant «théorie du Spirit level», selon laquelle la plupart des problèmes sociaux, y compris les homicides, la toxicomanie et le suicide, proviennent du ressentiment provoqué par les inégalités des revenus. Encore une fois, la critique ne tient pas beaucoup. Premièrement, il n’y a aucune raison de croire que l’existence d’un individu riche entraîne une plus grande détresse psychologique pour un individu pauvre que la compétition avec d’autres individus pauvres. Deuxièmement, des études sur la «théorie du spirit level» ont été remises en cause par de nouvelles études plus approfondies, qui ont révélé qu’il n’y avait en fait aucune causalité entre l’inégalité des revenus et le malheur. Troisièmement, l’inégalité croissante des revenus est en fait perçue comme une preuve de mobilité sociale dans les pays en développement, augmentant ainsi le bonheur. Enfin, Pinker aborde la confusion entre l’inégalité des revenus et l’injustice. Contrairement à ce que certains chercheurs ont appelé «l’aversion pour l’iniquité», de nouvelles études ont montré qu’il n’y a pas de préférence innée parmi les êtres humains pour des distributions égales.
Pas de marché sans inégalités
En fait, les inégalités peuvent être appréciées, à condition qu’elles soient perçues comme méritocratiques. Et cela nous ramène à la grande récession de 2008. Je soupçonne que peu de membres du mouvement « Occupy Wall Street » ont entendu parler de Pinker ou tenté de se familiariser en profondeur avec une telle littérature reposant sur des analyses psychologiques. Leur répulsion face aux renflouements des banques a été provoquée, semble-t-il, par un profond sentiment d’injustice: les personnes mêmes qui ont provoqué la chute du marché ont été sauvées grâce à l’utilisation de l’argent public.
Les membres du mouvement « Occupy Wall Street » avaient certes raison, mais ils devraient s’efforcer de ne pas confondre la responsabilité du gouvernement américain avec le fonctionnement inné d’une économie de marché. « Le capitalisme sans échec est comme une religion sans péché ». Les banques qui ont fait de mauvais investissements il y a dix ans auraient dû être autorisées à faire faillite. Les renflouements ont empêché le marché de fonctionner. L’Etat américain en renflouant les banques défectueuses pensaient protéger de l’effondrement du marché. Au lieu de cela, les politiciens ont créé un véritable grief qui persiste encore aujourd’hui. La liberté est la sœur jumelle de la responsabilité et les deux ne peuvent pas être dissociées.
Mari Tupy, Editeur de HumanProgress.org et analyste senior au Center for Global Liberty and Prosperity.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.
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