Après avoir démarré une campagne avant l’heure, en vue des municipales au Plateau, Fabrice Sawegnon semble freiner des quatre fers. L’homme n’est pas financièrement essoufflé, rien s’en faut, il est à un carrefour où le doute s’installe, ajoutée à cela, la posture même du président Alassane Ouattara, son parrain, sur les candidatures indépendantes, dans son sillage.
Pour Fabrice Sawegnon, la prise de pouvoir à la mairie du Plateau paraissait un jeu d’enfants. Communicateur prospère, mais tacticien mitigé, il s’est lancé dans la campagne avant l’heure. Déjà en 2015, il annonçait les couleurs, au lendemain de l’élection présidentielle. C’est que le patron de Voodoo s’était très vite vu en faiseur de rois et sans doute de destin.
De mémoire, il est le seul à avoir annoncé sa candidature à une élection locale, trois ans plus tôt. Le filleul du président Alassane Ouattara avait misé sur un duel à l’usure, pour abattre politiquement son principal challenger Noël Akossi Bendjo. La première erreur de l’homme d’affaires qui s’est lancé sur le tard en politique, a été de croire que le vieux renard du PDCI qui dirige la commune depuis 2001 et qui avait déclaré devant témoins qu’il ne se représenterait pas en 2018, avant de revenir sur sa position ; allait facilement rendre les armes.
Dans sa stratégie de manger du Bendjo, Sawegnon a plutôt renforcé la combativité de celui-ci. Même s’il n’a plus sa superbe de son premier mandat, encore moins ses hommes des premières heures, le secrétaire exécutif du PDCI n’a pas plié. Autre erreur de Sawegnon : le fait de n’avoir pas pris en compte, dans ses calculs, le troisième homme de cette campagne qui soulève les passions des Abidjanais, une erreur d’appréciation sinon de débutant qui se retourne aujourd’hui contre une personne qui se vante d’avoir conduit la campagne de plusieurs présidents africains.
Ouattara Dramane dit OD, personne ne l’avait vu venir, ni Fabrice Sawegnon, ni Akossi Bendjo, ni même la presse qui ne s’intéressait à lui que pendant quelques shows d’artistes qu’il déplaçait à Abidjan. Mais ce militant du RDR, l’un des premiers fondateurs du parti d’Henriette Dagri Diabaté, au Plateau, en 1994 (donc à ses débuts) avançait, sans faire de bruits, y compris dans des bastions imprenables de Bendjo (il a intégré la catégorie Tchagba d’Abobodoumé, village natal de Bendjo). Au point où aujourd’hui, OD se montre comme un challenger sérieux.
Dilemme politique de Sawegnon
Akossi Bendjo plié mais pas rompu, Ouattara Dramane la pierre rejetée qui devient progressivement une pierre d’angle, Fabrice Sawegnon est contraint d’adapter sa stratégie, alors qu’il voit sa chance tourner et sa popularité baisser, depuis sa gaffe au Sofitel hôtel Ivoire, relative à sa nationalité acquise par naissance et son aveu sur ses piques de colère, du reste déjà connues de tout son entourage, sauf de ses supporters.
Dans cette grisaille, la rumeur a vite circulé à la rue Lepic. Fabrice Sawegnon voudrait prendre sa carte de militant RDR. Une rumeur tellement forte qu’elle a envahi les quartiers du Plateau. Le concerné se gardant de la démentir, contrairement à ses habitudes. Le protégé du couple présidentiel sait que ce pari est risqué. Jusque-là, il s’est présenté comme un homme indépendant. Même s’il est proche des dirigeants du RDR (c’est lui qui gère non seulement les campagnes présidentielles depuis 2010, mais la communication lors d’évènements majeurs du RHDP et du RDR), il n’a jamais milité au sein de ce parti, ni même contribué financièrement à ses charges. Bien au contraire, c’est le parti qui le sert.
Dans ces conditions, comment prendre une carte de membre, à seulement six mois des municipales, sans apparaître comme un opportuniste notoire ? Le concerné le sait et sans doute ceux qui l’y poussent aussi, les militants du RDR qui dénoncent de plus en plus le parachutage de cadres, n’adhéreront pas à cette « intrusion ».
Gêne du Président Ouattara
La situation semble de plus en plus gênante pour le palais présidentiel. L’équation qui se présente est difficile : qui pour battre Noël Akossi Bendjo, candidat à sa propre succession, qui sera sans aucun doute possible, présenté par le PDCI, sachant que ce dernier ne supporte pas le RDR (en atteste ses dernières déclarations qui s’apparentent à celles d’un opposant) ?
Sachant aussi que Henri Konan Bédié ne lâchera jamais Bendjo, pour un autre candidat, l’on est tenté de se demander qui sera le candidat du RHDP au Plateau, puisqu’il est autant sûr que le Président Alassane Ouattara ne validera jamais, de son côté, la candidature d’un homme qui ne le porte pas particulièrement dans son cœur ?
Entre Fabrice Sawegnon et Ouattara Dramane, le choix présidentiel se porterait sur qui ? Si le président Alassane Ouattara choisit Fabrice Sawegnon, il aurait ainsi trahi son serment relatif à son rejet des candidatures indépendantes ou en dehors du parti unifié du RHDP. N’est-ce pas par respect de serment qu’il a démis du gouvernement Albert Mabri Toikeusse et Gnamien Konan ? Homme de parole, Alassane Ouattara ne ferait jamais une dérogation spéciale fusse-t-elle pour son « fils » Fabrice Sawegnon.
Si la pression est mise sur Ouattara Dramane qui semble mieux maîtriser le terrain des opposants et frustrés de Bendjo, afin qu’il se retire au profit de Fabrice Sawegnon, cela reviendrait au cas décrit plus haut. Pire, cela révolterait tant les militants du RDR et les supporters de l’homme, que ceux-ci pourraient faire un vote-sanction ou s’abstenir, ce qui constituerait du pain béni pour le maire sortant.
Manifestement au Plateau, en se lançant rapidement dans la course médiatique et pas forcément sur le terrain de la mobilisation politique, Fabrice Sawegnon a eu un seul mérite : se tirer une balle dans les pieds, faire découvrir Ouattara Dramane et replacer Noël Akossi Bendjo dans le jeu.
Saura-t-il en tirer les leçons
André Sylvere Konan
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