Soupçonné de pratiques mafieuses en Afrique, Le milliardaire français Vincent Bolloré se défend en reproduisant un rabâchage hérité des premiers spéculateurs racistes venus d’Occident : « faut-il laisser l’Afrique à l’abandon ? » Telle est la parade de Bolloré ! En d’autres termes, L’Afrique n’a que deux choix : accepter les spéculateurs malhonnêtes ou périr. En d’autres termes, plutôt que de geindre, les Africains devraient dire « merci » au Grand Blanc dont les méthodes commerciales frauduleuses les ont sortis des ténèbres.
Cette rengaine, nous l’avons déjà entendue de Léopold II, qui après avoir réduit le Congo en un vaste champ d’esclaves travaillant à son compte, lorsque vint l’heure de rendre compte au monde de ses excès, se défendit que sans ses « investissements philanthropiques », le Congo serait demeuré sans civilisation. Et l’’on voit bien aujourd’hui l’héritage de civilisation que Léopold et ses héritiers ont légué au Congo.
Cette rengaine, nous l’avons aussi entendue de Jules Ferry, qui, le 28 juillet 1885, dans un plaidoyer pour l’expansion coloniale française, ânonnait devant les députés français que l’Afrique, le cœur des ténèbres habitée de « races inférieures », n’attendait que le messie français pour se civiliser : « Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures … Je dis que les races supérieures ont des devoirs … Est-ce que vous pouvez nier, est-ce que quelqu’un peut nier qu’il y a plus de justice, plus d’ordre matériel et moral, plus d’équité, plus de vertus sociales dans l’Afrique du Nord depuis que la France a fait sa conquête ? Est-ce qu’il est possible de nier que ce soit une bonne fortune pour ces malheureuses populations de l’Afrique équatoriale de tomber sous le protectorat de la nation française ou de la nation anglaise ? ».
Ainsi donc, la question que posait Jules Ferry en 1885 est celle que pose en 2018 Vincent Bolloré : « faut-il laisser l’Afrique à l’abandon ? Les races supérieures ont-elles le droit de laisser les races inférieures à l’abandon ?». Certains de nos « grands penseurs » nous conseilleraient plutôt de dire merci au Grand Blanc qui vient nous soutenir lorsque nous refusons de nous tenir debout, et ces mêmes « penseurs », dégoutés de notre « ingratitude » envers le Grand Blanc, lui conseilleraient ceci : « si l’Afrique refuse de se tenir debout, laissez-la tomber ». Ce que ne diront jamais ces pseudo-penseurs qui émargent chez les dictateurs qu’ils servent, c’est qu’en réalité, l’Afrique n’a pas besoin de prédateurs de la trempe des Bolloré ; que l’Afrique peut se tenir debout sans ces nuisibles exterminateurs occidentaux ; et que ce sont les dictateurs qu’ils servent, ces esclaves mentaux qui ne se sont jamais consolés d’être faits à la couleur du diable, et qui ne voient leur salut que dans l’Occidental – fût-il un prédateur – qui minent les efforts d’honnêtes investisseurs africains, préférant livrer l’Afrique à des fossoyeurs comme Bolloré.
« Faut-il laisser l’Afrique à l’abandon ? » Quelle malhonnêteté ! Mais surtout, quel mépris pour les Africains dans cette question. Comme s’il n’y avait pas d’investisseurs en Afrique ! N’est-ce pas ce même Bolloré, qui de concert avec le pouvoir corrompu d’Abidjan, et dans les conditions les plus déloyales, se démena pour arracher à Jean-Louis Billon, un Africain, un Ivoirien, le deuxième terminal à conteneurs d’Abidjan ? Et lorsque cet Africain-là, décidé à ne pas « laisser l’Afrique à l’abandon », fit un procès à Bolloré, qui vint à la rescousse du Grand Blanc déplacer le débat sur la vente du sucre en Côte d’Ivoire ? Sinon qu’un autre Africain, en la personne d’Hamed Bakayoko, qui s’employa de tout son magma pachydermique à humilier Billon, l’invitant à sortir du gouvernement de Dramane Ouattara ? Comme si la condition sine qua non pour servir dans un gouvernement de Dramane Ouattara était d’abandonner sa cervelle aux vestiaires et de se vêtir du boubou de corrupteur et de corrompu !
Les Africains complexés, disposés à rationaliser les pratiques mafieuses des prédateurs occidentaux en Afrique, il y en aura toujours. De même qu’il eut dans le passé d’indignes « dignitaires » africains qui vendirent leurs frères et sœurs en esclavage aux négriers pour quelques miroiteries, il y a encore aujourd’hui, d’indignes « gouvernants africains » disposés à vendre l’Afrique à des « hommes d’affaires » véreux pour quelques privilèges personnels. Et c’est grâce à ces Africains complexés-là que des Bolloré pourront continuer à s’improviser les messies de l’Afrique.
Martial Frindéthié
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