Francis Perez, président du groupe Pefaco, société spécialisée dans l’hôtellerie et les jeux et très implantée en Afrique, est également en garde à vue depuis mardi, selon l’AFP. Mardi, le groupe a démenti “formellement” toutes irrégularités dans ses activités en Afrique.
Mais qui est Perez?
Perez s’est fait de l’or en barre en Afrique en investissant dans le très juteux secteur des machines à sous alors que Charles Pasqua était ministre de l’Intérieur.
Dans les années 90, l’Espagnol, bien en cour dans l’Internationale socialiste, a voulu monter des salles de jeux au Sénégal en essayant de se rapprocher de Abdou Diouf. De fortes résistances religieuses et sociales l’en empêchèrent. D’ailleurs, l’ex-chef d’Etat ne voulait pas compromettre son image en se permettant des connexions avec le sulfureux Francis.
Au cours de ces dernières années, Pérez, qui jette rarement le manche après la cognée, a voulu concrétiser son rêve de faire des affaires à Dakar. Là également, échec et mat !
Ce n’est pas un hasard si Eyadema est cité dans le scandale-Bolloré. Francis Perez, dont le groupe est le leader des salles de jeux en Afrique francophone, était très lié au président de la République togolaise alors que ce dernier n’était que le conseiller de son père.
Avec Dakaractu.com
Ce que Jeune-Afrique écrivait en 2015 sur Perez
Jeux d’argent : Francis Perez, le Français qui a fait fructifier son business en Afrique francophone
Par Rémi Carayol
Son nom est souvent cité dans les affaires corses. Francis Perez, fils de médecin né à Oran en 1962, quelques mois après les accords d’Évian, n’a pourtant aucun lien de sang avec l’île de Beauté. Mais des liens d’affaires, à coup sûr, ainsi qu’une solide amitié avec une figure du nationalisme corse, Alain Orsoni. Et une aussi grande appétence pour les bandits manchots et pour l’Afrique que Michel Tomi. Son empire, qu’il a façonné dans un premier temps dans le golfe de Guinée, n’est d’ailleurs pas loin de rivaliser aujourd’hui avec celui bâti par le Corse en Afrique centrale, même s’il ne possède ni PMU ni casino.
Le leader des salles de jeu
Son groupe, Pefaco, basé à Barcelone, est peu connu. Ses salles de jeu le sont plus : des Lydia Ludic, on en trouve désormais dans huit pays, au Togo, au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Burundi, au Niger, en RD Congo et depuis peu au Rwanda. Soit plus de 300 salles (et 4 000 salariés), auxquelles s’ajoutent près de 530 bars dans lesquels il exploite des machines à sous. Bientôt, il en aura au Nigeria, « un gros coup » si ça marche. Lancement prévu au premier trimestre 2016, après un investissement de 7 millions d’euros. Il possède en outre quatre hôtels cinq étoiles (dont deux en construction), au Togo et au Congo. Et ce n’est pas fini : son groupe doit être coté à la Bourse de Malte dans les jours à venir ; il cherche à acquérir ses deux premiers casinos sur le continent, à Dakar ; et il espère doubler son chiffre d’affaires dans les deux ans.
Avec un tel pedigree, Perez aurait tort de ne pas se présenter comme « le leader des salles de jeu » en Afrique francophone. Cigare à la bouche, chemise entrouverte et chaîne en or, l’homme qui nous reçoit dans son bureau, dans un immeuble quelconque situé au cœur de Barcelone, répond assez bien à l’image que l’on s’en faisait avant de le rencontrer. Celle d’un homme du Sud fort en gueule et en affaires, amateur de bons vins et de bonnes blagues.
Il ne cache ni ses accointances politiques qui l’ont si souvent desservi (à gauche), ni son chiffre d’affaires (42 millions d’euros en 2014), une rareté dans ce secteur
Christian Lestavel, un ancien taulard récupéré par les Renseignements généraux (RG) pour infiltrer le milieu du sud de la France dans les années 1980, dit de lui qu’il avait à l’époque des méthodes peu orthodoxes, et le décrit comme un homme à champagne et à yacht. Affable et souriant, Perez fait aujourd’hui œuvre de transparence. Il ne cache ni ses accointances politiques qui l’ont si souvent desservi (à gauche), ni son chiffre d’affaires (42 millions d’euros en 2014), une rareté dans ce secteur. Il est moins bavard, par contre, quand il s’agit d’évoquer sa première vie, celle d’avant la naissance de Pefaco, en 1995.
La naissance de Pefaco
Ce fils de pieds-noirs s’est construit seul – c’est du moins ce qu’il raconte. Après une formation d’hôtelier, il aurait d’abord vendu des poulets rôtis sur la plage de Sète, sur la côte méditerranéenne française, avant de se lancer très jeune dans le business des machines à sous avec l’aide d’un ami de la famille. Au Portugal d’abord, puis au Brésil, où il en rachète 150 à un cador de la mafia italienne (un futur repenti), Lillo Lauricella. C’est à cette époque qu’il apparaît dans le viseur des polices française et italienne. Une fiche de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) indique qu’il est revenu en France en 1987 avec de grandes ambitions.
En France, les jeux étaient gérés par les RG qui décidaient de tout, affirme-t-il
À cette date, Charles Pasqua, l’ami des Corses, est ministre de l’Intérieur, et l’exploitation des machines à sous est à nouveau autorisée – une promesse de renaissance pour les casinos, qui vivotent. De retour de son exil brésilien, Perez achète plusieurs casinos à bas prix dans le sud de la France et fonde le holding Grand Sud avec Alain Ferrand, un homme politique de droite qui est aujourd’hui à la tête de la branche hôtelière de Pefaco. Présenté comme « le nouveau roi des casinos » dans la région, Perez fait la rencontre de Lestavel, l’infiltré qui racontera les drôles d’aventures qu’ils ont vécues ensemble dans un ouvrage intitulé Parrains du Sud (éditions du Toucan, 2013), et de Feliciaggi, « un type bien, pas un voyou », à qui il rachète le casino de Palavas, et dont certaines sources affirment qu’il a un temps travaillé pour lui.
C’est aussi à cette époque qu’il s’intéresse à l’Afrique, et notamment à Djibouti. Les articles de presse qui lui sont consacrés dans les années 1990 le présentent comme le directeur de la Loterie nationale. Perez, lui, affirme n’avoir obtenu, de cette même Loterie nationale, que la concession de deux salles de jeu. « J’ai perdu de l’argent », dit-il. En 1991, il a tenté d’ouvrir un casino au Cameroun, avant de disparaître et de refiler le bébé à un proche de Michel Tomi. « Un choix personnel », assure-t-il, sans préciser s’il était en service commandé pour le duo Tomi-Feliciaggi ou s’il s’est fait évincer par plus puissants que lui.
En France aussi, la poule aux œufs d’or est un leurre. Perez n’a pas les soutiens politiques indispensables pour obtenir l’autorisation d’exploiter des machines à sous. « Les jeux étaient gérés par les RG qui décidaient de tout », maugrée-t-il. Il est jeune, à peine 30 ans, enthousiaste, et peut-être un peu naïf. Il s’endette. S’adonne à des manœuvres financières et de troubles fréquentations pour sauver ce qui peut l’être. Un rapport parlementaire évoque en 1992 des « mouvements de capitaux suspects » au sein de son holding. Plus tard, il sera condamné à de la prison avec sursis pour abus de biens sociaux, en même temps que Ferrand, son associé. Les deux hommes finissent par se faire arnaquer par plus torves qu’eux. Ils revendent le groupe à perte.
Un « togolais de coeur »
Perez ne digère pas. Il quitte la France, ce pays qui n’aime pas les jeux de hasard, fonde sa société en Espagne, ce pays qui aime les jeux de hasard, et réapparaît au Togo, ce pays qui ne connaît pas encore les jeux de hasard (nous sommes en 1995). L’un de ses amis et associés, Olivier Cauro, a fait ses études aux États-Unis avec un certain Faure Gnassingbé. Le fils du général Eyadéma, qui n’est alors que le conseiller de son père, les aide à obtenir l’autorisation d’exploiter des machines à sous. Après des débuts difficiles, l’exemple togolais fait tache d’huile : au Bénin en 1999, puis au Burundi en 2001, au Burkina Faso en 2002, au Niger en 2004…
Pour faire des affaires en Afrique francophone, il faut des connexions politiques, explique Perez
Perez, qui dit être « togolais de cœur », ne cache pas sa proximité avec Faure. « Pour faire des affaires en Afrique francophone, il faut des connexions politiques », explique-t-il. C’est également le cas au Congo, un pays dans lequel son groupe gère plusieurs hôtels, dont le luxueux Alima à Oyo, la ville natale de Denis Sassou Nguesso, un homme que Perez a connu en France dans les années 1990. Comme ce le fut aussi, dans le passé, au Sénégal : à la fin des années 1990, Perez était entré en contact avec Abdou Diouf grâce à ses réseaux socialistes. Mais l’affaire avait capoté. La mafia ? Le blanchiment d’argent ? Le « racket » organisé des joueurs ? « Des fantasmes », plaide-t-il, assurant que « tout est contrôlé » dans ses salles et que « 92 % des sommes jouées sont redistribuées » aux clients.
Des sources policières ont évoqué dans le passé des liens entre lui et le milieu corse, sur la base de sa collaboration passée avec Robert Feliciaggi, et surtout de sa proximité avec Alain Orsoni, un ami d’enfance qui fut, il y a une quinzaine d’années, au cœur de la guerre que se livraient deux clans de l’île de Beauté. Pour l’aider, Perez lui avait alors proposé de travailler quelque temps pour lui en Amérique centrale, au Nicaragua notamment (histoire de se mettre à l’abri). C’est ce même Orsoni qui a tenté en 2011 d’envoyer son fils, Guy, alors recherché pour meurtre, se terrer au Gabon, dans le fief et sous la protection de Michel Tomi. Le monde des jeux est petit.
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