Regard Citoyens
Les bisbilles au sein du Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), coalition au pouvoir, ont poussé Alassane Ouattara et Henri Konan Bedié à s’assoir autour d’une table ce 10 avril 2018. Seulement, le bât blesse est que le communiqué final est co-signé par l‘un président de parti politique et l’autre président de la République, qui est un symbole de l’Etat.
Par Assena Amanien
Comme annoncé, la rencontre prévue entre le Chef de l’Etat, Alassane Ouattara et le Président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié a eu lieu ce mardi 10 Avril au palais de la République.
Pour rappel, depuis quelques semaines, c’est la passe d’armes et une incompréhension qui s’est installée entre les deux principaux partis (PDCI et RDR) de l’alliance politique RHDP.
S’ils sont tous deux d’accord de l’intérêt d’un groupement politique où chaque parti politique garde son identité propre dans une sorte de fédération de partis politiques, ils sont en désaccord total sur le timing et les modalités de fonctionnement notamment de désignation du futur candidat de ce groupement politique.
Pour le PDCI-RDA, il faut maintenir le groupement politique en l’état jusqu’au jour où les partis décideront ou accepteront de perdre leur identité au profit d’un parti unifié de fusion après l’élection présidentielle de 2020 comme l’a souligné le président Bédié lors d’une interview accordée à « Jeune Afrique » en juin 2017 : « Le RHDP est un groupement politique de partis autonomes. Nous avions proposé aux partis qui avaient quitté le PDCI du temps du président Houphouët de revenir, mais cet appel n’a pas été accepté. Personne ne veut renoncer à son identité. Les clivages entre le PDCI, le RDR, l’UDPCI et le MFA continuent d’exister. Ce sera ainsi jusqu’à ce que les esprits évoluent et qu’on aboutisse un jour au parti unifié. » et d’ajouter : « Le PDCI aura un candidat en 2020. Ce sera le candidat unique du RHDP. Il faut qu’Alassane Ouattara et moi nous entendions sur ce point pour que cette alternance ait lieu. »
Le RDR n’entend pas les choses de cette manière. Pour eux, l’alternance n’est pas par rapport au RDR. Pour eux, on ne doit plus parler de cadre du PDCI à l’intérieur d’un parti unifié RHDP et que « seul le meilleur succèdera à Alassane Ouattara » comme l’a laissé entendre le Président Ouattara lors d’une interview en juin 2015 à la RTI. Ainsi, l’alternance est par rapport à sa personne et non par rapport à son parti et le candidat sera le « meilleur » choisi au sein du futur parti unifié envisagé avant 2020.
Pour aplanir la discorde et faire baisser les armes dans les deux camps, les deux leaders de ces partis ont décidé de se parler, le 10 avril 2018.
Seulement cette rencontre qui aurait pu passer outre l’actualité fait débat non pas pour sa pertinence ou son intérêt mais plutôt pour la qualité au nom de laquelle les deux hommes se sont rencontrés et ont signé le communiqué final : l’un président de la parti politique et l’autre président de la République.
Depuis 1990 avec l’avènement du pluralisme politique et la disparition du parti unique et d’Etat, on s’étonne qu’un Président de la République signe en cette qualité un communiqué qui concerne la vie d’un parti politique (organisation privée).
Depuis le dernier congrès du RDR, M. Ouattara n’est plus président de ce parti mais un président d’honneur. On aurait pu comprendre son rôle dans cette rencontre en prétextant d’un mandat donné par la présidente de son parti. Or ici, il ne signe pas ce communiqué de son titre de président d’honneur ou agissant pour le compte du RDR mais de celui de président de la République.
Il est vrai que selon la dernière et nouvelle constitution de novembre 2016, il n’y a plus d’incompatibilité entre la fonction de président de la République et de celle de président de parti politique mais dans le cas ici, il s’agit de la vie d’une association privée et cela ne regarde et ne concerne en rien la République.
La fonction de président de la république est neutre. Le mandat d’un parti politique est partisan. Pourquoi donc associer la République et ses symboles à une affaire entre groupement d’intérêt privé ?
Pourquoi, le chef de l’Etat ne convoque-t-il pas le président du MFA ou celui du PIT à un échange sur la vie de leur parti politique, si tant est que la quiétude dans un parti politique comme le RHDP est essentielle pour la Côte d’Ivoire comme entendu dans l’interview du 25 juin 2015 ? La quiétude au FPI ne serait-elle pas aussi utile pour la démocratie et la paix ? Pourquoi lier la vie d’un parti politique à la vie d’une nation ?
Pourquoi la rencontre entre le président Bédié et le président Affi n’a pas aussi fait l’objet d’un communiqué pour saluer ce rapprochement si tant est qu’on recherche la stabilité en tant que président de la République, puisque c’est à ce titre que la rencontre au palais entre Bédié et Ouattara a eu lieu ?
Pourquoi ce deux poids deux mesures alors que les partis politiques sont égaux devant la loi et le président de la république incarne l’unité de la nation pour tous les ivoiriens y compris des citoyens de tous les partis politiques toute tendance confondue ?
Aussi, après son discours du 3 avril 2018 où il faisait mention du RHDP, le président de l’assemblée nationale, Guillaume Soro, dans un communiqué signé de son service de communication et publié sur son site internet, se réjouit du dialogue entre M. Ouattara et M. Bédié et les encourage selon le communiqué à poursuivre les pourparlers dans le sens de l’inclusivité.
Ici également, on s’étonne puisque c’est sous le titre et la fonction de président de l’assemblée nationale que le communiqué est émis.
Pourquoi maintenant et seulement pour une rencontre au sujet du RDHP ?
Pourquoi ce ne fut pas des rencontres entre les clans divisés du FPI ?
Pourquoi cette immixtion de la République dans des affaires privées ?
Sommes-nous en droit de craindre le retour d’un parti Etat avec le parti unifié RHDP ?
C’est assez inquiétant cette confusion de genres et de formes dans la République.
C’est aussi dangereux pour la démocratie que pour la République que ses symboles soient instrumentalisés à des fins partisanes et au profit d’un groupement politique.
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